UN ALGÉRIEN NOUS PARLE DEPUIS ALGER
Par
Hamdellah ABRAZ
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Nous voulons à tout prix saluer
le courage de ce citoyen algérien qui prend le risque de nous parler de la
situation dramatique de son pays. Il le fait ouvertement, à visage découvert, sans
craindre de représailles dans cette atmosphère troublée faisant suite à l’élection
présidentielle. Nous tenons à le féliciter de la qualité d’un texte très
instructif et dramatique car il ne cache aucune réalité sur l’Algérie. Nous tenons
à le remercier de nous faire l’honneur de mêler sa signature à celle de Français
et bien sûr d’Israéliens. Hamdellah Abraz a réagi à notre article «Algérie
: Tebboune la marionnette de Gaïd Salah».
Succulent
article sur mon pays, l’Algérie et notamment sur l’événement, de ce jeudi 12
décembre 2019, qualifié par les occupants au pouvoir, indûment de «ÉLECTIONS»..
Que voulez-vous ??? L’on a appris à discerner des élections au sens vrai du
terme, celles que l’on trouve dans les pays démocratiques, de celles de la
tromperie, mascarade… qui a eu lieu ce jour donc et contre laquelle, les
populations algériennes ont répliqué par une grande et large abstention. Les
vrais chiffres de la participation ne dépassent pas 8,93 % au niveau national
avec principalement des 5% au Nord, quelques 10% à peine plus au Sud et surtout
0,02% et 0,12 % dans deux wilayas de Kabylie, et ce contrairement aux chiffres
avancés, de 41% au national, par le pouvoir.
Ce
pouvoir est le champion de la fraude ; certes dans ces pays du tiers monde, où
la démocratie et les libertés sont absentes, il n’est pas le seul… Mais l’on ne
peut qualifier d’élections ces supercheries électorales, sinon l’on est appelé à
dire que le sinistre mouvement terroriste Hamas serait sorti d’élections à Gaza
???
La
grogne des populations en Algérie s’est cristallisée depuis ce 22 février 2019
à ce jour, et ce sont des millions d’Algériennes/Algériens qui battent le pavé
dans des marches splendides et merveilleuses chaque vendredi et notamment pour
les étudiants de toutes les universités, chaque mardi, le tout dans un air de
joie et pacifique, en dépit de la violence d’État, gendarmerie, police qui
utilisent le blocage des routes, les barrages filtrant, des arrestations plus
de 500 personnes, dont des leaders connus de mouvements, des gaz lacrymogènes
et des tirs de balle de caoutchouc contre des manifestants pacifiques ; des
blessés, des gens éborgnés, et des morts dus à ces gaz, et aux balles de
caoutchouc… Des opposants, dans les geôles du pouvoir, sont morts en prison par
manque de soins notamment.
Votre
article est plein d’informations que l’on ne trouve nulle part, notamment sur
l’actuel chef d’État-major, nous dit-on, le plus vieux militaire du monde. Ce
responsable militaire, contrairement à ce qui est écrit dans l’article, ne peut
être «vétéran de l’ALN» car cette dernière, Armée de Libération
Nationale, ne peut concerner que les combattants de l’intérieur, les seuls à
avoir combattu sur le terrain et qui furent d’ailleurs presque décimés par les
différentes opérations militaires lancées par la puissante armée française,
principalement depuis l’arrivée du Général De Gaulle en 1958.
Ben Bella - Boumediene |
S’agissant
des militaires aux frontières, bien installés et au chaud, pour une bonne
partie d’entre eux, en Tunisie et au Maroc, leur participation à la guerre
54/62 est, nous dit-on quasiment superficielle, et leurs chefs militaires
notamment Boumediene, ont manœuvré de telle sorte d’être en force pour envahir
l’Algérie au lendemain de juillet 1962, munis d’une bonne artillerie et de
blindés flambant neufs, pour s’imposer sur ce qui reste comme combattants de
l’intérieur équipés au mieux de quelques MAT49 et autres armes légères. Nous
connaissons la suite, le pouvoir en Algérie fut pris de force par les
militaires, les planqués de Tunisie et du Maroc, et c’est la naissance,
l’origine, de tous les maux dont souffrent les Algériens à ce jour.
L’actuel
mouvement, le Hirak est considérable ; du jamais vu depuis 1962, (année de
départ des Français). Ce sont toutes les régions du pays qui sont concernées et
connaissent des manifestations principalement dans les chefs-lieux de wilaya
(département). La caractéristique de ces manifestations est que l’on trouve un
peu de tout le monde, des jeunes, le gros de la troupe, des moins jeunes, des
femmes avec ou sans voile, des gens de toutes colorations politiques à
l’exception des «kachiristes» appelés ainsi, les Algériens «collabos
du pouvoir» qui ont participé à un minable meeting dans la coupole du stade
5 juillet (Alger) quasiment presque vide. Cependant les pauvres participants de
soutien au pouvoir décadent, peu nombreux, ramenés pour certains de plus de 400
km à la ronde, ont eu droit à un casse-croûte, du pain et un morceau de kachir
(pâté), d’où l’appellation kachiristes.
