PANIQUE DANS LES SERVICES DE
RENSEIGNEMENTS IRANIENS
Par Jacques BENILLOUCHE
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Service iranien de protection des personnalités |
L’assassinat du savant
nucléaire a créé la panique au sein des services de renseignements iraniens qui
doutent à présent de tout et qui suspectent dorénavant tous leurs membres. Marx
citait ce vers de Shakespeare : «Bien creusé, vieille taupe». C’est
parfaitement adapté pour souligner que l’histoire des renseignements agit de
manière autant souterraine que visible et que les triomphes de surface préparent
parfois les effondrements à venir. Rien de mieux adapté aux évènements qui viennent
de se dérouler en Iran où les experts spécialisés de la hiérarchie iranienne
s'inquiètent de l’existence d'un «réseau d'espions et de taupes» dans
les services de renseignement du pays. Le service de protection des hautes
personnalités est dans la tourmente.
Abdullah Ahmed Abdullah aussi appelé Abou Mohammed al-Masri |
En plus de retarder le programme nucléaire iranien, ces assassinats sont destinés à déstabiliser le pouvoir des mollahs en les faisant douter de leurs capacités à maîtriser la situation. L’objectif consiste à affaiblir Téhéran pour pousser la population à la révolte alors qu’elle est touchée sérieusement par l’embargo, en particulier sur les médicaments en pleine pandémie du covid-19.
Général Ali Nasiri |
Une explication a été donnée à ces lacunes en raison de
la défection, en avril 2019, du responsable iranien de la protection rapprochée
des personnalités. L’information avait peu été relayée par les médias. Le général Ali Nasiri, responsable du bureau de la protection du corps des Gardiens de la révolution islamique, était
passé du côté occidental. Il dirigeait l’unité Ansar-al-Mahdi, chargée de la
protection des hautes personnalités du régime, des bâtiments gouvernementaux,
des évènements officiels nationaux, des représentations diplomatiques et des
invités étrangers.
Le général Nasiri avait fui à l’Ouest après s’être violemment
accroché, le 11 avril 2019, avec Hossein Taeb, le responsable des services de
renseignement des Pasdarans. Cet incident mettait en danger sa sécurité au
point qu’il ait demandé l’asile politique auprès d’une ambassade américaine dans
un des pays du golfe Persique. En échange de sa sécurité et de sa protection, il
avait fourni des documents classifiés importants. Immédiatement après, le 19
avril 2019, l’agence de presse iranienne Fars avait publié : «Nasiri ayant
été démis de ses fonctions pour faute grave, le major général Jafari, commandant
en chef des Gardiens de la Révolution, a nommé le brigadier général Fathollah
Jomayri, chef du bureau de la protection du corps des gardes des Pasdarans».
C’était une prise exceptionnelle des services
occidentaux qui ont été informés sur la protection des personnalités, leur
emploi du temps habituel, leurs points de chute, les itinéraires habituellement
empruntés, et les procédures de sécurité mises en œuvre. Même si ces mesures ont
depuis subi des changements, le fondement de la protection rapprochée reste stable. D’ailleurs les Occidentaux ont mis à jour les informations capitales et
précises sur les nouveaux itinéraires et les horaires de passage des cibles
grâce à des taupes introduites au sein du renseignement iranien.
Des informations fantaisistes ont été diffusées par
les proches des Mollahs sur le modus operandi de l’assassinat du savant iranien,
souvent pour atténuer leurs responsabilités face aux lacunes constatées. Mais rien
n’a été officiellement dit sur la logistique importante mise en place par le
commando, en particulier sur les armes et les véhicules mais surtout aussi sur
son exfiltration puisqu’il n’a laissé aucune trace sur place. Les seules
certitudes dévoilées ont été l’existence d’un véhicule de type pick-up qui a
explosé au moment du passage de la voiture du savant, la neutralisation du
conducteur par des tirs de face, l’extraction de Fahrizade depuis l’arrière
gauche du véhicule et son assassinat sur la route. Le scénario d’une voiture criblée
de balles par des tirs venant de deux directions opposées est de la pure affabulation
à la seule vue des images du véhicule après l’attentat, de même que l’utilisation
d’une mitraillette télécommandée par satellite. Du James Bond de bas niveau !
Les dirigeants iraniens sont convaincus des lacunes de
leurs services et surtout de l’implication d’un réseau d’espions installés au
plus profond de l'appareil de sécurité. Plusieurs personnes, entre six et huit
personnes, ont tendu une embuscade au convoi de Fahrizade, composé de trois à
quatre véhicules blindés, selon les témoignages des membres de la famille du
savant. Le choc a été brutal pour les dirigeants iraniens qui s’attendaient
tous les jours à ce genre d’opérations mais qui n’ont pas pu l’empêcher.
Tous les services de renseignements doivent être à présent repensés ce qui les
immobilisera pendant plusieurs mois.
Interdit aux motos |
Le Corps des Gardiens
de la révolution, chargé de protéger les savants, a subi un échec total qui
risque d’avoir des conséquences internes. D’ailleurs Mohammad Hassan Kazemi, l’ancien
commandant adjoint de la branche de sécurité du CGRI, a sauté sur l’occasion
pour fustiger ses successeurs : «Israël a ciblé les scientifiques
nucléaires parce qu’il comprenait qu’ils n’avaient pas la protection de
sécurité du CGRI». Ces querelles intestines vont les occuper pendant
quelque temps. D’ailleurs, le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, veut «une
punition définitive», et a imposé la priorité de «trouver et de
poursuivre les mercenaires meurtriers et brutaux». Son conseiller militaire,
le général Hossein Dehghan, a mis en lumière «des brèches, des trous et des
infiltrations» dans les services et exigé des responsables de la sécurité
qu’ils «répondent de la manière dont une telle infiltration se produit».
général Hossein Dehghan |
Deux conséquences sont à prévoir après cet assassinat :
d’une part la difficulté du président élu Joe Biden pour ressusciter l’accord
nucléaire de 2015 et d’autre part la décision iranienne de renforcer
l’enrichissement d’uranium et d’arrêter les inspections de l’AIEA si les
sanctions ne sont pas levées d’ici février. Des nationalistes iraniens exigent
une vengeance tandis que leur journal Kayhan souligne : «Il n’y a
aucune chance que nous puissions détourner le regard face aux erreurs et aux
échecs qui ont été commis en matière d’infiltration». Mais par panique, les
autorités iraniennes, obnubilés par l’espionite et devenus paranoïaques, finissent
par se tromper de cibles, à l’instar des universitaires et des journalistes à
double citoyenneté. Jason Rezaian et Maziar Bahari ainsi
que l’universitaire suédois en médecine des
catastrophes, Ahmadreza Djalali, condamné à mort, tandis que les vrais espions
agissent en toute liberté.
Dans chaque bataille il y a un sentiment d'incertitude avant l'action, le désespoir ou le soulagement après. Il ne faut jamais sous-estimer les adversaires
RépondreSupprimerC’est jouissif ! Ils ont moins de savants atomistes que de doigts et ils sont incapables d’assurer leur sécurité ! Peut on leur permettre d’avoir de quoi tuer un million de personnes ? Des nuls et des fous dirigent un grand pays et un grand peuple !
RépondreSupprimerJe suis un fidèle lecteur de ce journal
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