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jeudi 23 avril 2020

Il est temps pour Gantz de trancher


IL EST TEMPS POUR GANTZ DE TRANCHER

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            

          Chaque jour une information est publiée faisant état d’avancées dans la mise en place d’un gouvernement d’unité entre le Likoud et Bleu-Blanc, mais en vain. Les négociations s’éternisent et, à chaque pas des négociateurs, de nouveaux obstacles sont mis en avant par Netanyahou. On ne voit pas ce qu’il reste à négocier sachant que sur le plan politique le consensus est acquis. La seule préoccupation reste la volonté du premier ministre d’échapper à la justice et à la Cour suprême. Alors il lambine donnant l’impression de faire preuve de beaucoup de bonne volonté alors que "le temps passe et passe le temps".



          A priori le gouvernement d’union ne l’intéresse pas car il a fait beaucoup de concessions qui limitent sa gouvernance. La parité ministérielle avec Gantz était une promesse pour l’amadouer, pour le forcer à rompre avec Lapid et Yaalon et pour faire exploser l’opposition. Il a bien réussi et a montré ainsi son expertise face à un Gantz néophyte dans ce domaine. L’astuce politique ne s’apprend pas en quelques semaines. 
          Netanyahou a toujours espoir d’amener à lui les deux députés de Telem Yoaz Hendel and Zvi Hauser pour boucler sa majorité de 61 sièges sans Gantz. Il a tellement lâché dans ces palabres stériles qu’il pourrait offrir un pont d’or à ces deux transfuges, des ministères qu'ils n'avaient aucun espoir d'atteindre. Alors il gagne du temps pour parvenir à la date limite qui imposera automatiquement la dissolution de la Knesset et le recours à de nouvelles élections dont il pense, cette fois, sortir vainqueur compte tenu des sondages. Et puis ce temps lui sert pour faire comprendre aux deux anciens de Telem que cette chance ne se reproduira jamais.
            On a cru que Netanyahou était entre les mains de Gantz mais c’est en fait lui qui tire les ficelles. Il est le maître des horloges et maintient en permanence l’illusion d’un gouvernement d’union pour neutraliser l’action de l’opposition qui veut faire voter trois lois qui élimineront définitivement Netanyahou du pouvoir. Si elle attend trop longtemps, l’opposition n’aura pas le temps de mettre sa menace à exécution avant sa dissolution.
            Gantz croyait pouvoir entrer en négociation avec Netanyahou, d’égal à égal, alors que d’autres avant lui avaient essayé, en vain. Mais il n’a pas tiré les leçons qu’il a affaire à un manipulateur qui sera encore là lorsque lui aura été éliminé du spectre politique. En s’offrant à Netanyahou, sans ses deux complices plus expérimentés en politique, il s’est affaibli et est tombé dans le piège de la scission de son parti face à un premier ministre qui manie l’illusion avec art. Il se trouve contraint aujourd’hui d’être aux ordres de Netanyahou qui contrôle l’agenda politique. Il ne peut plus reculer car les élections décimeront ce qui reste d’une opposition qui était tonique et dynamique. Il ne fait pas le poids face à un expert dont la tactique consistait uniquement à mettre un accord de gouvernement hors d’atteinte.
            Gantz doit enfin trancher ; trop c’est trop ; la plaisanterie a assez duré. Lui-même et une grande partie des Israéliens se laissent balader entre trahisons et renoncements, entre espoirs et illusions entre pseudo-avancées et reculades. Il est aujourd’hui convaincu qu’il est face à un illusionniste qui le berne en permanence. Croyant résoudre la crise politique, il a voulu être pragmatique devant un pays en crise sanitaire et économique, estimant à juste titre qu’il fallait mettre fin au blocage gouvernemental. Il pensait pouvoir être suivi par ceux qui croyaient en lui comme étant le seul homme politique à mettre fin au chaos. 
La crise économique

