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Une cargaison du vaccin russe Spoutnik V contre la COVID-19 |
Pour
qui suit régulièrement les plateaux des télévisions sur les chaines françaises
d’information, l’épidémie est devenue un véritable marronnier, occupant la
majorité des débats entre journalistes et politiques invités, avec - et ils
sont devenus maintenant des figures familières -, la ronde des médecins,
épidémiologistes et virologues ; y compris, parmi ces derniers, quelques
vrais charlatans que les mêmes chaines d’information ont mis du temps à laisser
de côté, CNEWS s’obstinant à en recevoir quelques-uns.
Marronnier
dans une forêt de marronniers, le sujet des vaccins. Que l’Union Européenne
soit en retard par rapport à de nombreux pays, et singulièrement le Royaume Uni
qui en faisait officiellement partie jusqu’au 1er janvier, c’est une
réalité douloureuse que personne ne conteste. Que certains contrats aient été «mal
ficelés» ; que l’on ait pris du retard à passer les commandes ; que
dans le fond et contrairement à des leaders populistes mais redoutablement
efficaces sur le sujet – Benyamin Netanyahou, Donald Trump et Boris Johnson –
les dirigeants européens n’aient pas vraiment cru au début à la mise au point
rapide de vaccins – tout cela fait l’objet d’un large consensus et pas
seulement en France. «On a eu le tort de manquer d’ambition» vient de
concéder Emmanuel Macron (1).
L’U.E
semble émerger lentement de sa naïveté, réalisant que les usines européennes de
la chaîne de production du vaccin Astra Zeneca ont exporté des dizaines de
millions de doses, alors que nous en manquons cruellement justement au moment
d’une troisième vague meurtrière. Les Européens ont ainsi exporté vers le Royaume-Uni
environ 21 millions de doses, tous vaccins confondus. A l’inverse, ils n’ont
reçu aucun flacon produit outre-Manche. On a assisté à des querelles au niveau
juridique et politique, les obligations non respectées du laboratoire
anglo-suédois faisant sérieusement monter la tension entre Londres et
Bruxelles. Ces derniers jours, il semblait que l’on cherchait un compromis,
alors que l’Union Européenne et le Royaume-Uni sont pris tous les deux dans un
véritable étau : de ce côté de la Manche, on comptait sur ce vaccin pour
assurer environ 50% des campagnes pour les prochaines semaines, alors que le
pourcentage moyen de primo-vaccinés tourne autour de 10% (2) ; de l’autre
côté, nos amis britanniques sont justement fiers d’avoir vacciné déjà plus de
43% de la population, mais il ne s’agit que des premières doses sauf pour les 5%
ayant reçu les deux injections : risque calculé et assumé pour réduire le
bilan très meurtrier du début 2021, mais qui devient hasardeux alors que 12
semaines sont considérées en théorie comme la durée limite entre deux
injections.
Mais
il en est des épidémies comme des guerres, et on réalise alors qu’en cas de
péril réel le «chacun pour soi» reprend le dessus. On vient de le voir
avec l’Inde, géant de plus de 1,34 milliards d’habitants et dont on sait
qu’elle n’arrivera certainement pas à vacciner la majorité de sa population
d’ici la fin de l’année. Le monde pharmaceutique étant devenu un village, on
apprenait tout dernièrement qu’elle était aussi un grand producteur du fameux Astra
Zeneca, avec des exportations vers des pays lointains comme le Brésil ou le
Maroc, mais aussi … le Royaume-Uni ! La flambée épidémique a conduit le
gouvernement indien à geler l’exportation du précieux vaccin (3), et on se
retrouve ainsi en situation de pénurie dans l’U.E comme chez nos partenaires
britanniques.