Les
militaires, véritables détenteurs du pouvoir depuis 1962, qui ont su manœuvrer
notamment en mettant en scène de véritables intermédiaires, des rideaux, entre
eux ; les populations civiles se trouvent pratiquement nus car les rideaux
mis en place, se sont effilochés et sont devenus inopérants face aux
revendications de démocratie, de libertés et d’indépendance scandés par les «marcheurs,
manifestants». C’est vrai que les rideaux/intermédiaires, en l’occurrence
la toute puissante, lourde et suffocante administration de l’État, véritable
appareil bête et méchant, d’application d’oukases émanant des militaires ; le FLN
illégitime (l’ex parti unique) et plus tard son rejeton le RND (parti créé en
1995, pour suppléer au rejet du FLN illégitime vomi par toutes les populations)
et d’autres menus partis et organisations satellitaires. Ces rideaux, donc, ne
sont d’aucune utilité car balayés, broyés, par la prise de conscience des
populations qui scandent à tue-tête en arabe dialectal : «dawla
madania, machi aaskaria» (un État civil et non militaire).
Le
scrutin ou non-événement du 12 décembre est minable car les gens sérieux,
personnalités politiques de partis d’opposition et autres, ne voulaient en
aucun cas se porter candidat afin de ne pas se salir en s’associant à la
mascarade du scrutin concocté dans le laboratoire des militaires. Au lendemain
de la supercherie électorale, les manifestations ont continué avec d’ailleurs
plus de mordant contre le pouvoir et le nouveau chef de l’État, que tout un
chacun sait, n’est qu’un pantin entre les mains de l’appareil militaire.
La
sortie de crise, déjà proposée par le mouvement Hirak, dès les débuts de la
contestation nationale, consiste à mettre en place une équipe de gens
compétents et propres, non apparentés ni au pouvoir ni aux partis politiques en
place, à l’effet d’assurer une transition et de mener en fin de course (quelques
mois), la refonte de la Constitution, la mise en place d’une entité indépendante
chargée d’assurer des élections, réellement élections, et enfin une Justice
indépendante.
Devant
l’entêtement du pouvoir illégitime en place, dans sa tentative de passer ses
pseudo-réformes par la force, il ne restait plus aux populations que la
continuation de la lutte et le combat qui se font, jusqu’à présent, par des
marches pacifiques. Cependant des partis politiques de gauche et du centre
gauche, sociaux-démocrates, ont déjà mis en place un rassemblement sous
l’appellation «PAD, pacte de l’alternative démocratique» qui regroupe
les partis démocratiques le RCD, le FFS dont l’ancrage est important en
Kabylie, le Parti des Travailleurs - PT, le MDS mouvement démocratique et
social et des personnalités indépendantes et d’associations comme la Ligue des Droits
de l’homme.
Le PAD qualifie d’ailleurs «la
présidentielle, d’un coup de force, de mascarade» » et réitère «la
nécessité d’aller vers une transition démocratique via un processus
constituant, un des axes fondamentaux du PAD» et appelle «les Algériens
à continuer à se mobiliser de manière pacifique et unitaire, mais aussi à
amplifier leurs revendications».
Merci
à vous pour l'intérêt que vous portez à mon pays. En fait d'islamistes,
c'est-à-dire l’islam politique, ils ont toujours été à l’affût ; pas plus
d’ailleurs que sous d’autres cieux, y compris en Occident. S’agissant de mon
pays, l’on peut dire qu’il est en moindre importance qu’ailleurs, tout
bonnement parce que les populations algériennes ont fait leur «primo
infection» car elles vécurent cette catastrophe interne déclenchée par le
terrorisme, le visible, celui des islamistes, durant une guerre civile
meurtrière.
La
guerre civile de la décennie noire 1992/2000, s’est soldée, nous dit-on, par
200.000 morts et d’immenses dégâts matériels et surtout les séquelles
psychologiques ne s’effaçant qu’au bout de 2 à 3 générations. Les gens
globalement font maintenant la différence entre la religion et l’islam
politique ; bien que cela ne soit pas acquis pour toujours. Les islamistes ont
profité d’une certaine, appelons-la, complicité, complaisance et/ou duplicité
des pouvoirs en place qui voient en ce courant rétrograde et fascisant le
meilleur rempart contre la démocratie, les libertés revendiquées par de larges
courant de progrès et d’ouverture sur le monde.
