Pages

mardi 25 février 2020

Gantz dans la lignée de Sharon et de Rabin


GANTZ DANS LA LIGNÉE DE SHARON ET DE RABIN

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            

          Benny Gantz, qui personnifie aujourd’hui le centre politique israélien, axe sa campagne électorale sur la politique de David Ben Gourion fondée sur la vertu civique qui met les intérêts de l’État au-dessus des intérêts sectaires et personnels. Il en a fait le fondement principal du parti Kahol-Lavan qui estime que, à la suite des actes d’accusation dans trois affaires de corruption, le pays a besoin d’un leader qui possède cette vertu lui permettant de modifier les méthodes actuelles de gouvernement pour revenir à la substance même de la politique.



            Netanyahou et Gantz se distinguent sur plusieurs points, même dans ce qui est futile comme leur façon de s’habiller qui montre en fait leur vraie personnalité. Les vestes larges et les cravates de Netanyahou datent des années 1990, celles des hommes d’affaires vieux jeu, et tranchent avec le costume sur mesure très actuel de Gantz. Ses opposants critiquent la froideur de Gantz dans les tribunes, voire sa raideur, mais c’est pour afficher une dignité martiale en opposition avec le populisme du leader du Likoud et de ses amis Haïm Katz et David Bitan, eux-aussi en délicatesse avec la justice. Pour lui le premier ministre doit se montrer à la hauteur de de sa fonction.
            Gantz marche sur les pas d’Yitzhak Rabin. D’ailleurs à l’occasion de la cérémonie annuelle à Tel Aviv commémorant son assassinat, c’est Gantz qui a prononcé le discours principal. Alors que Netanyahou a grandi parmi l’intelligentsia nationaliste de droite de Jérusalem, il s’est encanaillé plus tard avec la classe ouvrière orientale à majorité marocaine. En revanche, Gantz, né de parents survivants de la Shoah, a vécu dans un mochav associé au mouvement travailliste, qui a donné l’élite militaire pendant les premières années historiques d’Israël. Son origine pionnière explique que de nombreux militants travaillistes aient rejoint celui qu’on pourrait qualifier de chef agriculteur-guerrier. 

            Comme Rabin il a axé son combat contre l'endoctrinement religieux dans les écoles publiques ouvertes aux laïcs et pour la lutte contre la corruption. Les électeurs de droite, qui l’adoubent, apprécient ses opérations réussies en tant que commandant de l'unité d’élite Shaldag de l'armée de l'air dont les opérations secrètes sont menées au-delà des frontières, en territoire ennemi. Il y a appris à rester zen dans toutes les situations pour mieux les appréhender. Combattant, il affirme paradoxalement vouloir rechercher la paix qui n'est «pas honteuse» car les Israéliens doivent pouvoir dire «nous avons essayé». Il ne se présente pas comme un pacifiste de salon et d’ailleurs il se plait à affirmer que «seuls les forts survivent».
            Sa stratégie électorale naïve des précédents scrutins a évolué car son programme peu développé au premier scrutin donnait l’impression de s’éloigner de ses principes fondamentaux réels, permettant ainsi au Likoud de s’infiltrer dans une sorte de faille politique. S’est ainsi diffusée l’idée fausse qu’il voulait intégrer la liste arabe dans sa coalition. Alors sa stratégie s’est affinée au fil des campagnes vers une idéologie plus claire et plus précise qui a été interprétée à tort comme une déviation à droite lorsque Bleu-Blanc a entériné le principe de l’annexion de la vallée du Jourdain. Les députés Hilly Trooper et Yoaz Hendel ont annoncé que leur parti Bleu-Blanc était prêt à opter pour la souveraineté sur la vallée du Jourdain et sur la mer Morte du Nord. Par ailleurs, à la suite de la diffusion du plan de paix de Trump, Gantz a d’une part été reçu par le président américain ce qui était une grande faveur pour quelqu’un qui n’a aucun statut officiel mais ensuite, il s’est engagé à mettre en œuvre son plan seulement après les élections et non pas dans l’urgence comme le voulait Netanyahou.

