L’ILLUSION DE L’ANNEXION DE LA CISJORDANIE
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Si
l’on veut résumer cet article en quelques mots, l’annexion de la Cisjordanie
n’aura pas lieu contrairement à la Guerre de Troie qui, elle, a eu lieu. Certes, Benjamin
Netanyahou est très attaché à son projet d’annexion d’une partie de la
Cisjordanie prévue effectivement dans le plan de Trump. Mais cette annexion, de
facto, est purement symbolique car les Israéliens contrôlent déjà les
implantations de Cisjordanie habitées par près de 400.000 Israéliens.
De plus la dernière Knesset a déjà discuté de plusieurs
projets de lois qui entérinent de fait l’annexion à savoir : l’enseignement
supérieur n’est plus supervisé par un conseil spécial mais est de la
responsabilité du conseil israélien pour l’enseignement supérieur ; les
terres des implantations ont été déclarées terres de l’État ; exonérations
fiscales pour les énergies renouvelables en Cisjordanie ; unification du
casier judiciaire ; les tribunaux israéliens sont légitimes pour juger des
litiges en Cisjordanie ; suppression de l’interdiction aux entreprises
israéliennes de fournir des services aux implantations. Ces lois n’ont pas été
cassées par la Cour suprême contrairement à sa réputation non justifiée de «gauchiste».
Paradoxalement, Netanyahou s’est opposé à la plupart de
ces projets présentés par ses amis de droite car il s’est refusé à anticiper
le projet de paix du président américain Donald Trump malgré le
précédent de la reconnaissance de l’annexion du plateau du Golan en 1981. Par
ailleurs, dans ses discours, le premier ministre refuse d’utiliser le terme d’annexion
comme s’il craignait ses conséquences. Il ne promet que d’«étendre la
souveraineté d’Israël à l’ensemble des 150 implantations officielles» car
pour l’instant, le droit israélien ne s’applique pas à ces régions bien
qu’elles soient sous juridiction de l’État d’Israël. C’est une situation en
effet bancale qui nécessitait une officialisation.
L’ambassadeur
américain David Friedman, activiste pro-israélien, qui dispose à titre
personnel d’une habitation en Cisjordanie, appuie avec ferveur l’accord du
siècle de Trump car «Israël est du côté de Dieu. Dans
certaines circonstances, je pense qu’Israël a le droit de conserver une partie,
mais probablement pas toute, la Cisjordanie».
Malgré
tous les appuis américains, et l’intérêt ponctuel de Donald Trump, il n’est pas
certain que le projet d’annexion aille jusqu’à son terme bien que le candidat le souhaite pour sa campagne électorale. D’ailleurs, tous
les gouvernements israéliens depuis 1967, de droite et de gauche, n’ont jamais
voulu s’engager dans un processus d’annexion car ils craignaient à juste titre les
objections internationales des membres de l’ONU opposés à une décision
unilatérale. Il existait un risque que l’annexion crée une catégorie spéciale
de citoyens palestiniens qui n’auraient pas la nationalité israélienne ni le
droit de vote aux élections législatives, à la rigueur locales. Par ailleurs,
de nombreux Israéliens, qui refusent de prendre le risque d’attenter
à l’identité juive du pays, sont convaincus que l'annexion ne changerait rien
à l’existant. Les habitants des implantations sont déjà soumis aux lois
israéliennes et aux représentants militaires et policiers.
L’annexion
implique automatiquement, dans le plan de Trump, la création d’un État
palestinien à laquelle sont opposés les nationalistes de droite et les
religieux orthodoxes. Les accords d’Oslo ont créé une situation de fait par la
division de la Cisjordanie en zones A, B et C. La zone C est déjà sous
juridiction israélienne et contient la majorité des implantations de Cisjordanie.
La zone B est sous contrôle sécuritaire israélien tandis la zone A, totalement
sous contrôle palestinien, fonctionne déjà comme un État autonome, dépourvu d’armée
et de monnaie.
Le
gouvernement lui-même est partisan d’une annexion partielle pour empêcher que
des Palestiniens ne deviennent citoyens israéliens. Il est prêt à leur octroyer un droit
privilégié de résidence avec une autonomie limitée aux questions locales et
municipales. La droite nationale exige de son côté l’annexion de toute la
Cisjordanie incluant les zones réservées aux Palestiniens. La Gauche, ou ce
qu’il en reste, est persuadée que l’annexion aurait des répercussions sur
l’image d’Israël à l’étranger sans compter les coûts engendrés. Les experts
évaluent à une dizaine de milliards de dollars les surcoûts de cette annexion
avec un risque de voir baisser les investissements étrangers en Israël pour des
raisons politiques.
