CATASTROPHE ÉCONOMIQUE EN TUNISIE
Par
Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
Une rue de Tunis |
Lors de sa prise de fonction, le président tunisien, Kaïs Saïed, sympathisant islamiste, avait estimé urgent de prendre position sur le conflit israélo-palestinien : «l’accord du siècle est un siècle sombre et une grande trahison, pas une normalisation. La situation normale est l’élimination de l’entité sioniste. La culture de la défaite a contribué à la soumission du système arabe à de telles négociations. La Palestine n’est pas un déchet pour faire l’objet d’un accord». Malgré cette déclaration, nul ne peut se réjouir de la catastrophe économique qui guette la Tunisie en raison du coronavirus, même si ses choix politiques anti-israéliens ont été à l’opposé d’un pragmatisme indispensable.
Rencontre entre le président Kais Saied, le président de l’Assemblée Rached Ghannouchi, et le Premier ministre Elyes Fakhfakh au palais de Carthage |
Cependant le pays a été peu touché par le virus puisque seulement 43 morts ont été dénombrés pour environ 500 contaminés. La situation aurait pu être pire si un confinement strict n’avait pas été imposé jusqu’au 5 juin. Mais si la Tunisie échappe au coronavirus, elle ne pourra pas empêcher la crise économique et sociale de sévir. Les conséquences de la pandémie s’ajoutent à l’instabilité politique que connait la Tunisie depuis plusieurs années.
Depuis la Révolution du jasmin de 2011, les gouvernements n’ont jamais réussi à stabiliser une économie chancelante parce qu’ils manquent de trésorerie et de moyens financiers. Les entreprises actuellement en difficulté ne pourront pas être aidées, voire sauvées de la faillite, avec les conséquences sociales que l’on peut imaginer. A l’instar de tous les pays qui sortent ou sortiront du confinement, le réveil sera brutal, aggravé par le mois de Ramadan. Les Tunisiens ne vivent que dans l’angoisse de connaître une contagion à l’italienne ou à la française.
Depuis la Révolution du jasmin de 2011, les gouvernements n’ont jamais réussi à stabiliser une économie chancelante parce qu’ils manquent de trésorerie et de moyens financiers. Les entreprises actuellement en difficulté ne pourront pas être aidées, voire sauvées de la faillite, avec les conséquences sociales que l’on peut imaginer. A l’instar de tous les pays qui sortent ou sortiront du confinement, le réveil sera brutal, aggravé par le mois de Ramadan. Les Tunisiens ne vivent que dans l’angoisse de connaître une contagion à l’italienne ou à la française.
Les
festivités quotidiennes du Ramadan ont été supprimées ce qui augmente la
mauvaise humeur, voire l’inquiétude d’une population aux abois. Il n’y a pas de
masques pour tout le monde et une certaine anarchie règne dans les villes ce
qui a poussé le gouvernement à imposer un couvre-feu brutal au moment où les
prières nocturnes sont remplacées par la récitation de versets du Coran à
travers des haut-parleurs à forte puissance. Contrairement aux traditions du
Ramadan, les nuits sont calmes, les rues désertes et les terrasses de café
vides. Malgré les doutes sur la réalité des statistiques, il semble bien que la
pandémie soit contrôlée.
L'avenue Bourguiba déserte |
Les
activités économiques reprendront après le 5 juin à l’exception des cafés et
restaurants. Les salariés autorisés à travailler ne pourront circuler qu’avec des
documents délivrés à cet effet, en particulier pour utiliser les transports en
commun. Mais le coronavirus a aggravé la situation de pauvreté du pays et le
coût du confinement met la situation économique du pays en danger. Le
gouvernement ne dispose pas de marge de manœuvre.
Le
conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a approuvé un
décaissement de 745 millions de dollars en faveur de la Tunisie au titre de
l’instrument de financement rapide (IFR). Ces ressources permettront de
répondre aux besoins urgents de financement du budget et de la balance des
paiements, causés par la pandémie de Covid-19.
