LE LIBAN EN RUINES FACE À UN POUVOIR INERTE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Cabinet libanais |
Il est difficile de se désintéresser de ce qui se passe à nos portes, avec un sentiment
d’égoïsme vengeur. Le Liban, le pays qu’on a toujours cru qu’il serait parmi
les premiers à engager des relations diplomatiques avec Israël, semble dépassé par les événements et ses dirigeants insensibles devant la situation économique dramatique dans laquelle il se
trouve. Le pays est en faillite, le gouvernement aux abonnés absents et le
président Aoun toujours droit dans ses bottes d’ancien général corrompu et
traître à la cause chrétienne ; le général de Gaulle libanais est devenu
rapidement Philippe Pétain après son alliance avec les Syriens et le Hezbollah.
La queue pour acheter des devises |
Israël s’intéresse au Liban voisin car une situation insurrectionnelle
pourrait avoir des répercussions sur la sécurité au nord du pays. Nous ne pouvons pas rester indifférents alors que notre frontière pourrait s’enflammer et que des Libanais pourraient forcer nos barrages pour se réfugier chez nous. On avait déjà expérimenté cette situation à la frontière du Golan.
Des organisations
islamistes pourraient chercher à détourner l’attention des Libanais en engageant
une aventure contre Israël. Le Hezbollah
est partie prenante dans la gestion du pays puisqu’il participe au gouvernement
mais il reste discret pour masquer ses difficultés politiques. Cependant, il n’a pas
renoncé à aider l’Iran à prendre le contrôle d’un pays dont l’armée régulière
fait illusion. La stabilité du Proche-Orient dépend de la stabilité du Liban.
Cela fait des mois que les Occidentaux préviennent que le naufrage
économique est acté, que la famine est présente, et que l’économie du Liban est
effondrée. Le gouvernement de Hassan Diab traîne à engager des réformes
sérieuses sur la transparence, sur la lutte contre la corruption, et sur la
réforme du système financier et bancaire pour permettre au FMI (Fonds monétaire
international) d’apporter sa contribution internationale. Pendant ce temps, la
population souffre et ne voit pas le bout du tunnel. La seule solution prônée
par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, est l’ouverture de
relations étroites avec les pays de l’Est au lieu de se tourner vers ses amis
arabes. Au contraire, la première mesure à prendre devrait concerner la
neutralisation des Islamistes qui ont pollué le pays pour le transformer en un
pays sous-développé.
Hassan Diab |
La
livre libanaise ne vaut plus rien. Le dollar s’échange au-delà de la barre des 9.000
livres quand les bureaux de change daignent faire un effort et quand ils
disposent de devises. La Bank of America estime que ce taux pourrait atteindre
plus de 46.000 livres pour un dollar d’ici à la fin de l’année. Or, le taux de
conversion irréaliste imposé par la Banque du Liban (BDL) aux changeurs agréés est quant à
lui toujours fixé à 3.850 livres le dollar à l’achat et 3.900 livres à la
vente. Cet écart est loin de la réalité mais le gouvernement a démissionné de ses
responsabilités de sauvegarder l’intérêt général.
La débâcle de la crise
économique a une incidence sur les emplois, l’épargne populaire, le pouvoir
d’achat et plus généralement sur l’avenir du pays. Pendant ce temps, les
dirigeants ne changent pas leurs habitudes à base de clientélisme qui pousse le
Parlement à bloquer les réformes
législatives essentielles tandis que les autorités monétaires s’installent dans
le déni de leurs erreurs. Les réserves en devises de la Banque Centrale
s’effondrent. Les comptes en dollars américains ont été remplacés par des
comptes en dollars libanais qui se déprécient chaque jour. Le Liban souffre
d’un régime obsolète, fondé sur le partage du pouvoir entre communautés, alors
qu’il faut un État civil axé sur le respect des institutions et la défense de
l’intérêt général, garanti par un système judiciaire indépendant.
Les mesures gouvernementales, tendant
à utiliser les réserves de la Banque Centrale pour pomper des dollars sur le marché et
abaisser artificiellement le taux de change, ont au contraire appauvri les
Libanais. En renforçant les mesures de police visant le marché noir sur le
marché des changes on a favorisé une pression haussière sur le taux de change. Le
cauchemar actuel combine hyperinflation à 56,6% et pénuries ce qui n’encourage
pas les investisseurs. Le gouvernement doit immédiatement lancer des réformes
profondes en unifiant les taux de change, en assainissant les finances
publiques, et en changeant de manière crédible le régime politique, pour
pouvoir bénéficier d’un soutien international.
