LA FRANCE RENOUE AVEC ISRAËL DANS LE DOMAINE MILITAIRE
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Probot de Roboteam |
Il fut un temps où les relations
industrielles dans le domaine militaire étaient étroites entre la France et
Israël. Mais le temps des Mirage des années 1960 est dépassé car la France lorgne
la ligne de sa balance commerciale ; elle préfère donc un marché de 200
millions de Musulmans plutôt que de neuf millions d'Israéliens. Si cela se comprend à la rigueur économiquement, cela ne peut pas être le cas politiquement car on ne peut pas se cantonner à un raisonnement mathématique.
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Drone Eitan |
A un certain moment, en 2011, on pensait que l’embargo sur les armes imposé par le président de Gaulle, allait être levé. Le ministère français de la Défense avait alors envisagé d'acheter des véhicules aériens sans pilote d'Israël, le drone Heron TP ou Eitan, conçu entre autres par le Français David Harari, prix d’Israël, qui avait fait son alyah en 1970. Israël était prêt à faire une exception en vendant pour la première fois le drone à un pays étranger. Les Etats-Unis en avaient d’ailleurs autorisé la vente aux pays alliés.
L'Eitan
est le drone le plus grand et le plus sophistiqué fabriqué en Israël, capable
d'effectuer des missions de reconnaissance et de renseignement à une altitude
allant jusqu'à 40.000 pieds et pouvant rester en vol pendant 36 heures. La
grande taille d'Eitan lui permet de transporter une variété d'équipements tels
que des radars, des capteurs, des caméras et, théoriquement, des missiles. Israël a passé l'éponge sur cet embargo qui la conduit d'abord à acheter des avions américains
et ensuite à accélérer le développement de sa propre industrie militaire. Israël a développé
ses propres chasseurs, l’Aigle totalement dérivé du Mirage, puis le Kfir et enfin
le Lavi qui ont été interdits à la vente par les États-Unis qui craignaient la
concurrence israélienne.
Alors
Israël s’est tourné vers une industrie nouvelle, en avance par rapport aux
Américains. Il s’est concentré sur les drones pour devenir un acteur de premier
plan dans le domaine des véhicules aériens sans pilote. En juillet 2011 et après des années de collaboration discrète, la France avait signé un contrat de 500 millions de dollars pour l'achat de drones israéliens. Mais l’ouverture
politique d’Israël avec les pays arabes n’était pas encore en marche et la France
ne pouvait insulter son avenir économique en se brouillant avec ses meilleurs
clients arabes. Alors, pour des raisons strictement politiques, la vente de
drones israéliens ne s’est pas réalisée. Mais à ce jour il existe toujours un
bureau français de représentation des industries Dassault au sein des
industries aéronautiques, en prévision d’une éventuelle reprise de la
collaboration commune.
General Karl Müllner chef de l'aviation allemande en Israël |
L’Allemagne
qui reste très pragmatique et qui politise rarement ses relations économiques,
vient de décider de louer pendant neuf ans cinq drones MALE israéliens pour
plus d’un milliard d'euros. Un contrat juteux pour Israël. Mais l’originalité
tient dans le fait que les Heron TP resteront basés en Israël. L'armée
allemande aura donc une implantation permanente en Israël pendant la période de
leasing sachant que trois des cinq drones seraient armés en permanence.
Le
contrat intègre le maintien en condition opérationnel (MCO) des appareils, la
formation de 85 militaires allemands dans le cadre d'un accord-cadre bilatéral
et, enfin, l'utilisation de l'espace aérien israélien et de la base de Tel Nof
où seront cantonnés les drones. Il s’agit d’une grande ouverture pour de futurs
achats d'armements, en particulier de missiles. Le partenariat stratégique
entre l'Allemagne et Israël devient effectif.
