PROVOCATIONS NUCLÉAIRES IRANIENNES
Par Jacques BENILLOUCHE
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Général Abolfazl Shekarchi |
On peut certes considérer les déclarations
de l’Iran comme des fanfaronnades pour tenter de faire lever les sanctions
appliquées par Donald Trump, mais à la fin il faudra bien en tenir compte. Il
s’agit surtout pour les Iraniens d’user de la méthode Coué, une forme
d'optimisme volontaire mêlé ou non de déni du réel, pour rassurer une
population qui s’inquiète d’une attaque éventuelle américaine ou israélienne. Il
ne se passe pas de jour sans une déclaration belliqueuse d’un chef militaire
iranien, accompagnée de menaces non voilées à l’encontre des États-Unis et de
leurs alliés, accusés d’avoir unilatéralement rompu l’accord nucléaire
de 2015.
Ali Akbar Salehi |
C’est
pourquoi l’Iran multiplie les annonces de nouvelles
violations de l’accord signé avec les puissances mondiales. Selon le
général Shekarchi, porte-parole des forces armées iraniennes
: «Tout lieu et toute partie d'un territoire qui héberge les intérêts des
États-Unis et de leurs alliés sera menacé et la République islamique a prouvé
qu'elle était en mesure de le faire. Même si un pays ne participe directement à
aucune guerre possible mais que ses territoires accueillent l'ennemi, nous
considérons ce pays comme un territoire hostile et le traiterons comme un
agresseur. Nous n'avons pas l'intention d'envahir un pays, mais si l'Iran est
agressé par des ennemis, il devra faire face à une réponse irréparable et
historique. Cela les fera regretter».
Ali Akbar Salehi, président de
l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA), a révélé que l’Iran avait
développé un prototype de centrifugeuses 50 fois plus rapides que celles autorisés
par le Plan d'action global commun signé en 2015. Il exploite actuellement
60 centrifugeuses avancées IR-6, soit le double du nombre dont l’Iran
disposait, en violation de l’accord nucléaire. Si les États-Unis sont sortis de
l’accord nucléaire, la Chine, la France, la Russie, le Royaume-Uni, l'Allemagne
et l'Union européenne restent attachés au plan d'action global commun.
Centrifugeuses en Iran |
L’Iran a dépassé le niveau
d’enrichissement nucléaire fixé par l’accord et avec les centrifugeuses
avancées, l’Iran aura bientôt assez de matériel pour construire une arme
nucléaire. Selon le président de l’OIEA, le Dr Ali Akbar Salehi, le
niveau de production de l’uranium avait décuplé : «En
seulement deux mois, 15 centrifugeuses nouvelle génération ont été lancées.
C’est une belle réussite et nous sommes aujourd'hui témoins du lancement
d’une cascade de 30 centrifugeuses IR6». Il avoue que l’OIEA n’avait jamais cessé ces
activités «sinon, en seulement deux mois, nous n’aurions pas pu augmenter
de plus de 2.660 UTS (unité de travail de séparation) notre capacité
opérationnelle qui s’estime à 6.000 UTS. Notre capacité a atteint aujourd’hui
les 8.660 UTS et notre production d’uranium, qui avant la 3ème étape
de réduction de nos engagements était estimé à environ 450 g par jour, a
dépassé aujourd’hui le niveau de 5 kg par jour». Il prouve ainsi qu’il est
difficile de faire confiance aux engagements de l’Iran.
Usine nucléaire en Iran |
Ces
déclarations peuvent être simplement des menaces pour prouver la «capacité et la
détermination» sans qu’il y ait une réelle avancée technique. Le 2 octobre, le guide suprême de la révolution islamique,
l'ayatollah Ali Khamenei, avait déclaré que l’Iran continuerait de réduire ses
engagements dans le cadre de l'accord sur le nucléaire. Mais il s’adressait
surtout à l’Europe dont il condamne la lenteur à sauver les intérêts de l'Iran.
Il a précisé que ses mesures seraient
réversibles lorsque l'Europe trouverait des moyens pratiques de protéger
l'économie iranienne des sanctions américaines unilatérales.