Mike Pompeo |
Le Secrétaire d’État Mike Pompeo
a bien lancé des menaces à l’Iran : «Le Hezbollah est une organisation
terroriste. Nous appelons tous les États à le classer comme telle. Nous
aiderons le Liban à sortir de sa crise et nous ne permettrons pas que ce pays
soit dépendant de l’Iran. Nous ne permettrons pas à l’Iran d’approvisionner le
Hezbollah en fuel et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour imposer
des sanctions aux membres de ce groupe. Nous continuerons d’exercer des
pressions sur cette formation». Mais on peut difficilement croire Mike
Pompeo alors que les États-Unis ont décidé de se désengager de la région. Ils
hésiteront à s’engager dans le bourbier libanais.
Petite épicerie sans produits |
Pendant que leur pays ne cesse
de s’enfoncer dans la crise, de nombreux Libanais font leurs valises et se
préparent à quitter leur pays parce que ceux qui restent manquent de tout, de
médicaments, de nourriture et même d’électricité. Les magasins d’alimentation n’ont
plus les moyens financiers de s’achalander en marchandises. Alors les Libanais profitent
de la réouverture de l’aéroport international de Beyrouth pour rejoindre les
pays du Golfe ou l’Europe. Les meilleurs partent, les islamistes restent.
Les prix des denrées
alimentaires sont si élevés que les magasins ne peuvent plus se permettre de s’achalander.
Les rayons des supermarchés sont vides de nombreux produits de base, tandis que
la monnaie des Libanais ne sert plus à rien. 60% de la population vivra sous le
seuil de pauvreté d'ici la fin de l'année. Une monnaie instable a entraîné des
hausses soudaines des prix qui ont triplé, voire quadruplé. Alors la population
tente de se protéger en se ruant vers les supermarchés pour s'approvisionner en
articles, avant qu’ils ne soient plus en mesure de les acheter. La viande et
les fruits sont devenus des produits de luxe. Il existe une crainte de pénurie
de blé face à une monnaie volatile alors qu’il faut payer les importations en
dollars américains. Certaines boulangeries ont fermé leurs portes faute de
farine.
Rayons vides |
Et face à ce drame, le ministre
de l'Économie, Raoul Nehme, a profité de la situation pour augmenter le prix du
pain subventionné de 1.500 livres à 2.000. A la suite de la pénurie de carburant
pour les générateurs, l’électricité manque, les produits frais ne sont plus
disponibles puisque les réfrigérateurs ne fonctionnent pas. Le prix du panier
de huit produits alimentaires de base a augmenté de 56% et parmi eux le riz, le
sel, le sucre et l'huile de tournesol. Les médicaments sont rationnés dans les
hôpitaux quand ils ne sont pas disponibles.
Jean-Yves le Drian |
Le Liban est un pays abandonné
par les Occidentaux, par les pays arabes et par les pays du Golfe qui croulent
sous les dollars. La France, qui a toujours parrainé le Liban, se contente d’incantations.
Jean-Yves le Drian, ministre français des affaires étrangères estime que :
«Aujourd’hui, il y a un risque
d’effondrement. Il faut que les autorités libanaises se ressaisissent, et je me
permets de dire ici à nos amis libanais : nous sommes vraiment prêts à vous
aider, mais aidez-nous à vous aider, bon sang!». Il reste fidèle au slogan :
aide-toi et le Ciel t’aidera qui consiste à dire qu’avant d'en appeler aux
Grands et les déranger, il faut savoir fournir les efforts nécessaires et tenter toutes les
solutions possibles.
RépondreSupprimerCher monsieur Benillouche,
Ayant compté beaucoup d'amis au Liban, souffrez que je cite Richard Labévrière qui, dans un article publié par le site Les Crises, en février dernier, écrivait :
"...Depuis 1860, date de la première intervention militaire française au Liban, depuis la confrontation récurrente des empires britannique et français au Levant et leur remplacement par les Etats-Unis, depuis la création d’Israël en 1948, cette région n’a cessé d’être le terrain de jeu d’intérêts étrangers aux habitants des Cèdres. La hantise des Etats-Unis, d’Israël, de leurs alliés européens et des pays du Golfe, est de voir le petit Liban s’émanciper des anciennes tutelles coloniales, de le voir sortir de sa situation d’Etat tampon et d’accéder à davantage d’indépendance et de souveraineté nationales. L’heure a sonné !..."
Très cordialement.
Richard Labévière et un ancien journaliste français qui navigue entre l’Iran (des mollahs), "le Tueur" en Syrie (Bachar al-Assad), le Hezbollah et le Parti National Social Syrien (PNSS).
RépondreSupprimerIl avait violé l’embargo sur la Syrie en 2008 en interviewant Assad pour le compte de RFI, avant d’en être licencié. Il s’est alors réfugié au Liban, dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah, et utilisé la télévision Al-Manar déclarée terroriste par la France. Pour Richard Labévière "émanciper" le Liban c'est le mettre sous la coupe du croissant chiite. Je pense que se serait la disparition complète du pays. On n'en est pas très loin, hélas!