LA COUR SUPRÊME A TRANCHÉ, GANTZ ET NETANYAHOU PRÊTERONT SERMENT
Par
Jacques BENILLOUCHE
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La
Cour suprême a tranché rapidement le 6 mai car jeudi 7 mai était la date limite pour désigner un nouveau premier ministre avec faculté de former
un nouveau gouvernement. Au-delà de cette date, la Knesset aurait été
automatiquement dissoute et de nouvelles élections auraient eu lieu en juillet
2020. Cela n'aurait rien résolu d'une situation déjà inextricable. La raison a gagné même si certains avaient misé, en vain, sur la mise à l'écart de Netanyahou.
Knesset peu fréquentée pour cause de coronavirus |
Les
juges de la Cour ont rejeté toutes les pétitions qui visaient le premier
ministre. C’est à l’unanimité des onze juges qu'elle a estimé qu’elle n’avait
aucune raison de s’opposer à la nomination de Netanyahou, ni aucune raison d’empêcher
l’accord de coalition Likoud-Bleu-Blanc qui a d'ailleurs été amendé en fonction des
recommandations des juges. Ils ont
déclaré : «nous n'avons trouvé aucun fondement juridique pour
intervenir contre Netanyahou dans sa tâche de former le gouvernement. C'est
pourquoi nous avons décidé à l'unanimité de rejeter les pétitions sur cette
question». La décision a été
publiée.
Les
juges ont apporté quelques précisions en déclarant que «l'accord de
coalition dont nous sommes saisis est un accord exceptionnel, même en
comparaison avec les accords de coalition que nous avons vus par le passé et
qui ont été portés devant cette Cour en raison des difficultés qui en
découlaient». Les juges ont estimé à l'unanimité qu'en dépit des
difficultés juridiques de l'accord, il n'y a pas de place pour le moment pour
intervenir dans aucune de ses clauses, compte tenu des amendements
et clarifications apportés par le Premier ministre, le Likoud et Bleu-Blanc.
En
conséquence Netanyahou et Gantz prêteront serment le mercredi 13 mai à l’occasion
d’une cérémonie officielle.
Avi Nissenkorn président bleu-blanc de la commission spéciale |
Sur
recommandation de la Cour suprême, la commission spéciale de la Knesset chargée
de préparer des projets de loi portant création d'un nouveau gouvernement de
coalition a approuvé en urgence des amendements au projet. Des modifications précisent
les termes de la rotation du Premier ministre Benjamin Netanyahu et du leader Bleu-Blanc
Benny Gantz dans le rôle de premier ministre. L’accord définit également le
mécanisme par lequel les ministres et les sous-ministres peuvent être révoqués
par les chefs de bloc respectifs et permet une situation dans laquelle deux
ministres seront chargés du même ministère.
Le
projet de loi modifié prévoit également l'éventualité dans laquelle le Premier
ministre ou le Premier ministre suppléant cesse de siéger pour quelque raison
que ce soit, comment son remplacement aura lieu : avec un vote de confiance de
dix membres de la Knesset du parti du Premier ministre respectif.
Les
propositions prévoient des mécanismes de nomination d'un membre de la Knesset
pour remplacer le chef s'il est contraint de suspendre son poste avant la fin
de son mandat. Le projet de loi stipule également que le pouvoir du Premier
ministre de dissoudre la Knesset nécessite le consentement du Premier ministre
en rotation. Si le Premier ministre sortant décidait de mettre fin au mandat de
la Knesset et d'organiser des élections anticipées - pendant la période de
transition, le Premier ministre remplaçant assumera la fonction de Premier
ministre.
Enfin,
ce projet de loi stipule que tout changement à la loi, ou à l'une de ses
clauses dans le gouvernement de rotation, nécessitera l'approbation de 70
membres de la Knesset - contre 75 membres de la Knesset dans la version
originale du projet de loi. Le gouvernement est soutenu à droite par 52 députés (36 Likoud, 9 Shass, 7 UTJ) et au centre par 19 députés (14 Bleu-Blanc, 1 indépendant, 2 ex-Telem et 2 travaillistes) soit en tout 71 sièges. Yamina avec ses 6 députés a réservé sa décision de participer ou non.
La
clause imposant que le gouvernement s’abstiendra de ne voter pendant les six
premiers mois que des textes concernant le coronavirus a été abrogée. Le
gouvernement pourra décider de toute nouvelle loi. Enfin, la clause consistant
à repousser de six mois les nominations des hauts fonctionnaires à été réduite
à trois mois, le temps pour le gouvernement de s’installer.
Cette
décision ne fera pas que des heureux à la Knesset mais il faut savoir terminer
une guerre, une guerre politique qui dure depuis plus d’un an. Les armes doivent retrouver leurs étuis. La population
est lasse de ces luttes de clans qui minent son moral. Elle n’était pas prête à
un quatrième tour de scrutin qui aurait été stérile. La crise économique et
sanitaire imposait un rassemblement des forces vives pour combattre ces fléaux.