Ali Rabiyee |
Le porte-parole du
gouvernement iranien, Ali Rabiyee, a précisé que son pays était déterminé à prendre
les mesures qui s'imposaient pour modifier ses engagements en matière
nucléaire, à moins que les Européens ne s'acquittent de leurs obligations en
vertu du Plan d'action global commun (JCPOA) : «Si les engagements des
Européens sont pleinement mis en œuvre, nous nous rapprocherons également de ce
que nous avions dans l'accord sur le nucléaire. Notre objectif final est la
mise en œuvre complète de l'accord sur le nucléaire ; nous n'avons pas modifié
nos engagements de retrait de l'accord sur le nucléaire, mais ils ont pour
objectif de ramener l’autre partie à respecter les engagements pris dans le
cadre de son accord sur le nucléaire. Notre avancée vers la troisième étape
dépend du respect des engagements de l'autre partie et de la satisfaction de
Téhéran quant au respect des obligations contractées par les Européens». Les responsables iraniens avaient auparavant
averti que l'échec de l'Union européenne à fournir le terrain nécessaire pour
que Téhéran puisse profiter des avantages économiques de l'accord nucléaire
épuiserait la patience du pays.
Le président iranien Hassan Rohani a
annoncé que l’Iran allait reprendre ses activités d'enrichissement d'uranium
dans son usine de Fordo (à quelque 180 km au sud Téhéran) gelées depuis
l'entrée en vigueur de l'accord international sur le nucléaire iranien de 2015.
En fait l’accord nucléaire est déjà mort.
Cette constatation mène Israël à
plus de prudence et de prévoyance. Il n’est pas illusoire que, dans une fuite
en avant, l’Iran attaque Israël, par mercenaires
interposés, de la même manière qu'il a attaqué les champs de pétrole en Arabie
Saoudite sans revendiquer la paternité. C’est
pourquoi, Tsahal a pour objectif permanent d'améliorer le système de défense
aérienne pour contrecarrer toute aventure militaire iranienne. Si l’Arabie a
été touchée, bien que l’Iran nie en être l’auteur, il n’est pas impossible
qu’Israël puisse subir une frappe iranienne.
Tsahal a analysé les détails de l’attaque
contre l’Arabie, impressionnante certes, mais qui aurait peu de chance de
réussir contre Israël en raison des moyens de défense mis en œuvre en
permanence et surtout les moyens de réactivité qui transformerait certaines
régions d’Iran en champs de ruines. Il est un secret pour personne qu’un
sous-marin israélien, muni de missiles, est en permanence posté au large des
côtes iraniennes comme menace et comme avertissement aux Iraniens de ne pas
commettre l’irréparable.
Mais
Israël doit tenir compte du changement stratégique de l’Iran qui a investi de
manière permanente en Irak en y développant l’implantation de ses milices
chiites. Le risque viendrait donc d’Irak ce qui explique que de nombreuses
frappes, non revendiquées par Israël, ont été lancées contre ces mercenaires
pour les neutraliser. Pour l’instant,
l’aviation israélienne contrôle le ciel irakien en raison de la faiblesse des
moyens de défense. Mais si Israël sait se défendre contre les missiles balistiques
qui volent à haute altitude, il mesure le danger des missiles de croisière et
des drones qui volent plus bas et qui sont plus difficiles à détecter.
Ainsi le chef d’État-major Aviv
Kohavi a répondu aux menaces des généraux iraniens : «Nous ne
permettrons pas une attaque contre Israël et si cela se produit, nous réagirons
avec force. Nous gardons les yeux ouverts, procédant à des évaluations
quotidiennes de la situation et prenant des décisions professionnelles qui
conduisent à des attaques et à la neutralisation des menaces». Mais
le seul risque non prévisible est une action suicidaire de l’Iran qui
entraînerait une déflagration totale dans la région. Il ne faut pas attendre une réaction forte des Européens. Il suffit de lire la déclaration molle du Quai d'Orsay : «Avec l'Allemagne, le Royaume-Uni et le service européen d'action extérieure, nous avons exprimé à plusieurs reprises notre profonde préoccupation au sujet des annonces et actions récentes de l'Iran contraires à ses engagements au titre du Plan d'Action Global Commun».
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