Télévision RT-France
REPRISE DU PROCÈS DE NETANYAHOU
Jacques BENILLOUCHE au micro de
Sophie NORMAND-COUTURIER
Le Premier ministre israélien
Benjamin Netanyahou, mis en examen pour abus de confiance, fraude et corruption
dans trois affaires distinctes, avait comparu pour la première fois, le 24 mai,
devant un tribunal de Jérusalem, aux côtés de trois autres personnes. Le
tribunal de Jérusalem avait désigné les trois juges de l’affaire, Rivka
Friedman-Feldman, Moshe Bar-am et Oded Shaham. A noter que l’un d’eux a déjà envoyé
l'ex-Premier ministre Olmert en prison.
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Les trois juges |
Lors de la première audience il
n’y a pas eu de discussions sur le fond des dossiers ou sur les charges qui
pèsent contre les accusés. La présidente de la Cour s’est simplement assurée
que les prévenus avaient eu connaissance de l’acte d’accusation. Puis le procès a été ajourné au 19 juillet, en raison du nombre important de pièces transmises qui leur avaient
été pourtant remises une année auparavant. Les avocats du premier ministre se sont présentés le 19 juillet au tribunal pour
une audience technique majeure sans les principaux accusés et témoins dans ses
affaires pénales. La présidente Friedman-Feldman avait pour première tâche de convenir d'un planning en accord avec les avocats.
Les avocats ont toujours cherché
à gagner du temps en repoussant à chaque fois l’échéance, en vain. Mais le
temps joue en défaveur du premier ministre surtout depuis la crise économique
et sanitaire due au coronavirus. Des milliers de personnes ont manifesté à Jérusalem et Tel Aviv contre la corruption et la fraude et ils tiennent le premier ministre pour responsable de la
mauvaise gestion de la pandémie alors que le ministère de la santé recense
tous les jours entre 1.400 et 1.900 cas nouveaux de contamination. Les
manifestants appellent aussi à la démission de Netanyahou.
Netanyahou a tenté de
jouer sur la corde sensible en prétendant qu’il n’a pas d’argent pour se
défendre car les juges lui ont refusé de recevoir des fonds privés pour son
équipe juridique, «à peine» 2,9 millions de dollars de son ami
milliardaire américain Spencer Partrich pour l’aider à couvrir les frais
juridiques. Pourtant il n’est pas dans le besoin car sa fortune personnelle est
évaluée à plus de 10 millions de dollars. En l’absence de fonds privés, l’un
des meilleurs avocats de la défense vient de le laisser tomber. Micha Fettman a démissionné de
l'équipe de défense du premier ministre parce que, selon lui, ses honoraires ne
sont pas couverts. En fait, a priori, il quitte le navire car il n'est plus sûr du résultat positif du procès. Il a été remplacé par Yossi Segev, avocat condamné pour
fraude fiscale en 2017, ce qui fait désordre.
La session du 19 juillet au
tribunal de district de Jérusalem n’est que procédurale ce qui n’impose pas à Netanyahou
d'y assister. Ses avocats s’en occuperont. Cependant on s’étonne du paradoxe qu’il
faille autant d’avocats alors que selon Netanyahou «il n'y a rien dans le
dossier et il n'y aura rien». Si c’était vraiment le cas, il n’y
avait aucune raison pour retarder sans raison le procès. Aucune raison non plus
pour avoir une équipe de 10 avocats des plus célèbres et des plus chers dont les
meilleurs Ram Caspi, Amit Hadad et Yosi Ashkenazi. Pour quelqu’un qui s’estime
innocent, cela est étonnant alors que s'il manquait vraiment d’argent, il aurait
pu exiger une aide juridique gratuite du gouvernement pour un si petit dossier
qu’un stagiaire aurait pu facilement traiter.
Les avocats ont exclu pour
l’instant tout accord de plaider-coupable, la procédure dans laquelle le procureur
propose une réduction de peine sous réserve que le comparant reconnaisse avoir commis un délit. Ils sont
convaincus de gagner l’affaire et de la justesse de la position de Netanyahou. La juge Rivka Friedman-Feldman, a accepté cependant de reporter les audiences au mois de janvier 2021 en raison du coronavirus et de fixer à trois réunions hebdomadaires les débats. L'accusation avait demandé un procès accéléré avec quatre réunions chaque semaine, mais l'équipe de défense n’en a demandé que deux. Le tribunal a transigé pour trois audiences par semaine.
Canons à eau contre les manifestations |
Les manifestations, désormais
quotidiennes, se nourrissent aussi d’une grogne sociale. La crise économique liée
au coronavirus a précarisé une part importante de la population israélienne. Mais il est désolant que de nombreuses voix de droite, à bout d'arguments, veulent détourner l’attention en faisant de ce procès une question communautaire. Ils prétextent que ces
manifestations sont des mobilisations d’une gauche ashkénaze,
traditionnellement hostile à Benjamin Netanyahou. En fait, l’ampleur du mouvement met
en évidence une inflexion des clivages politiques habituels.
En 2021, la question de la
disponibilité du premier ministre dans ses fonctions de chef du gouvernement se posera même s’il n’assiste pas lui-même au procès, prévu pour durer
plusieurs mois. Mais l’atmosphère politique est polluée en ces périodes de crise
sécuritaire avec l’Iran, la Syrie et le Hezbollah, et de crise économique et
sanitaire. La disponibilité d'un premier ministre doit être totale ce qui risque de ne pas être le cas en 2021.
Ce qui est étonnant, c'est que par souci de transparence (en fait pour prendre l'opinion a témoin), le 16 juillet 2020, dans un long article de 2600 mots, le Jerusalem Post a publié un "aperçu des arguments qui seront utilisés par les avocats de Netanyahou pour sa défense". Ainsi, bien avant la tenue des audiences, les juges auront eu le temps de les étudier et de concocter leurs réponses... Justice spectacle ?
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