L’économie
de la Tunisie, qui avait connu en 2019 une croissance faible de 1,1%, devrait
se contracter de -4,3% en 2020. Il s’agira de la récession la plus grave depuis
l’indépendance du pays en 1956. Cet appui du FMI aidera les autorités à
répondre aux besoins notables de financement du budget et de la balance des
paiements, estimés à 2,6 et 4,7 % du PIB, respectivement. Les instituts
internationaux sont pessimistes. On évalue à 19% la proportion de Tunisiens
vivant en dessous du seuil de pauvreté de 5,5 dollars par jour. Par conséquent,
les soupes populaires se développent partout dans le pays.
Le
pays n’a pas réussi à diversifier ses sources de revenu depuis plusieurs
années axées essentiellement sur le tourisme et les services. À noter aussi
que la politique des gouvernements successifs et les attentats islamistes ont
fait fuir les touristes européens habitués à envahir les plages et les hôtels. Les
Tunisiens qui vivent du tourisme, souvent sans protection sociale, sont à
présent au chômage et leurs réserves personnelles sont à zéro. Le pèlerinage annuel
de la Ghriba de la fête de Lag Baomer, qui draguait quelques centaines de Juifs de l'étranger, a été annulé.
Djerba va ressentir un coup économique qu’elle aura du mal à surmonter.
Ghriba de Tunisie |
Les
vendeurs à la sauvette dans les rues n’osent plus s’aventurer de crainte d’être
arrêtés par la police mais ils perdent en même-temps leur seul moyen de subsistance. L’aide
promise par l’État est insuffisante, 60 euros par ménage, et n’est même pas
encore distribuée. Le gouvernement préfère privilégier les entreprises
pourvoyeuses d’emploi plutôt que les particuliers mais il n’a aucune marge
budgétaire. Selon les statistiques, la moitié des entreprises sont en faillite,
les autres ne peuvent payer comme salaires que les 200 dinars (64 euros) d’aide
allouée par l’État qui est d’ailleurs en retard de versement. On prévoit que
42% des entreprises vont réduire de 30% leurs effectifs. La situation est donc
catastrophique.
Anouar Maarouf |
L’administration
semble débordée et n’a prévu aucune solution pour sauvegarder les entreprises. De son côté Anouar Maarouf, ministre du Transport, n’a rien trouvé de mieux que d’affirmer
qu’il n’est pas nécessaire d’aller travailler par crainte d’une éventuelle
contagion. Il aurait dû être plus prudent dans ses déclarations dans un
contexte où beaucoup de Tunisiens sont restés privés de leur gagne-pain durant
deux mois sans aucune indemnisation et qu’ils sont nombreux à n’avoir que les
transports en commun publics ou privés pour gagner leur vie. Cette déclaration intempestive montre que le ministre ignore
la réalité du quotidien de ses administrés qui sont obligés de s’entasser dans
les transports dans des conditions difficiles pour se déplacer vers leur lieu travail. Seuls les riches et certains
hauts fonctionnaires disposent d’une voiture de fonction.
La
Tunisie a connu de nombreuses crises économiques mais celle découlant du
coronavirus est la plus grave car elle est exceptionnellement pénalisante. Le
pays ne peut même pas compter sur les «frères» arabes, touchés eux-aussi
par une réduction dramatique de la consommation de pétrole et de ce fait par la
baisse du prix du baril et donc des revenus. Mais il existe un risque dans les pays fragiles ; la
crise pourrait déboucher sur de la violence et des émeutes.
Le président tunisien aurait mieux fait de modifier les structures économiques du pays et se s’ouvrir au monde occidental plutôt que de s’enfermer au sein d’un monde arabe égoïste et lui aussi instable. Ses déclarations violentes à l’égard d’Israël, mal à propos, l’ont desservi auprès des chancelleries occidentales et surtout américaines qui le boudent à présent au point de refuser de lever leur petit doigt en pleine récession économique mondiale.