Il n'y avait pas d'autres solutions puisque Netanyahou n'avait pas de majorité et que Gantz ne pouvait gouverner qu'avec l'appui des partis arabes. Chacun trouvera son compte dans un accord certainement pas parfait. La Cour suprême a su se montrer pragmatique en n'appliquant pas uniquement que le droit. Ceux qui ont cherché par le passé à la démanteler savent à présent que leur tâche sera ardue car sa neutralité n'a pas été mise en cause. Sa décision doit s'imposer à tout le monde aujourd'hui. Il ne faudra pas revenir aux dérives du passé, de ceux qui ont cherché à délégitimer cette haute institution.
Il n'y avait pas d'autres solutions puisque Netanyahou n'avait pas de majorité et que Gantz ne pouvait gouverner qu'avec l'appui des partis arabes. Chacun trouvera son compte dans un accord certainement pas parfait. La Cour suprême a su se montrer pragmatique en n'appliquant pas uniquement que le droit. Ceux qui ont cherché par le passé à la démanteler savent à présent que leur tâche sera ardue car sa neutralité n'a pas été mise en cause. Sa décision doit s'imposer à tout le monde aujourd'hui. Il ne faudra pas revenir aux dérives du passé, de ceux qui ont cherché à délégitimer cette haute institution.
Benny Gantz
et de nombreux députés issus du parti travailliste apporteront une touche
sociale pour modérer les décisions libérales du gouvernement. Leurs électeurs ont donné
leurs voix pour forcer un changement dans le domaine économique et social. Il appartient
aux membres de Kahol-Lavan de prouver qu’ils ne serviront pas d’alibi politique
et qu’ils pourront infléchir la politique droitière vouée jusqu’alors à une
extrême-droite active et exigeante.
RépondreSupprimerCher monsieur Benillouche,
La situation que vous décrivez dans cet article, n'est-elle pas la reconnaissance qu'Israël est entré dans un système appelé " le gouvernement des juges" où les élections n'ont plus qu'une importance secondaire voire nulle à terme ?
https://www.youtube.com/watch?v=aMm1YHk0ZRc
Très cordialement.
Mme Arnaud a raison :Israel est bien rentré dans un systéme de "gouvernement des Juges". L'institution de la Cour Supreme cumule des pouvoirs immenses plus importants qu'en France par exemple puisque la Cour Supreme a les fonctions de Cour de Cassation, du Conseil Constitionnel et les attributions du Conseil d'Etat.
RépondreSupprimerPour sa part Mr Benillouche souligne justement la décision rendue rejetant la pétition contre l'accord de gouvernement saluant le caractére "neutre" de la Cour Supreme.
Mais c'est aller vite en besogne au vu du tableau d'ensemble! l'hirondelle ne fait pas le printemps. Caractériser comme "neutre" la Cour Supreme apparait des plus discutables.
Une illustration de cette orientation peut être trouvée dans la politique de la Cour Suprême :
Alors que l'Etat d'Israël est défini par la loi comme Juif et Démocratique, la Cour défend depuis les années 1990 sous l'impulsion de son président Aaron Barak presque exclusivement le caractère démocratique du pays, et en cela, elle se situe dans une ligne post-sioniste.
La C.S est le reflet d'une caste idéologique ayant fait le choix délibéré des normes et valeurs juridiques suivant une conception européenne soucieuse de reléguer sur un plan secondaire (la "religion")le caractére juif de l'Etat à une notion de plus en plus abstraite visant à la transformation de l'Etat en Etat de l'ensemble de ses citoyens, proposition qui met un terme à l'existence d'un Etat Juif ignorant la communauté de destins entre le peuple israélien et le peuple juif.
Or cette conception est fondée sur l'idée chrétienne d'abord puis laique en tout cas occidentale selon laquelle le judaïsme ne serait qu'un ensemble de pratiques religieuses privées. Mais La notion de religion est parfaitement étrangère à la Torah, qui parle de Dieu, du Peuple Juif et de la Terre d’Israël. L’ensemble des lois juives concernent l’organisation sociale autant que l’individu .
Ceci rappelle la philosophie qui a présidé à l’octroi de la citoyenneté aux juifs en France : tout aux juifs en tant qu’individus, rien en tant que Peuple.
Sans s'éloigner du sujet de la Cour Supreme -suite à des jugements tendant à rompre ce délicat équilibre-, ceci explique le malaise et la colére à son encontre devenue perceptible au grand jour au sein du peuple juif -et par ses représentants majoritaires au pouvoir politique à la Knesseth - partagé voire opposé dans ses valeurs comme pratiquement toujours dans son histoire tragique lorsque le libéralisme assilationniste à l'européenne l'a emporté au 19 iéme siècle.
En espérant que les memes causes ne produisent pas les memes effets catastrophiques, ici se traduisant en fin de parcours par une guerre civile trés au delà du clivage "gauche-droite" insuffisant à l'expliquer!
D'ailleurs l'Europe d'une certaine façon n'est elle pas en proie à une opposition visible entre ceux qui souhaitent conserver leur nation et les autres soucieux de la dissoudre dans un cosmopolitisme universel sous la houlette d'un gouvernement de juges éclairés( bien plus que les peuples-cela va de soi !)