ROBERT MALLEY, LE
DIPLOMATE QUI INQUIÈTE LES ISRAÉLIENS
Par Jacques BENILLOUCHE
Né en 1963 à New York, d’un père juif égyptien d’origine syrienne, figure de la lutte pour la décolonisation, et d’une mère américaine qui travailla pour le Front de libération national (FLN) algérien, Robert Malley s’était installé en 1969 avec sa famille à Paris où ses parents avaient fondé la revue Afrique-Asie, qui se classait au premier rang de la presse tiers-mondiste de langue française. La dénonciation sans détour de la politique colonialiste française sur le continent africain est à l’origine de l’expulsion, en 1980 vers New-York, des Malley sur décision du gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing.
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Négociation sur le nucléaire |
La Maison Blanche a confirmé le 29 janvier la nomination à la tête de l’équipe chargée de renégocier un accord avec l’Iran sur le nucléaire de Robert Malley, avocat et politologue. Il avait été conseiller du président Barack Obama pour le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et le Golfe. Ami d’enfance du Secrétaire d’État Antony Blinken, il a été l’un des principaux artisans de l’accord sur le nucléaire signé en 2015
Cette nomination prouve que Joe Biden
cible l'héritage de Trump au Moyen-Orient. Elle marque le virage que prend le nouveau président en matière de politique étrangère et surtout sa volonté
de reprendre les négociations avec Téhéran sur l’accord sur le nucléaire abandonné
en 2018 par les Américains. Cela pourrait avoir un impact certain sur l’élection
présidentielle iranienne qui aura lieu le 18 juin 2021.
Par ailleurs, le retour de Malley
est considéré comme une défaite pour les
néo-conservateurs et les faucons américains qui le qualifient d’anti-israélien
et pire, d’iranophile. Ils lui reprochaient surtout de ne pas avoir anticipé
les «printemps arabes» et surtout d’avoir minimisé le rôle
contre-révolutionnaire de l’Iran. Ils accusaient Robert Malley d’avoir défendu
une ligne pro-iranienne et de s’être opposé aux sanctions imposées par Donald
Trump. Enfin, ils le trouvaient complaisant vis-à-vis de l’expansionnisme régional
iranien et de la politique étrangère de Téhéran.
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A Camp David avec Arafat |
Cet héritage politique
familial a favorisé la volonté de Robert Malley de contrebalancer le discours
américain en matière de politique étrangère. Assistant spécial du président
Bill Clinton sur la question israélo-arabe entre 1998 et 2001, il s’était
toujours exprimé à contre-courant en remettant en cause publiquement le récit
officiel concernant l’échec des négociations israélo-palestinien attribué à
Yasser Arafat. Dans un article rédigé en 2001, il avait fustigé la tactique du
Premier ministre Ehud Barak qui avait formulé une offre de telle manière
qu’elle ne puisse être acceptée par les Palestiniens. Cela ne pouvait que provoquer
la colère des inconditionnels d’Israël tandis qu’il était devenu une idole pour
les Palestiniens au point que la dirigeante Leila Shahid avait parlé de lui dans des
termes élogieux : «Cela témoigne de la droiture du personnage. Il a été
d’une honnêteté extraordinaire, je dirais même historique».
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Antony Blinken |
Si Robert Malley n’a
pas bonne presse auprès des Israéliens, il est aussi mal vu dans les milieux
syriens et irakiens en raison de la politique qui avait été suivie par Barack
Obama face à l’Iran et la Syrie. D’ailleurs le nouveau secrétaire d’État
américain Antony Blinken a reconnu l’échec de l’administration Obama sur la
Syrie et évoqué des regrets. Robert Malley est à présent face à un défi qu’il
devra relever s’il veut la réussite de la diplomatie américaine. Il devra contraindre
l’Iran à respecter ses engagements de 2015 avant la levée des sanctions imposées
par Donald Trump. Il devra aussi persuader les Iraniens de la nécessité d’élargir
l’accord sur le nucléaire pour l’étendre aux questions des missiles. Il s’agit
d’une tâche ardue et d’un objectif ambitieux pour lesquels Robert Malley n'a pas encore de calendrier précis s’il veut garder sa crédibilité.
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Négociation avec l'Iran |
Il faut aussi qu’il s’affranchisse de sa réputation d’avoir
de la sympathie à l'égard du régime iranien et d’être hostile à
Israël. Malley a longtemps défendu un rapprochement avec les
Frères musulmans et le Hamas alors que les États-Unis avaient déclaré le Hamas
comme une organisation terroriste en 1997.
Malley et Blinken
devront affronter non seulement le nouveau gouvernement israélien issu des
élections du 23 janvier 2021 mais aussi les Juifs américains de droite qui
défendent un changement politique au Moyen-Orient. Le seul espoir minime des
Israéliens reste que Malley doit rendre compte à Blinken qui pourrait modifier
ses ardeurs.
2 commentaires:
"Tiers mondiste, pro FLN, anti-israélien, iranophile", quelle panoplie révèlant le choix des démocrates américains nouvellement au pouvoir! Y ajoutant s'il en était besoin l'influence possible car trés active de l'aile islamo gauchiste des Omar, Tlaib et d'autres dont Trump disait à juste titre "comment a t'on pu voter pour ces gens qui détestent leur pays"?
A se demander au passage comment les juifs américains majoritairement pro démocrates ont-ils pu se montrer aussi aveugles? A moins tout simplement que la perspective d'un soutien à la défense d'Israel ne les intéresse tout simplement pas vu leur degré abyssal d'assimilation aux valeurs de la "cancel culture" dont nombreux sont les chantres dans les universités et plus généralement dans tout ce qui baigne dans le milieu intellectuel politiquement correct.
Cette nomination n'incite pas à l'optimisme.
Tout au plus peut on penser qu'Israel devenue puissance régionale incontournable-ce qu'il n'était pas à ce point il y'a huit ans sous OBAMA- avec des alliés meme ponctuels devrait avoir les moyens de résister aux ardeurs de ses ennemis au sein de l'administration "Biden -"Obama bis".
Surtout considérant que les USA, démocrates ou républicains souhaitent se désengager de la région du Moyen Orient pour se consacrer à des problèmes plus sérieux dans la r2gion asiatique. Enfin, sans préjuger de l'avenir on peut raisonnablement penser que si les mollah iraniens ont réussi malgré de terribles pressions économiques les menant à la ruine, à résister admirablement aux USA pendant une dizaine d'années on ne voit pas pourquoi Israel dont la survie dépend de ses étroites frontières ne tiendrait pas lui aussi quelques petites années contre des ennemis avérés comme ce Malley.
Sans doute Natanyahou bien placé pour affronter cette menace plus que tout autre nain politique a t-il encore de beaux jours devant lui! Et qui sait encore si Israel contraint de prendre ses distances face à l'ami américain devenu potentiellement -qui sait?- nuisance dangereuse ne procéderait pas doucement mais surement vers d'autres coopérations économiques et militaires, encore que dans ce dernier domaine les puissantes sociétés d'armement US ont des liens coopératifs fructueux trés étroits avec Israel, au point de freiner certaines ardeurs malveillantes outre atlantique.
Jacques, je trouve votre article comme d'habitude clair et documenté. Mais je ne peux m'empêcher d'opposer le caractère factuel et rationnel de vos analyses aux imprécations et aux anathèmes de ceux qui croient que les diplomates font passer leurs sympathies ou antipathies subjectives avant la realpolitik et l'intérêt de leur pays.
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