           Yaïr Lapid et Moshe Yaalon, qui avaient côtoyé Netanyahou au gouvernement, l’avaient mis en garde que sa parole n’était pas fiable et que comme un virus, il savait étouffer sa proie pour mieux la neutraliser, voire la décimer. Gantz, le soldat discipliné, croyait encore à la notion de parole donnée ; à l’armée certes mais pas à la Knesset où tout est mensonge, promesse non tenue, sournoiserie et mauvaise foi. Bref c’est la politique politicienne au plus haut niveau.   
            Sa prise de contrôle de la Knesset avait fait émerger en lui un vrai tacticien qui pouvait faire voter des lois pour écarter définitivement son concurrent. Mais il se montre trop poli et même honnête pour ne pas marcher dans les combines politiques. Or c'est cela ou alors le retour dans sa caserne. Par la faute d’un manipulateur, en quelques semaines, le chef de Kahol-Lavan a connu un renversement de situation extraordinaire. Recommandé au poste de Premier ministre par une majorité de députés, il dirige aujourd'hui un parti exsangue qui ne fait peur à personne. La politique nécessite de prendre des décisions rapides souvent difficiles mais ils ne les pas prises, en particulier lorsqu’il s’agissait de constituer un gouvernement minoritaire avec le soutien actif ou passif des partis arabes. N’est pas dirigeant politique qui veut. Il n’a pas voulu suivre les recommandations de ses alliés, Avigdor Lieberman, Yaïr Lapid et Moshe Yaalon, qui n’ont jamais cessé de dénoncer les entourloupes du premier ministre et son caractère dictatorial, sans scrupule, corrompu et dangereux.

            Netanyahou a exploité la crise du coronavirus à son profit, se pavanant tous les jours dans les médias, en laissant entendre que la constitution du gouvernement était devenue secondaire. C’était du temps de gagné. Il va être difficile de recoller les morceaux entre les anciens alliés de l’opposition pour reconstituer une force solide capable de devenir une force d’alternance. Et pourtant Gantz occupe un poste de choix au perchoir et son influence est déterminante d’autant plus que le président de la Knesset est pratiquement inamovible car il faut une majorité de 90 députés pour le destituer. Mais il a perdu la confiance de ses électeurs car il a trahi sa promesse claire et répétée qu’il ne siégerait jamais dans un gouvernement sous l’autorité d’un Netanyahou, certes présumé innocent mais néanmoins mis en examen pour corruption.
Amir Ohana ministre de la justice

            Gantz a fermé les yeux sur les mesures prises par Netanyahou qui au lendemain des élections, alors qu’il devait passer devant ses juges, a donné ordre à son ministre de la justice, Amir Ohana, de fermer les tribunaux pour cause de coronavirus et a reporté son procès sine die. Aucun autre pays occidental n’a mis en vacances la justice. Or le virus est tombé à pic pour mettre en danger la démocratie israélienne et pour réduire les pouvoirs de la Cour Suprême. En se séparant de Lapid et de Yaalon, Gantz s’est privé du poids politique indispensable pour contrer Netanyahou, un dinosaure réputé pour son expérience politique.
            Et pourtant selon certaines indiscrétions de ses amis, Gantz leur avait fait part de ses doutes sur le respect de l’accord de rotation au terme des premiers dix-huit mois mais il estime devoir agir pour le bien du pays. Aujourd’hui seul, il s'est trop affaibli pour conclure un accord final de coalition avec Netanyahou sans laisser des plumes et sans se faire avaler tout cru par plus fort que lui, par celui qui ne cherche qu’à garder le pouvoir pour se mettre à l’abri de la justice. Chaque jour, le premier ministre pose de nouvelles conditions pour ne pas concrétiser l’accord. A présent il veut empêcher, par une nouvelle loi, que la Cour suprême le disqualifie au poste de Premier ministre en raison de ses mises en examen pour corruption. Il exige que des lois soient faites sur mesure pour lui.
            Mais Gantz ne réagit pas vraiment et, à force de tergiversations stériles, il semble dépassé par une situation qu’il croyait contrôler. En quelques semaines, il est passé de nouvel homme politique fort au statut de chef d’un petit parti décomposé. Il a les moyens d'agir, mais encore faut-il qu’il soit suivi par une majorité de députés, pour faire voter une loi pour éliminer Netanyahou. Mais sans réel soutien et même sans volonté ferme il ne se sent pas en position de manœuvrer seul.
            Le premier ministre a gagné ses galons dans la défense contre le coronavirus pour avoir pris les bonnes décisions au départ. A peine une centaine de morts en Israël alors les autres pays comptent leurs morts par dizaines de milliers. Cela l’a donc mis au firmament dans les sondages et aujourd’hui, il renonce aux concessions qu’il avait acceptées alors qu’il était le dos au mur. Dans trois mois, il pourra gouverner tout seul grâce à une vraie majorité avec ses alliés habituels qui lui sont tout dévoués, et surtout sans l’empêcheur de tourner en rond de Gantz. Et comme il aura la majorité requise, il pourra réduire au silence la Cour suprême et toutes les oppositions.
            On voit mal Gantz accepter d’être un partenaire marginal sachant parfaitement que, s’il entrait dans le rang, il ne sera jamais premier ministre à l’automne 2021.  Cette situation risque de faire réfléchir quelques éléments de Kahol Lavan, déçus de l’échec de leur leader. Ils pourraient succomber à l’attrait d’un portefeuille ministériel pour les quatre années à venir. Gantz paierait ainsi ce qui a toujours été considéré par ses amis comme une trahison. Il aura donné le ton.  