La
France a donc décidé de renouer avec Israël car elle ne pouvait pas exclure la
haute technologie de ses équipements militaires alors que ses interventions extérieures
prennent de plus en plus d’importance. Elle ne pouvait pas rééditer l’échec du
Mali avec la mort de 13 officiers dans un accident d’hélicoptères, par manque
de drones en opération militaire. En juillet 2019. le ministère des Armées, via
son Agence de l’innovation de Défense (AID), rattachée à la Direction générale
de l’armement (DGA), avait lancé un
appel d’offres afin de pouvoir déployer cinq robots mule en opération
extérieure en 2020, à des «fins d’essais et d’expérimentation», terminologie
pour garder une liberté d’action.
Le
robot a une fonction principale de type «mule» d’une capacité de charge
de 400 kg à 800 kg, qui permet aux fantassins de se décharger d’une partie de
leur paquetage, afin de gagner en mobilité. Il peut aussi remplir des missions
connexes de ravitaillement de munitions ou d’alimentation, ou de liaison entre
deux groupes distants. Le robot a aussi des fonctions d’observations et de
reconnaissance tout en étant contrôlé à distance et tractable sur des véhicules
de l’armée de Terre.
Une
exigence de politique commerciale cependant ; la commande n’était ouverte qu’aux
opérateurs économiques de l’Union européenne. Trois candidats s’étaient fait
connaître ; l’estonien Milrem Robotics, le français Sharks Robotics et le
tandem formé par Arquus et l’institut de recherche franco-allemand Saint-Louis.
Aucun des trois n’a été retenu. Roboteam a été choisi. En effet, pour pouvoir entrer dans la course européenne,
l’israélien Roboteam, s’est associé au français Gaci Rugged Systems, un
sous-traitant qui travaille régulièrement avec Thales et Dassault Aviation.
Malgré
la colère des industriels français, l’AID a choisi de commander à Roboteam 5 à
8 robots militaires terrestres Probot, au prix d’un million d’euros, destinés à
être déployés au Sahel. Ces engins ou «mules», permettant le transport
de matériel et l’évacuation de blessés, doivent être déployés au Sahel au cours
de l’été 2020 pour aider l’armée française dans le cadre de l’opération
Barkhane, en appui des troupes au sol.
RoboteamTel-Aviv |
Mais
l’administration française ne comprend pas qu’on ait préféré un Israélien à un
industriel français de l’armement. En fait Roboteam a été créé par des ingénieurs israéliens et son siège est à Tel-Aviv mais pour des raisons de main d’œuvre et de débouchés internationaux, son unité de production est basée aux États-Unis. Son Conseil d’administration compte
deux anciens officiers généraux américains et une ex-responsable du Pentagone
sous l’ère Obama.
Le général de division Cleveland a rejoint le conseil de
Roboteam. Ancien chef d'État-major du commandement des opérations spéciales de
l'armée américaine, ancien commandant des forces spéciales aéroporté, il a
dirigé l'invasion initiale dans le nord de l'Irak et réussi à commander une
force de plus de 70.000 combattants américains et kurdes. Pour s’ouvrir au
marché asiatique Feng He Fund Management, implanté à Shangaï et à Singapour,
fait partie de ses actionnaires.
Général Cleveland |
Les
militaires français estiment que le Probot a des performances techniques
inférieures à celles de ses concurrents mais son prix, le quart des autres,
défie toute concurrence. Cependant, ils accusent les Israéliens de faire du dumping.
En fait le directeur général de Gaci Rugged Systems, Joël Collino, assure que
la fabrication du Probot se fera dans ses usines. Par ailleurs le contrat
garantit «l’accès aux sources de conception pour que nos bureaux d’étude
puisse apporter des améliorations ou modifications à ce robot conçu par
ROBOTEAM et qui est, pour le marché français, fabriqué par nos soins».
Il
est certain que la France sera dorénavant moins frileuse quand il s’agira de
collaboration avec les industries militaires israéliennes. Il est surtout
certain que lorsque le Quai d’Orsay ne met pas son grain de sel, alors les relations
entre la France et Israël tendent vers la normalité.
Merci pour cet article bien documenté. J'ai apprecié la chute finale concernant le quai d'Orsay. On dit que trois corps d'Etat restent proches (euphémisme d""amis) avec Israel :l'armée, la police et ... les pompiers!
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