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Le vaccin russe Spoutnik V, développé par l'Institut Gamaley |
Pour
savoir tout cela, il suffit de s’astreindre à la lecture de la presse en ligne,
et ne pas se contenter des joutes oratoires sur les plateaux de télévision. Or
comment réagissent les «politiques» invités à débattre ? Eh bien,
régulièrement en «sortant un marronnier dans le marronnier», cette fois
le fameux vaccin Spoutnik-V. À en croire les représentants des deux frères
siamois de la démagogie populiste, Rassemblement National d’un côté, France
Insoumise de l’autre - mais aussi souvent ceux de la Droite modérée (LR) -, il
suffirait d’accepter le vaccin russe et le problème serait réglé. Sont alors
mis sur le tapis et dans un ordre variable : le refus de ce vaccin qui
serait «politique» ; le fait que plus de 50 pays l’ont
validé ; et le fait qu’il s’agisse d’un excellent vaccin.
Commençons
par cette dernière affirmation. Un article très documenté du journal Le
Monde (4) donne un historique de son développement, et les raisons des
réticences internationales du début alors même qu’il a été un des premiers à
avoir été utilisé sur la population, avant la fin des essais cliniques. Une
étude de la revue de référence The Lancet, a depuis présenté un bilan
élogieux du vaccin, disant : «Le
développement du vaccin Spoutnik-V a été critiqué pour sa précipitation, le
fait qu’il ait brûlé des étapes et une absence de transparence. Mais les
résultats rapportés ici sont clairs et le principe scientifique de cette
vaccination est démontré». Le fait est que
les autorités russes ont tardé à présenter son dossier, maintenant en cours
d’examen à l’Agence Européenne du Médicament : parler d’un refus
politique est donc une contre-vérité, d’autant plus que la même Agence a pris
son temps pour valider, par exemple, l’Astra Zeneca.
Une
procédure que Jean-Luc Mélenchon voudrait piétiner joyeusement au bénéfice du
Spoutnik-V, faisant sans honte aucune une interprétation politique des
homologations de vaccins (5), en déclarant : «Nous aurions pu, nous,
commander directement aux Russes les vaccins, comme l'ont fait les Hongrois qui
sont également membres de l'Union européenne». Selon lui, si l'on
avait fait cela, «nous aurions la quantité de vaccins que nous voulons»,
mais «nous ne le faisons pas, pas à cause des vaccins, mais à cause
du fait que monsieur Macron étant un ami de monsieur Biden et de monsieur
Trump, ne parle pas aux Russes».
Les élus RN ou
LFI venant sur les plateaux de télévision font, eux, vraiment de la politique
de bas étage sous prétexte de dénoncer un «refus idéologique». Le même
Mélenchon disait aussi au mois de décembre sa méfiance devant la technique
innovante du vaccin Pfizer (6), qui allait s’illustrer les mois suivants par la
vaccination brillante de dizaines de millions d’Américains, d’Israéliens et
autres populations : mais il faudrait un peu plus de courage aux
journalistes pour lui jeter au visage ses fausses prophéties.
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L'Iran a lancé sa campagne de vaccination avec le ministre de la santé Saeed Namaki qui a vu son fils Parsa recevoir la première dose de Sputnik V |
Dans une interview à France Info, le ministre des affaires
étrangères Jean-Yves Le Drian devait reprocher à la Russie de faire de son
vaccin contre le Covid-19, Spoutnik-V, un outil de propagande : «A
la manière dont c’est géré, c’est plus un moyen de propagande et de diplomatie
agressive qu’un moyen de solidarité et d’aide sanitaire. » (…) La
Russie a annoncé avec beaucoup d’environnement médiatique qu’elle allait donner
30.000 doses aux Tunisiens, très bien Spoutnik ! Mais, dans le même
temps, [le dispositif] Covax (dispositif d’aide à la vaccination des
pays en voie de développement par les pays occidentaux, ndlr) a déjà livré 100.000
doses et va en livrer 400.000 d’ici au mois de mai, a-t-il reproché. Ça,
c’est du vrai travail de solidarité, c’est de la vraie coopération
sanitaire » (7).
On pourrait citer, dans la même série, les centaines de milliers de
doses promises à la Hongrie pour 40.000 effectivement livrées ; d’autres
livraisons réduites, faites en grande pompe avec effectivement une
communication très agressive ; et le fait que l’Italie va construire une
usine dans le Nord du pays pour produire le Spoutnik, mais seulement à partir
du mois de juin donc une fois que la pire vague actuelle sera passée : la
Russie est totalement incapable de nous fournir en quantité son vaccin miracle.
