CONTROVERSE SUR LES SALAIRES VERSÉS AUX PALESTINIENS EMPRISONNÉS
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Le bureau du Premier ministre
Benjamin Netanyahou a nié tout changement dans la politique de déduction des
fonds versés à l'Autorité palestinienne sur les recettes fiscales perçues par
Israël. Cependant Benny Gantz vient de suspendre pour 45 jours l'ordre émis par
Naftali Bennett d’interdire les versements aux Palestiniens emprisonnés. Sur instruction du précédent ministre de la Défense, le général Nadav Padan avait obligé
les banques de l'Autorité palestinienne à geler et à fermer les comptes
bancaires utilisés par les terroristes. Or il s'agissait d'un ordre non conforme.
Les chefs sécuritaires |
Cette décision de Gantz a été prise
après recommandation des services sécuritaires israéliens «sensibles à la
tension sur le terrain». En fait malgré l’adoption de la loi, Israël
n’avait pas bloqué durant ces trois derniers mois les centaines de millions de
shekels que l’Autorité transférait aux familles des meurtriers. Naftali Bennett
s’est élevé contre la décision de Gantz sans préciser qu'il avait été négligent à ce sujet : «En hébreu simple, lorsque j'étais
ministre de la Défense, j'ai émis un ordre interdisant aux banques
palestiniennes de transférer des paiements mensuels aux meurtriers des Israéliens.
Une banque qui n’obéit pas serait signalée et serait gravement pénalisée. Les
banques palestiniennes ont cessé de faire des paiements aux meurtriers. Cela a
rendu les familles des meurtriers fous. L'AP a fait pression sur
Netanyahu-Gantz pour suspendre l’ordre qui a été gelé».
Une loi permet à Israël de
compenser les fonds; intitulée «Loi sur le gel de l'argent des terroristes» elle avait été adoptée il y a deux ans et mise en œuvre l'année dernière. Il s’avère
qu’Israël n’a pas déduit les fonds destinés aux familles des terroristes parce
que l'ancien ministre de la Défense, Naftali Bennett, n'avait pas déposé de demande
auprès du Cabinet de sécurité. Selon la règle, il devait soumettre au Cabinet, il y a six mois,
un rapport sur le montant payé par l'Autorité palestinienne en 2019 en tant que
salaires aux prisonniers. La loi impose au ministre de la Défense de soumettre
chaque année les détails des fonds que l'Autorité palestinienne verse aux
familles des terroristes, pour les déduire des versements mais à la fin de
l'année dernière. Le ministre n'avait pas communiqué les détails et, par
conséquent, le montant n'avait pas été compensé. Cela explique qu’Israël avait
cessé de déduire ces versements aux prisonniers des recettes fiscales
transférées régulièrement à Ramallah. Il ne peut pas s'agir d'un "oubli" de Bennett mais d'une manière détournée de maintenir les versements à l'AP.
Elazar Stern |
En effet selon le Protocole de Paris
de 1994 signé entre Israël et l’OLP, Israël perçoit les taxes sur les
marchandises importées au nom des Palestiniens. Mais en 2018, la Knesset avait adopté
une loi lui permettant de déduire des recettes fiscales les allocations que
l'Autorité palestinienne offre mensuellement aux familles de Palestiniens
emprisonnés ou tués en Israël dans le cadre d’un acte terroriste. Cette loi
avait été présentée par Avigdor Lieberman et Avi Dichter.
L’Autorité palestinienne a eu le tort
de se vanter qu’elle percevait intégralement les recettes fiscales ce qui a mis
la Droite en furie bien que la loi recommande mais n’impose pas.
Le député Yesh Atid, de l’opposition, Eléazar Stern, à l’origine de cette loi
de 2018, a exigé de la Commission des
affaires de sécurité de la Knesset une réunion immédiate pour traiter de la
question.
Au milieu des informations
selon lesquelles le gouvernement n'a pas déduit les salaires versés aux
terroristes des recettes fiscales palestiniennes, le bureau du Premier ministre
a déclaré le 3 juin que le retard dans la mise en œuvre de la loi n'était pas
dû à un «changement d'attitude» et que le gouvernement agirait selon la
loi. Les observateurs restent cependant sceptiques sur la raison qui a empêché
Bennett de déposer son rapport au Cabinet de sécurité.
Le président Mahmoud Abbas avait
déclaré le 29 avril 2019 que l'Autorité palestinienne n'acceptera pas le
paiement partiel de ses transferts fiscaux dus par Israël. Il avait confirmé
que l'Autorité palestinienne maintiendrait son soutien financier aux familles
des personnes tuées ou emprisonnées par Israël malgré cette décision.
Le ministre palestinien des Affaires civiles, Hussein Al-Sheikh |
Hussein
Al-Sheikh, membre du Comité central du Fatah avait alors rencontré le ministre
israélien des Finances Moshe Kahlon qui lui avait restitué les déductions sous une forme détournée. Israël
avait secrètement transféré près de 182 millions de dollars de recettes
fiscales à l'Autorité palestinienne pour «empêcher son effondrement en
raison de sa crise financière» et du risque d'un déficit budgétaire
croissant en raison des coupes d'aide américaines. Israël craignait que l'Autorité palestinienne
ne s'effondre et qu'il y ait une résurgence du terrorisme.
Moshé
Kahlon avait décidé de relever le défi en concoctant une solution partielle en collaboration avec le ministre des
Affaires civiles de l'Autorité palestinienne Hussein al-Sheikh et le ministre
des Finances Shukri Bishara. Il avait accordé une exonération fiscale sur l'essence
que l'Autorité palestinienne achète à Israël, ce qui a permis à Israël de
transférer aux Palestiniens le 22 août 2019, 2 milliards de shekels (570
millions de dollars) en attendant de trouver une solution permanente après les
élections. L’honneur était sauf de chaque côté. Israël a retenu des fonds mais
les a compensés par une ristourne fiscale.
Mais à l’époque, au Cabinet
de sécurité, Bezalel Smotrich et Zeev
Elkin avaient attaqué Moshé Kahlon, le directeur du Shin Bet Nadav Argaman et le
chef de la division de recherche du Corps des renseignements de l'armée, le
général Dror Shalom, pour leur demander des comptes sur ce qu'ils ont appelé «la
reddition d'Israël».
La décision de Benny Gantz tend à
éviter les faux-fuyants pour contourner la loi de 2018. La première réaction à
son encontre a été de le traiter de propalestinien, voire de traître, alors qu’il n’a
fait que suivre la même stratégie que Bennett, sous une forme plus courageuse et
moins sournoise. La politique a des exigences pragmatiques souvent en contradiction
avec l’idéologie. Bennett qui a "oublié" de transmettre son rapport a la mémoire courte. C'était un oubli volontaire. Rien ne pourra s'opposer aux salaires versés aux prisonniers palestiniens.
Ils jouent tous un drôle de jeu, pieges qu'ils sont dans leur surenchère démagogique alors qu'il suffit d'expliquer les enjeux. Merci pour l'article qui répond à cette attente.
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