Une
question fondamentale se posera avec l’effondrement automatique de l’Autorité
palestinienne. Nul n’est capable de prévoir
les risques sécuritaires qui en découleraient. Mais d’autres optimistes y
voient des avantages économiques car Israël trouverait alors un réservoir de
main d’œuvre à bon marché, sans droits aux allocations sociales. Par ailleurs,
il s’ensuivrait une baisse de l’immobilier grâce au développement accru de
logements en Cisjordanie pour les Israéliens qui accepteraient alors de s’installer
dans une entité sous seule juridiction israélienne.
Du
côté palestinien peu de citoyens, à l’exception de chefs d’entreprises, approuvent
ouvertement l’annexion de la Cisjordanie sous peine d’être considérés comme des
traitres ou des collaborateurs. Il existe certes déjà des partenariats avec des
hommes d’affaires israéliens, en particulier dans les projets touristiques et
les centres commerciaux, mais cela n’implique aucun engagement politique.
David El Hayani |
L’annexion
pourrait donc être mise entre parenthèses car la majorité des dirigeants des
implantations refusent l’accord du siècle conditionné à la création d’un
État palestinien. Ils préfèrent le statu quo qui leur donne déjà beaucoup de
pouvoirs. Le Conseil de Yesha, réuni dans l’implantation de Maale Adoumim, a
publié ses décisions qui vont à l’encontre du projet de Netanyahou. Il exige la souveraineté d’Israël sur toute la
Cisjordanie qui doit être appliquée sans l’approbation des Etats-Unis. Il
s’oppose à toute reconnaissance d’un État palestinien. Il refuse tout gel des
constructions dans les implantations et s’oppose à la création d’enclaves
isolées. Le président du Conseil de Yesha, David Elhayani, a bien précisé que «nous
n’accepterons pas l’établissement d’un État palestinien au cœur de l’État
d’Israël. Si le résultat du plan Trump est l’établissement d’un État terroriste
en Judée et en Samarie, comprend la création d’enclaves isolées et de gels de
construction, nous sommes prêts à renoncer à la souveraineté malgré le travail
et les ressources investies en ce sens ces dernières années».
Conseil des implantations |
Netanyahou ne peut pas se couper de son électorat nationaliste. Au sein même du Likoud, ils sont nombreux comme Gideon Saar à refuser la création d'un Etat palestinien. C’est l’opposition de
ces dirigeants juifs qui a poussé Netanyahou à exclure de son gouvernement le
parti Yamina pour ne subir aucune pression. D’ailleurs le plus activiste de Yamina,
Rafi Peretz, s’est plié aux injonctions de Netanyahou pour obtenir un
portefeuille ministériel tout en reniant ses convictions. Il est prêt à se
déjuger et à renoncer à une partie des exigences de l’extrême-droite, en particulier
à accepter toutes les positions du Premier ministre sur la mise en œuvre du
plan de paix de Trump, qui comprend en particulier la création d’un État
palestinien.
Les gesticulations de Netanyahou laissent de marbre Benny Gantz qui, de son côté, a un projet plus limité. Il n’utilise pas le terme
d’annexion mais il «veut renforcer la sécurité régionale et œuvrer pour la
paix». C’est un peu flou. Concrètement il envisage uniquement le
rattachement d’implantations proches de Jérusalem mais pas toutes les implantations.
Il n’est pas un franc partisan de l’annexion totale tout comme Tsahal qui s’y
oppose. 200 officiers et généraux ont signé une déclaration contre toute
décision unilatérale d’annexion.
Alors Gantz ne prend pas officiellement position
sur la question laissant au premier ministre le soin de résoudre les ambiguïtés
d’un projet mort-né face à des opposants de toutes sortes. Il ne critique pas les
diplomates européens, siégeant au Conseil de sécurité, qui ont rappelé à Israël
le bien-fondé des frontières tracées en 1967, et l’ont prévenu que toute
annexion de territoires en Cisjordanie serait sanctionnée. Il observe aussi Mahmoud
Abbas, président de l’Autorité palestinienne, qui a décidé de cesser sa
coopération sécuritaire avec Israël avec les troubles que cela peut engendrer. Il évite de mettre en évidence ses divergences avec le premier ministre, à peine le gouvernement formé.
Seuls les irréductibles de droite croient encore à une illusion qui ne fait vibrer que ceux qui espèrent encore une annexion peu probable.
Seuls les irréductibles de droite croient encore à une illusion qui ne fait vibrer que ceux qui espèrent encore une annexion peu probable.
Jacques Benillouche, votre analyse est parfaitement pertinente. Mais la question est de savoir si la pertinence est un bouclier suffisant pour stopper la démagogie délirante de Bibi et de ses alliés extrémistes !
RépondreSupprimerD’un point de vu idéologique l’annexion de la Judée Samarie se défend. Cependant d’un point de vue géopolitique les inconvénients semblent aujourd’hui largement supérieurs aux avantages.
RépondreSupprimerN'AYONS PAS PEUR ! ISRAEL a d'excellents "joueurs" d'échec et mat...faufilons nous comme nous avons toujours su faire...l'histoire est du coté d'ISRAEL alors...pourquoi toujours miser sur la peur..?
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