Le président M. Aoun et son gendre Gibran Basil |
Une partie serrée s’est déroulée
ces derniers jours à Beyrouth entre le président de la République Michel Aoun,
grand ami du Hezbollah et de la milice Amal, et Saad Hariri candidat désigné
premier ministre. Le point de non-retour a été atteint lorsque le président
libanais, dont le trône vacille, a voulu imposer ses conditions et celles de
son gendre Gibran Basil, son héritier désigné. Aoun exigeait non seulement un
droit de véto sur le gouvernement, c’est à dire un tiers des ministres plus un,
lui permettant de contrôler l’ordre du jour gouvernemental mais aussi le choix
de certains ministères dont l’Intérieur, la Justice ainsi que celui de l’Energie,
lequel était sous la responsabilité de son gendre lors de l’explosion du port.
On évitait ainsi la poursuite de l’enquête qui est toujours au point mort.
H. Nasrallah avec le président M. Aoun |
Saad Hariri, qui possède trois
passeports saoudiens, libanais et français, proposait un programme issu du plan
suggéré par le président Macron. Il avait cependant offert le portefeuille des Finances
au Hezbollah ainsi qu’au mouvement Amal, On n’oublie pas que le Hezbollah
entité politique, est reconnu en France, alors que ce mouvement terroriste est
totalement interdit ailleurs. On se souviendra aussi de l’épisode où Saad
Hariri, premier ministre, fut retenu en Arabie saoudite et démissionna
dramatiquement devant les télévisions (04/11/2017), pour ensuite annuler sa
démission. Son patron saoudien ne veut à aucun prix du Hezbollah et bloquerait
toute aide financière arabe. Il s’est lui-même mis dans une impasse et doit
continuer à jouer le rôle de premier ministre désigné sauf à perdre toute
crédibilité.
Le mouvement de protestation au Liban |
Une fois de plus, les chefs de
clans ont opté pour la pire des solutions, le non-choix, le statu quo, car les
réformes indispensables mettraient en cause leurs prérogatives. La crise en
cours atteint aujourd’hui son paroxysme. Plus de 55% des citoyens sont livrés à
la pauvreté pendant que la livre a perdu près de 90 % de sa valeur et la pandémie
aggrave le quotidien. Le gouvernement
intérimaire et démissionnaire d’Hassan Diab a des pouvoirs limités qui ne lui
permettent aucune réforme sérieuse. Le pays est à la veille d’un triple
effondrement, monétaire (c’est déjà le cas) sanitaire et sécuritaire. L’armée
tient encore parce que les soldes sont encore payées.
Le Hezbollah a clairement indiqué
qu’il ne donnera aucun accord ou aval ; d’autant que comme Téhéran, il
rejette le projet de Saad Hariri. Dans la grande négociation en cours sur la
réactivation de l’accord nucléaire, la manœuvre consiste à prendre le Liban en
otage de l’Iran, avec toutes les conséquences, notamment pour Israël. Téhéran
veut obtenir l’accord de Washington sur son contrôle du Liban, comme celui de
son implantation durable en Syrie. Le Liban est devenu objet d’un marchandage.
L’UE est absente du débat dont l’issue dépend du prix que Joe Biden est prêt à
payer pour voir l’Iran réintégrer l’accord ou pour l’Iran d’obtenir la levée
des sanctions.
Saad et Bahaa Hariri |
D’aucuns pensent que l’heure du
frère ainé Bahaa Hariri à la double nationalité libanaise et saoudienne a
sonné. Il avait soutenu les démarches de son frère Saad mais a pris ses
distances en critiquant la présence du Hezbollah, qui a d’ailleurs porté
plainte contre lui. On le considère comme l’homme fort des Saoudiens. Ancien
premier ministre et leader du Mouvement du futur à prédominance sunnite, comme
les dirigeants du Golfe, il a rejoint le mouvement de protestation.