            Gantz n’a pas hésité à faire un pas vers les nationalistes en visitant la Cité de David, une implantation archéologique juive de Jérusalem-Est en la qualifiant de «racines de notre existence ici, dans la Jérusalem unifiée». C’est pourquoi des rumeurs ont circulé qu’il avait fait des avances à Naftali Bennett et à Ayelet Shaked pour qu’ils intègrent sa coalition. Cela ne serait pas une trahison s’il faut rassembler. Il a ensuite précisé sa position vis-à-vis de la liste arabe et de Lieberman pour éviter toute fausse interprétation : «Je ne vais pas siéger avec la Liste commune et je n'ai pas besoin de leur soutien. J'ai entendu Avigdor Lieberman dire qu'il siégerait avec le parti travailliste et Meretz et qu'il siégerait avec nous. Nous n'avons aucun accord avec Lieberman. Nous avons eu de grandes négociations avec lui avant la dissolution de la précédente Knesset. Nous avons réussi à évoluer sans précédent dans la compréhension de la religion et de l'État».
            Gantz rêve de constituer un gouvernement d’union avec le Likoud, mais sans Netanyahou qui traine des casseroles judiciaires. Les membres de Bleu-Blanc, issus du Likoud, ne s’en cachent pas et s’affichent à présent sans complexes. C’est le cas de Yoav Hendel, ancien directeur des communications de Netanyahou, et de Zvi Hauser, ancien secrétaire du gouvernement Likoud et animateur principal du forum Kohelet Policy, groupe de réflexion de droite ayant joué un rôle majeur dans l'élaboration de la loi sur l'État-nation.
            Une certitude à présent, la période d’Oslo est terminée après l’échec de la Gauche qui n’a pu concrétiser la paix. En 2000, Ehud Barak était revenu de Camp David en affirmant «qu'il n'y a pas de partenaire pour la paix». Mais si la Gauche s’est dessaisie du dossier de la paix quand elle a quitté la gouvernance, paradoxalement les Centristes israéliens qui venaient de la droite ont pris le relais pour tenter de résoudre le conflit avec les Palestiniens. Ariel Sharon, Ehud Olmert, et Tsipi Livni, ont chacun à sa manière abordé le conflit palestinien en s’inspirant de Menahem Begin, leader révisionniste de droite, qui a signé le traité de paix avec l'Égypte.
            De son côté, Yitzhak Rabin, lui-aussi ancien chef d’État-major, a signé le traité de paix d'Israël avec la Jordanie, et s’est rapproché des Palestiniens. Ariel Sharon avait compris qu’il ne pouvait rien entreprendre avec le Likoud enfermé dans son intransigeance et avait été contraint de créer Kadima pour ne pas rester statique. Aujourd’hui on rapproche Bleu-Blanc de Kadima qui tous deux s’étaient engagé à travailler pour une solution à deux États. Sharon, Kadima et Tsipi Livni avaient clairement indiqué qu'ils croyaient qu'Israël avait droit à toute la terre historique d'Israël mais ils sont revenus à plus de pragmatisme. Ils ont expliqué que si Israël devait maintenir à la fois sa majorité démographique juive et son caractère démocratique, il devrait abandonner une parcelle de territoire pour la création d'un État palestinien. Pour Sharon, la «séparation» avec les Palestiniens est impérative pour préserver la sécurité d'Israël et il a été d’ailleurs celui qui a érigé des barrières avec Gaza et la Cisjordanie.  Les deux généraux Rabin et Sharon n’étaient pas naïfs pour croire à une véritable paix mais ils ont compris, comme Gantz, que la séparation est une décision difficile que seul un général peut prendre.

            L’arrivée de Netanyahou en 2009 a exclu le Centre politique de la gouvernance.  Tsipi Livni a tenté de reprendre le flambeau mais elle n’avait pas de parti puissant sur lequel s’appuyer. Elle n’avait pas évalué à sa juste mesure la rupture qui s’est imposée en Israël dans le cadre d’un combat des Juifs contre les Juifs, des Israéliens contre les Juifs, d’un nationalisme laïc contre le nationalisme religieux avec une domination de plus en plus marquée des orthodoxes et des institutions religieuses qui n’avaient de cesse que d’attribuer une signification théologique à la Terre d'Israël.