En
dépit de la violence, si les islamistes n’ont pas pu faire main basse sur la
direction du pays, c’est notamment et principalement parce qu’une partie
importante de l’Algérie, les Algériens utiles, avaient dressé un rempart contre
eux. Les civils de ce rempart étaient là, debout un peu partout notamment en
grande concentration tant à Alger qu’en Kabylie pour faire barrage à l’hydre
terroriste. En d’autres termes, si l’appareil militaire avec ses armes a pu
faire face aux hordes islamistes armées et parfois bien armés, c’est qu’en même
temps dans tous les recoins déterminants du pays, des femmes et des hommes, les
civils, furent là debout à y faire face, avec leurs bras, leurs plumes et par
moment avec quelques armes légères pour certains.
Le
Peuple algérien debout, le Vrai Peuple, est à la base de l’échec des islamistes
dans leur version violente, dans leur dessein de prise de pouvoir. Cela étant,
la partie n’est pas terminée et ne se terminera pas, encore une fois, non
seulement en Algérie, mais même ailleurs sous d’autres cieux.
Le
Hirak, ce profond mouvement de contestation draine tous les courants, donc y
compris les islamistes, se réclamant contre le pouvoir en place. Cependant, il
est trop tôt d’apprécier et/ou de qualifier leur participation aux
manifestations populaires ayant démarré ce jour du 22 février 2019 en Kabylie.
Les manifestations sont l’expression d’un ras le bol général des simples
populations, dont certaines parmi elles, furent hier, les terreaux de
l’islamisme.
Par
ailleurs l’islamisme a fait l’objet en maintes fois, d’une instrumentalisation,
une manipulation par le pouvoir en place. N’a-t-on pas vu durant les années
1980, le pouvoir sous le règne de feu Chadli, (chef de l’état – 1979/1992)
faisant appel à des sommités des Frères musulmans leur ouvrant les médias
notamment la télévision (le cas de Ghazali, fuyant son pays, l’Égypte).
Ainsi,
autant le répéter, l’islamisme est là à l’état naturel, brut, comme l’uranium,
pour lequel il suffit de mettre en place des «centrifugeuses» nous
dit-on, pour obtenir un produit dangereux ; ainsi donc, pas de centrifugeuses, pas
d’islamistes. Enfin le danger numéro un actuellement pour l’Algérie se situe au
niveau du régime en place, qui en maintes occasions, fit appel à l’intégrisme
religieux pour créer de la diversion au sein des populations afin de barrer la
route aux revendications légitimes de démocratie et de libertés.
Pour
conclure il est faux de croire que l’on peut combattre l’intégrisme,
l’islamisme par le maintien des populations hors champs des droits des
individus, de libertés et du progrès social, mais au contraire, il faut y aller
vers le même cheminement qu’a connu cette Europe principalement chrétienne où
l’intégrisme religieux fut dominant, oppressant et destructeur. Donc le danger
n’est pas la religion, mais les hommes instrumentalisant cette religion.
Un Homme sage. Un plaisir de ses analyses
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RépondreSupprimerMerci Monsieur de nous éclairer sur l’Algérie dont finalement la censure qui y perdure nous tient à l’écart de ses réalités.
J’ai lu Boualem Sansal et je retrouve en vous son courage de dénoncer ce qui se passe dans votre pays.
“Le silence des intellectuels est le vecteur le plus fort de l'islamisme. Ils portent en effet une responsabilité lourde : en se dérobant à leur fonction sociale qui est d'expliciter à leur société les enjeux auxquels elle est confrontée, ils livrent la population et notamment les franges les plus fragiles, les jeunes, au chant de l'islamisme et du bazar ou à la corruption et au despotisme des pouvoirs arabes.”
Gouverner au nom d'Allah. Islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe
Bien à vous.
Monsieur,
RépondreSupprimerJe tiens moi aussi, à vous remercier pour cet article sur votre beau pays que j'ai connu en 1963-64, lorsque mon mari - médecin-aspirant exécutant son service militaire au titre de la coopération - a fait partie de l'équipe qui a rendu au FLN les clés de l'hôpital Baudens d'Oran, puis de celui de l'hôpital Maillot d'Alger.
A votre article, il faudrait cependant ajouter que la situation économique est à ce point dégradée qu'elle pourrait aussi expliquer cette profonde crise politique.
En tous cas voici ce qu'en disait Dalia Ghanem, chercheuse au Carnegie Middle East Center, publié par Le Monde en septembre 2019 :
« Avec une économie rentière fondée sur les exportations d’hydrocarbures, qui représentent 95 % des revenus en devises et plus de 60 % des recettes fiscales, la marge de manœuvre des dirigeants est limitée. Le recours à la planche à billets n’a fait que retarder l’échéance en plus de permettre plus ou moins à l’Etat de faire face à ses engagements internes – paiement des créditeurs, entreprises de construction… Le tableau dressé par le FMI montre que la situation économique se dégrade inexorablement : les réserves de change sont passées de 194 milliards de dollars en 2013 à 72 milliards en avril 2019. Ce qui reste pourra couvrir à peu près treize mois d’importations alors que l’Algérie importe 70 % des produits qu’elle consomme. »
En vous souhaitant le meilleur, pour vous et pour l'Algérie.