L’avocat Nabil el Halabi, porte-parole
officieux de Bahaa Hariri, fondateur du Forum politique économique et social,
qui dirige également l’Institut libanais pour la démocratie et les Droits de
l’homme a publiquement déclaré que ces deux organisations ont le soutien de
Bahaa. Il affirme que «Bahaa n’a
aucune intention de devenir premier ministre et le problème de la
révolution ressemble au Liban lui-même» déclare-t-il. La famille Hariri,
invitée à se rendre en Arabie Saoudite pour prêter allégeance à Bahaa, avait
refusé de s’y rendre. Ce qui a semble-t-il marqué la rupture de fait entre les
deux frères. La position américaine est très ambigüe. Washington serait «satisfait
du maintien du statu quo pour autant qu’Israël le soit aussi», ce qui
paraît totalement contradictoire lorsqu’on prétend lutter contre la corruption
et pour la promotion des Droits de l’homme (dixit Joe Biden).
L'avocat Nabil el Halabi |
La situation dégénère chaque jour.
Israël ne peut se satisfaire d’un tel chaos, qui amènerait irrésistiblement les
terroristes et l’Iran au pouvoir lesquels composeraient avec la clique des
chefs de clans qui verraient leur statut protégé au détriment de la population.
Certaines chancelleries évoquent la possible conclusion d’un accord entre
l’Arabie Saoudite et Israël, longtemps annoncé mais pas encore formalisé, qui inclurait
l’entrée officielle saoudienne au pays du Cèdre et son soutien financier, avec
un gouvernement à la mesure des demandes faites tant par l’UE qui financerait
aussi, le FMI qui prêterait et Washington qui pourrait mettre à son actif la
réalisation de ce changement salutaire pour toute la région, L’État hébreu
pourrait envisager un accord de paix avec son voisin. Cela neutraliserait le
groupe terroriste qui perdrait son fonds de commerce et serait obligé de
désarmer. Cela aussi restaurerait les relations entre Washington et Ryad, après
l’affront fait au prince MbS à la suite de l’affaire Kashoggi et le rapport de
la CIA.
Le président Joe Biden imposera-t-il
sa pax Americana comme Donald Trump l’a fait avant lui ? fera-t-il
triompher les Droits de l’homme, la démocratie, passerons-nous effectivement d’America
first à America is back ? La négociation en cours à Vienne montrera
si cela peut devenir réalité. La date de l’élection présidentielle du 18 juin
en constitue le butoir. Pour l’instant,
le grand perdant reste le peuple libanais et les bénéficiaires, si rien ne
change, le Hezbollah et les chefs corrompus des clans.
les clans mafieux font de la politique des pays Arabes du moyen orient et du Maghreb, l'islam politique cimente tout cela, le système démocratique ne marchera jamais dans ces région c'est un leurre de croire a cela.
RépondreSupprimerIl n’y aura aucun plan saoudien, rien de tout cela. C’est un voeux pieux. Le Hezbollah ne le permettra jamais. Le mouvement terroriste et son mentor, le regime iranien, ont choisi la voie du chaos et du pourrissement. Le scenario à venir le plus probable est simple : Lorsque des émeutes violentes se produiront (ça arrive, le Liban est completement exsangue, beaucoup de gens n’ont plus rien à manger.,,), le Hezbollah fort de sa milice bien armée fera un coup d’Etat pour soit-disant
RépondreSupprimer« ramener l’ordre » et « éviter une nouvelle guerre civile ». Exit Aoun, Hariri et Cie. L’Iran aura enfin placé le Liban sous son influence directe et totale. L’arc Chiite sera accomplie. Quid de la suite ? Que fera Israel ? Pas simple. Ça doit cogiter dur à l’Etat-Major de Tsahal...
Je vous remercie pour votre lecture et commentaires. On peut évidemment spéculer sur l'issue de cette crise. De nombreux scénarios restent "sur la table". Au même titre qu'on a longtemps attendu les accords d'Abraham, et pourtant 2020 a été l'année miracle, malgré les augures antérieurs. Joe Biden a entamé son mandat en mettant en avant la démocratie, la lutte contre la corruption et les droits de l'homme. La suite montrera si ca doit totalement rester des paroles creuses. Au delà, je ne crois pas un instant qu'Israël pourra et voudra rester les bras croisés dans une évolution-catastrophe qui mettrait en cause ses fondamentaux sécuritaires. Washington et Moscou ne sont pas favorables à un renforcement de la présence iranienne dans la région. On ne compte plus les frappes de Tsahal. Les russes regardent mais ne bougent pas. Enfin, last but not least, Israël ne laissera pas l'arc chiite lui tirer une flèche dans le dos.
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