            Deux clans ont engagé une lutte sans concessions : d’une part la lutte du clan Netanyahou composé du Likoud nationaliste de plus en plus religieux, des habitants d’extrême-droite des implantations, et des partis ultra-orthodoxes face d’autre part au clan Gantz constitué des centristes, des étatistes, des laïcs, et du reliquat du sionisme ouvrier en voie de disparition. Ceux qui ont aimé Rabin ou Sharon ne peuvent qu’apprécier Gantz parce qu’il a suivi la même trajectoire militaire puis politique.

Vous êtes cernés, sortez avec les mains en l'air

            L'administration Trump, qui cherche à sauver l’avenir politique de Netanyahou, a replacé la question palestinienne au cœur de la politique israélienne. En échange d’un feu vert donné à l'annexion par Israël de la vallée du Jourdain ainsi que des grosses implantations en Cisjordanie, Trump a imposé la création d'un État palestinien et le partage partiel de Jérusalem ce qui a choqué l’extrême-droite israélienne.
            Le Centre israélien, désormais représenté par le parti Bleu-Blanc de Gantz, est prêt à soutenir le projet. Il ne s’agit nullement d’un renoncement de sa part mais d’un retour aux fondamentaux des positions antérieures. Dans un document de 181 pages daté de janvier 2020, intitulé «Peace to prosperity» l’administration Trump a été au-delà de Rabin qui certes parlait de paix mais se bornait à offrir moins qu’un État.
            Gantz est dans la lignée politique de Rabin qui dans son dernier discours à la Knesset en octobre 1995, un mois avant son assassinat, avait déclaré que la frontière orientale d'Israël resterait la vallée du Jourdain «au sens le plus large de ce terme» et qu’au final, Israël finirait par annexer les blocs d’implantations : «Nous ne retournerons pas aux frontières du 4 juin 1967» mais nous envisageons de créer «une entité palestinienne qui serait inférieure à un État». Il avait bien appuyé sur le terme entité.
            L’accord d’Oslo était en fait un plan modifié du plan Allon élaboré en 1967. Rabin voulait l’améliorer mais un assassin l’en a empêché. Gantz a lui-aussi l’idée de se servir de ce plan en maintenant le contrôle militaire de la vallée du Jourdain, et en se retirant des zones à forte population palestinienne. Trump ne voulait rien d’autre que cela pour envisager un accord de paix à long terme. Avec Gantz, il veut en fait poursuivre la mise œuvre du plan Rabin.
            Gantz sait que, comme Rabin, il doit considérablement réformer les systèmes d'éducation et de santé, élargir comme lui la privatisation des entreprises pour s'éloigner de l'économie traditionnellement socialisée du pays et enfin mieux répartir les bénéfices de l’État au profit des plus défavorisés. Mais pour cela, le peuple doit lui donner les moyens

3 commentaires:

  1. Un changement de directions et de visages viendront bien et seront productifs et positifs pour l'Etat d'Israel et pour ses citoyens. La Politique du statu quo et du FUD (fear,uncertainty,disinformation (doubt) est suicidaire a long terme.

    RépondreSupprimer
  2. Jamais deux sans trois, il risque de mal finir si on l'assimile à une communauté de destin consécutifs aux grands responsables des retraits territoriaux.Ne lui voulant pas de mal a ce point je ne peux que lui souhaiter de perdre les elections .

    RépondreSupprimer
  3. Les électeurs ont un bulletin à mettre dans l’urne . En Israël, le niveau intellectuel est largement suffisant pour faire le bon choix . Si Gantz avec ses costumes cintrés à la taille est loin d’arriver à former une coalition, ce n’est pas inexplicable. Il veut prendre la place d’un vieux leader qu’on a trop vu et auquel la justice reproche non pas des malversations mais des promesses d’échanges de bons procédés . Sans la liste arabe et sans Lieberman qui est une punition pour le pays, Gantz et Lapid qui veulent être au pouvoir 2 ans chacun , réunissent moins de 45 sièges avec les travaillistes et les communistes .
    Leur seule chance c’est que Bibi soit trahi par les siens !
    «  Tu quoque mi fili «  a dit Cesar a Brutus .
    Laissons le peuple d’Israël faire son choix . Inutile d’enfoncer le même clou à éditorial continu!
    Faisons confiance aux électeurs israéliens et s’ils ne votent pas comme certains le veulent, et bien , on ne peut pas changer de peuple !
    André Simon Mamou
    Tribune Juive

    RépondreSupprimer