Le président tunisien aurait mieux fait de modifier les structures économiques du pays et se s’ouvrir au monde occidental plutôt que de s’enfermer au sein d’un monde arabe égoïste et lui aussi instable. Ses déclarations violentes à l’égard d’Israël, mal à propos, l’ont desservi auprès des chancelleries occidentales et surtout américaines qui le boudent à présent au point de refuser de lever leur petit doigt en pleine récession économique mondiale.
Si Kais Said fait partie de ces nouveaux présidents élu à la faveur d’un populisme « international », il faut préciser qu’il est loin d’être Islamiste... d’ailleurs il est en bisbille avec le président de l’assemblée qui lui est Islamiste. La Tunisie passe par la case démocratie avec tous ses résultats dans des pays pauvres. Même en France on vit une crise sociale terrible ( gilets jaunes) malgré une économie solide et un président et un parlement élu avec une majorité confortable. Quant à l’avenir catastrophique sur le plan économique et ses résultats sur la stabilité du pays, il faudra voir réellement ce qui se passera car personne ne meurt de faim en Tunisie et les gouvernements successifs restent sur une fibre sociale très poussée. La position vis à vis de ce qui se passe au moyen orient est très délicate car l’opinion publique est propalestienne à l’instar de certains pays européens, comme la Suède... il faut laisser le temps au temps. Même Ben Ali qui avait installé une antenne à Tel-Aviv n’a pas pu franchir le pas d’une ambassade. Même le Maroc reste frileux.... ne croyez vous pas qu’il y a une responsabilité partagée ? Pensez vous qu’une décision imposée est la solution? Quant aux extrémistes... il n’y en a pas en Israël ? Mon cher ami, la légitimité ne prend pas de force, on vous la donne.... en fait tous les problèmes sont liés à des intérêts économiques et la route du pétrole et du gaz reste en filigrane de toute la politique internationale. Les grandes puissances et les gros muscles décident. Je veux juste rappeler un fait historique indéniable c’est l’attitude des États Unis vis à vis des juifs durant la Shoah où ils interdisaient l’immigration juive. Les choses ont évoluées et les intérêts économiques aussi...
RépondreSupprimerLes choses évoluent lentement, l’Arabie saoudite, le Qatar tissent des liens de plus en plus grands par intérêts économiques et sécuritaires avec Israël, restent les opinions publiques à formater. Amitiés
Excellent reportage sur la situation politique et le désastre économique en Tunisie.
RépondreSupprimerMonsieur Maher Ben Ghachem fait fausse route . Le Président Tunisie a été élu parce qu’il apparaissait intègre et d’une autre moralité que le personnel politique des années précédentes : professeur de droit, parlant un arabe littéraire impeccable même s’il le débite d’une manière saccadée qui lui a valu le surnom de Robocop!
Sa sortie sur la Palestine et Israël n ‘avait pas de sens : son opinion sur le conflit vieux de 72 ans , il pouvait la garder et ne pas en faire un étendard ! Les palestiniens de Gaza ou des territoires disputés ont un niveau de vie supérieur à celui des tunisiens et ils reçoivent un flot intarissable de subventions et de dons . C’est d’ailleurs la raison la plus forte pour les inciter à ne rien concéder !
Les juifs tunisiens, les Tunes, n’ont jamais oublié Touness El Khadra mais se demandent pourquoi ce pays accueillant qu’ils ont aidé à fertiliser et à moderniser, se recroqueville dans une attitude hostile et destructrice d’emplois. Le Maroc et Mohammed VI ont ouvert les bras et les accueillent . Les Etats-Unis et Israël attendent que les responsables tunisiens pensent à leur peuple au lieu de se camper en défenseurs des palestiniens qui n’auraient jamais fait un geste en faveur de la Tunisie.
André Simon MAMOU
Tribune juive