Sait on aussi que le V du Spoutnik-V n’est pas le chiffre 5 en
caractères romains, mais bien le V de la victoire, célèbre depuis la Seconde
Guerre Mondiale ? Oui, la lutte contre le mal affreux de la pandémie du Covid-19
qui a fait déjà plus de 2.750.000 morts – estimation basse – peut s’assimiler à
une véritable guerre mondiale, même si on a beaucoup reproché à Emmanuel Macron
son fameux «nous sommes en guerre» du début de l’épidémie en France. Une
guerre se gagne avec des munitions, l’arme principale en ce début de printemps
2021 restant les vaccins. Mais même si la propagande garde ses droits partout,
même si on doit effectivement ne refuser aucune ressource médicalement sûre, il
n’est pas interdit d’avoir tous les chiffres en tête et j’en ai donné un
certain nombre ici pour clarifier les données. Juste une illustration pour
finir, publiée le 17 février sur le compte twitter du Docteur Éric Feigl-Ding,
épidémiologiste américain suivi par des centaines de milliers de followers.
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COVID ET EXCES DE MORTALITE |
Sur ce diagramme, sont comparés les chiffres officiels des morts du Covid-19
pour 100.000 habitants, et l’excès de mortalité, comptabilisés au 16 février
dernier. En France, les deux chiffres sont quasiment identiques. En Russie, le
chiffre de victimes de l’épidémie rapporté à la population est voisin du notre,
mais l’excès de mortalité est largement supérieur : n’est-ce pas
étrange ? Mais qui interrogera les vaillants avocats du vaccin miracle sur
les performances sanitaires d’un pays que l’on devrait prendre comme
modèle ?
(1) : source rtl.fr , 25/03/2021
(2) : source Sortir à Paris. com, 26/03/2021
(3) : source Le Monde, 25/03/2021
(4) : source Le Monde, 12/02/2021
(5) : source FranceTV Infos, 21/03/2021
(6) : source 20minutes.fr, 13/12/2020
(7) : source Le Monde, 26/03/2021
4 commentaires:
Utiliser ce graphique pour douter ou faire douter de l'efficacité du vaccin russe- s'il est honnete dans la présentation des données- ne fournit pas une réponse complète et certaine par rapport à d'autres vacins.
En effet il importe de savoir quel pourcentage de la population a été vaccinnée avec ce produit en temps utile depuis le moment où la pandémie a commencé- y ajoutant dans un pays aussi étendu que la Russie le problème d'organisation et du nombre progressif de doses disponibles.
Ceci dit, bien que n'étant pas expert, à la question posée "préférez-vous pour la meme efficacité un vaccin ARN ou classique" je pense que comme beaucoup d'autres j'orienterais mon choix sur un vaccin de type classique, faute de recul.
J'ai bien compris que pour vous, la politique des élus du RN ou de LFI était de "bas étage".
Mais je n'ai pas réussi à démêler à quel étage je devais situer la vôtre ?
« Nous avons eu le tort de manquer d’ambition... » c’est peu de le dire quand devant une telle urgence sanitaire le pays de Pasteur n’a pas été capable de sortir un vaccin faute de moyens financiers pour payer ses chercheurs. L’Europe quémande, s’insurge de ne pas avoir les doses nécessaires à sa population quand d’autres ont passé commande bien avant elle.
« Nous avons eu le tort de manquer d’ambition... ». Pas seulement la France mais aussi l’UE.
Quant au vaccin Spoutnik-V il semble que les effets secondaires politiques se font déjà sentir par Mélenchon et Marine le Pen sans qu’il soit besoin de les inoculer.
Pasteur a été capable de sortir un vaccin dont les effets n'étaient pas suffisants en phase 1. Mais le pire ce sont les guerres d'égo qui ont tué la recherche
https://www.google.com/amp/s/www.ladepeche.fr/amp/2021/02/25/vaccin-contre-le-covid-19-une-guerre-interne-entre-chercheurs-derriere-lechec-de-linstitut-pasteur-selon-une-enquete-9393319.php
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