RELATIONS FORMELLES ENTRE LE MAROC ET LE MOSSAD
Par Francis MORITZ
Abdellatif Hammouchi grand patron des services secrets du Maroc |
Après
de longues fiançailles, depuis 1948, le Mossad et la maison royale voient leurs
relations, bien que marquée d’une pose en 2002, enfin formalisées. À la
différence des normalisations issues des accords d’Abraham, c’est la conclusion
d’un long périple politique, diplomatique, sécuritaire, qui a conduit Jérusalem
à Rabat, malgré des hauts et quelques bas. Quelques faits marquants ont jalonné
la vie du royaume ainsi que les relations entre les deux partenaires.
Simon Peres et Hassan II |
Le
Mossad était présent au Maroc depuis 1948. Il y devint rapidement un partenaire
discret et efficace du régime. Après son indépendance en 1956, la monarchie
marocaine avait fait alliance avec ses ex-colonisateurs contre les groupes
révolutionnaires qui étaient les ennemis communs de l’époque. Un accord avec le
Mossad avait permis en 1961 le départ de plusieurs dizaines de milliers de
Juifs vers Israël. Le niveau de confiance exceptionnel qui régna entre Hassan
II et le Mossad déboucha, au début des années 80, sur la mise en avant d’un
conseiller spécial du roi, André Azoulay, juif marocain qui a fait sa carrière en
France et qui dispose d’un réseau relationnel international.
Le
conseiller royal développera très habilement et discrètement un tissu
d’activités et de relations culturelles, religieuses, communautaires,
politiques avec des personnalités israéliennes compatibles avec le souverain chérifien.
Hassan II était sans aucun doute fasciné par certains des dirigeants israéliens
et une forme de puissance brutale qu’Israël assiégé, représentait à ses yeux.
On ne saurait passer sous silence les méthodes en usage au Maroc à cette
époque. André Azoulay a même réussi à faire du Maroc la tête de pont de la
mémoire de la Shoah dans un pays arabe. Son objectif était de préparer le
terrain à la normalisation des relations, en clair sortir de l’ombre pour
devenir publique. Ses efforts ont été couronnés de succès lorsqu’il a obtenu que
la reconnaissance de la dimension juive du Maroc figure désormais dans
l’enseignement obligatoire de l’histoire nationale. Il a utilisé pleinement le
lien indéfectible entre le Maroc et la très importante minorité d’origine
marocaine en Israël, première et deuxième génération.
Sa Majesté Mohamed 6 inaugure la maison du souvenir d’Essaouira avec André Azoulay |
En
clair, il a su créer un climat favorable au développement des relations entre
les deux pays. Il n’y a pas de hasard. On comprendra donc que très
naturellement Mohamed VI attendait le moment favorable pour faire le pas
décisif : la reconnaissance officielle. Ce que visent le Mossad et le
Maroc avec cet acte fondateur va bien au-delà des embrassades. Une fois passées
les émotions, les réalités géopolitiques dictent la suite. Pour ses deux
voisins c’est une forme de séisme. L’Algérie ne semble pas prête à reconnaître
Israël et la Tunisie, encore moins. Ensuite se pose la question du Sahara
occidental où le Maroc a vu sa position triompher avec Donald Trump. La
décision ne semble pas devoir être remise en cause par Joe Biden. Le Polisario
soutenu par l’Algérie vit très mal la situation. L’Espagne est soudain inquiète
de voir surgir le Mossad dans la région, comme d’ailleurs la France qui n’a
rien fait pour soutenir la revendication marocaine sur la province saharienne.
La Mauritanie, où Israël disposait d’une ambassade jusqu’en 2009, suivra le
mouvement si les pressions deviennent insupportables.
Le drapeau marocain flotte sur le Sahara occidental |
Le
Mossad au fil des ans et des évènements a su rendre service au Makhzen et faire
valoir ses compétences. Sans parler de renversement d’alliances, c’est
l’irruption du Mossad dans une région stratégique au croisement de l’Afrique et
des pays arabes voisins. À ce titre,
fort de ce succès largement dû à son travail en profondeur, le Mossad va
pouvoir élargir sa base sur place et devenir un interlocuteur qui compte. Le
Maroc a fait le choix de consolider ses liens et son avenir avec l’Occident et
singulièrement les États Unis, l’Europe et le nouveau venu Israël, désormais au
première loge avec tout ce que cela permet.
Rabat
est disposé à permettre tant aux américains qu’au Mossad de s’établir plus
largement sur place, ce qui constituera aussi une forme d’assurance pour le
régime qui a tout à craindre des djihadistes et autres islamistes qui veulent
le renverser. Mohamed VI confirme son ancrage avec l’Occident, même si une
partie de son peuple peine à partager sa vision. En revanche l’obtention de la
souveraineté sur le Sahara occidental aura été la contrepartie de cette
normalisation et la pilule que le peuple aura accepté, car il s’agissait d’une
cause nationale et son peuple est derrière Mohamed VI.
Cette
nouvelle donne met l’Algérie en difficulté, surtout dans la situation chaotique
où elle se trouve, la révolte y gronde et la pression populaire pour encore
plus de changements persiste. La réalité des relations internationales ne
permettra pas à Alger de renverser la table d’autant que le pouvoir vacille et
que rien n’est acquis. Cette nouvelle configuration conduira sans doute à des
affrontements limités mais réels entre pays limitrophes, où le Maroc jouera le
rôle de puissance régionale soutenue par ses deux partenaires à Washington et à
Jérusalem. Si d’aventure la Mauritanie reconnaissait à son tour Israël,
l’Algérie aurait des soucis à se faire pour son débouché sur l’océan
Atlantique.
Services de renseignements marocains |
Tous
ces faits confirment qu’il y a connivence, voire complicité entre le Mossad et
la toute puissante Direction Générale du pôle sécuritaire DGSN et DGST dirigée
de main de fer par le tout puissant général Abdellatif Hammouchi. Au fil des
années le Maroc s’est doté des moyens de renseignement des plus modernes, mais
a de tous temps privilégié l’élément humain. Ce serait grâce à l’infiltration d’Al
Qaeda que la CIA a pu neutraliser Ben Laden. On estime que plus de la moitié des
renseignements collectés le sont grâce à ce choix, qui constitue un formidable
complément pour le Mossad qui connaît parfaitement son importance, en
particulier dans les pays où les groupes hostiles à Israël et la difficulté de
les mettre en place. On sait que certains des attentats qui ont endeuillé la
France n’ont pas été déjoués faute de renseignements humains.
Enfin,
on aurait été curieux de suivre les conversations privées entre le conseiller
spécial du roi avec la directrice générale de l’Unesco pour qui «Il n’y a
pas de lien entre les Juifs et le Mont du Temple et lie ce site sacré aux seuls
Musulmans» Mais ce n’était qu’un vœu qui ne sera sans doute jamais exaucé.
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