            
          
          Cependant Benny Gantz, déçu d’avoir été berné, pourrait se réveiller de sa torpeur et du haut de son perchoir, pourrait donner le signal d’un nouveau combat politique au terme duquel, Netanyahou éliminé, il garderait la présidence de la Knesset et pour calmer la grogne, il laisserait l’un des siens du cockpit réunifié au poste de premier ministre d’un gouvernement minoritaire.
            Des sources de Kahol-Lavan laissent entendre que la situation devrait se décanter le 20 avril. Pour se rattraper d’avoir été abusé, Gantz a annoncé qu'il «avait l'intention de faire fonctionner la Knesset à plein régime dès la semaine prochaine, comme il l'a promis lors de son élection au poste de président de la Knesset». En clair cela voudrait dire qu’il fera avancer la législature anti-Netanyahou pour l'empêcher de continuer à exercer ses fonctions tout en faisant face à des accusations judiciaires. Du chaos en perspective!

Mise à jour du lundi 20 avril

Les négociations ont capoté ce lundi 20 avril. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le président de la Knesset, Benny Gantz, se sont rencontrés lundi matin à la résidence du Premier ministre dans le but de poursuivre les négociations pour la mise en place d'un gouvernement, mais la réunion a explosé et Gantz est parti au bout d'une heure sans l'accord des parties. La raison de l'explosion était le désaccord sur la Commission judiciaire.

4 commentaires:

  1. Elizabeth GARREAULT20 avril 2020 à 09:57

    Il n'est pas certain qu'avec la paupérisation d'une partie des électeurs de Netanyahou due a' la crise économique, l'avenir de ce dernier soit aussi radieux que ne le prévoit les sondages actuels. Le pari de prochaines élections reste risquée .

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  2. David BEN ICHOU20 avril 2020 à 10:00

    Cher Jacques Benillouche, j'espère avec vous que Gantz trouvera la force de faire ce qu'on attend de lui depuis le début ou alors est-ce une wishful thinking. Quoi qu'il en soit et pour avoir accompagné le menteur jusqu'à sa porte, il peut bénéficier d'une forme de légitimité morale politique et les allies ne se priveront pas d'effacer l'ardoise pour enfoncer le clou.

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  3. Patrick meyerfeld20 avril 2020 à 11:29

    Tout à fait d'accord B Gantz a fait un choix difficile et risqué pour lui . Il a perdu , il faut maintenant aller à l'affrontement et faire sauter le bouchon . C'est l'heure !

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  4. Combien suis je d'accord avec la description faite du personnage de Gantz!
    Facilement manipulé par un leader bien plus roué que lui et capable de le rouler dans la farine, lui l'homme "droit et vertueux"!
    Mais encore faut-il tirer les conséquences politiques concernant un pays comme Israel qui doit faire face de façon brutale et subtiles aussi aux défis imposés par ses ennemis et plus encore par ses faux amis.
    Aussi la question se pose : est-il préférable de garder au pouvoir un Mazarin ou un Cardinal de Richelieu dont on peut comprendre et discuter la détestabilité ou bien placer un impotent Louis Philippe?
    Je tremble à l'idée qu'un Gantz eut été au pouvoir affublé d'une coalition avec des partis arabes propalestiniens et antisionistes et ce sous la pression d'un Obama dont on sait ce qu'il voulait imposer à Israel.
    Ce sentiment me confus mais bien present dans l'esprit des electeurs en majorite de droite ne milite pas en faveur de Gantz presente comme peu a la hauteur.
    Heureusement Natamyahou a su résister avec succes ce dont on peut douter de Gantz à qui l'article accorde le credit d'une certaine naiveté ce qui ne serait pas le cas de Lapid ou de Liberman.
    Mais c'est faire semblant d'oublier que Gantz a siégé également au gouvernement de Natanyahou à un poste qui n'est pas des moindres.

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