LES ISRAELIENS ONT LES DIRIGEANTS QU'ILS MERITENT
Par Jacques
BENILLOUCHE
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© Temps et Contretemps
Netanyahou est dans son droit quand il exploite toutes les ficelles politiques pour empêcher la formation d’un gouvernement dirigé par Benny Gantz. En effet, le poste de premier ministre lui garantit l’immunité judiciaire. Et si Gantz échouait, ce qu’il espère, de nouvelles élections auront lieu en mars 2020 et les délais de constitution d’un gouvernement lui assureraient sa place au moins jusqu’en avril de quoi faire du chiqué au Procureur de l’État. C’est l’objectif recherché.
L’intérêt du pays qui sera pendant près de deux ans sans
gouvernement et sans budget lui importe peu puisque seule sa condition
personnelle est au sommet de ses préoccupations. Avec 25,1% de voix obtenues en
septembre malgré l'apport de Koulanou et de Zehut, après 26,46% en avril, loin de la majorité qualifiée, il est arrivé à bloquer le processus
politique. C’est très adroit de sa part et nul ne peut le blâmer de tenter des manœuvres peu glorieuses mais légales. Il prouve qu’il est
expert en combine électorale. Mais c'est un mauvais perdant qui veut rester au pouvoir, coûte que coûte, comme un dictateur d’une république bananière. Dans les autres pays, les perdants tirent les conséquences et laissent leur place, souvent à un membre de leur parti.
Parce
que Ayelet Shaked avait fait part d’une velléité de rejoindre Lieberman puis
Gantz, alors il a vite offert à Naftali Bennett le poste qu’il lui a toujours
refusé après l’avoir neutralisé comme ministre de l’Éducation nationale, un ministère
sans envergure internationale, ni sécuritaire. Mais cette nomination au
ministère le plus important est purement politique car Bennett est néophyte à
la défense. Netanyahou prend le risque de toucher à la sécurité du pays
à un moment très difficile de son histoire car Israël est confronté à de nombreux défis nécessitant à la tête des services sécuritaires un dirigeant expérimenté. Il a dû plier pour verrouiller toute la droite nationaliste, à son profit, afin qu'elle ne sombre pas dans la tentation ministérielle aux côtés de l’opposition.
Mais c’est au prix d’une fragilisation de tout l’appareil des armées.
Bennett a accepté un poste qu'il a obtenu par défaut, sous la contrainte d'un premier ministre aux abois. C’est pourquoi le ministre et ancien général de division Yoav Galant s’est ouvertement opposé à cette nomination. Il est vrai que le ministère lui revenait de droit. Mais il se serait grandi en quittant le parti avec ses amis de Koulanou dont certains n'avaient pas apprécié la fusion avec le Likoud.
Yoav Galant |
Bennett a accepté un poste qu'il a obtenu par défaut, sous la contrainte d'un premier ministre aux abois. C’est pourquoi le ministre et ancien général de division Yoav Galant s’est ouvertement opposé à cette nomination. Il est vrai que le ministère lui revenait de droit. Mais il se serait grandi en quittant le parti avec ses amis de Koulanou dont certains n'avaient pas apprécié la fusion avec le Likoud.
Cependant les dirigeants du Likoud font preuve d’un manque de courage désolant ; de vrais
petits chiots de leur mémère sans envergure, se courbant à chaque froncement de
sourcil du maître. La faute leur incombe entièrement parce qu’ils n’arrivent
pas à se libérer de l’emprise d’un seul homme qui les a menés à l’échec deux
fois de suite, en laissant des plumes à chaque élection. Ils refusent de
s’affranchir de leur dépendance vis-à-vis de celui qui cumule quatre ministères
pour ne pas leur donner l’occasion de s’affirmer et d’apparaître à la lumière au
risque de lui faire de l’ombre.
Comment peut-on ne pas être déçus de dirigeants
aux ordres. Ils ne méritent pas le pouvoir car pour l’exercer, il faut avoir
certes des idées mais être téméraire à l’égard des autres
responsables politiques et surtout à l’égard des dirigeants internationaux. En étant aux ordres exclusifs d’un seul homme, fusse-t-il Netanyahou, ils se courberont devant les
ennemis d’Israël qui sont autrement plus puissants et plus irréductibles. Il
n’est pas possible de confier les rênes du pays à des gens qui ne font preuve
d’aucune indépendance politique.
Parce
que Netanyahou a régné sans partage pendant dix ans, il n’a laissé émerger
aucune valeur montante de son parti en donnant l’impression que le Likoud
n’abrite que des incapables et que personne d’autre que lui peut conduire le
pays. Les députés élus sont des moutons qui imitent le chef sans se poser de
questions, qui le suivent instinctivement pour se fondre dans un mouvement
collectif sans exercer d’esprit critique et sans faire preuve d'intelligence, la véritable qualité d'un être humain, voire d’un dirigeant
politique. Ainsi, ils observent le blocage sans intervenir pour arbitrer une solution de compromis favorable à tout le pays. Pas une tête ne
doit dépasser.
Le nouveau Likoud |
Alors
oui, on peut être déçu, non pas de Netanyahou qui joue son va-tout avec
dextérité mais de tous ces pleutres qui l’entourent et qui n’osent pas lever la
tête pour secouer enfin le cocotier. Des bruits ont circulé que certains
n’approuvaient pas cette politique de blocage ; mais ils se sont tus.
D’autres ont affiché un appel à Gideon Saar pour reprendre le flambeau. Mais
tout est resté dans l’illusion d'une affiche parce que la menace de Netanyahou était permanente. On ne peut pas nier que le premier ministre est un expert politique à qui on doit tirer
le chapeau. Il sait toujours rester dans les clous en faisant usage judicieusement des Lois fondamentales de l’État pour exploiter
toutes les possibilités qui lui sont offertes.
Alors,
pourquoi se faire de la bile pour les défavorisés qui vivent en dessous du
seuil de pauvreté puisqu’ils votent en majorité pour le Likoud ? Pourquoi
se plaindre de discrimination envers les Orientaux alors qu’ils adoubent Netanyahou,
le seul à pouvoir «casser» de l’Arabe ? Pourquoi se faire de la
bile pour les habitants frontaliers de Gaza qui sont les premiers à recevoir
les missiles et qui ont voté à plus de 40% pour le Likoud alors que Netanyahou
n’a jamais mis les pieds dans leurs villes pour les soutenir sous prétexte
qu’il existait un danger vital pour le premier ministre de l’État ? Pourquoi se
plaindre du coût de la vie alors que le gouvernement se complaît dans sa vision
libérale de l’économie ? Pourquoi se plaindre de la fuite de cerveaux vers
les États-Unis et l’Allemagne où les conditions de vie sont nettement
meilleures et où l’on se loge dans la capitale à moins de 4.000 shekels (1.000 euros), avec
des salaires doublés ? Pourquoi se plaindre que dans certains hôpitaux il
faille attendre une ou deux journées dans les urgences avant de pouvoir être
soignés au risque d’y passer avant ? Pourquoi se plaindre que le
gouvernement brade aux Chinois les bijoux de famille et les fleurons de l'industrie que sont l’industrie
chimique, Agan à Ashdod, et l’industrie laitière Tnuva au point de manquer en Israël de
la base essentielle de la nourriture des «pauvres», le beurre ?
Tnouva |
Les
ministres sont tétanisés de crainte de décevoir le chef et de perdre leur
sinécure. Alors ils se terrent dans leurs bureaux et ne
prennent aucune décision frontale. Moshé Kahlon avait émerveillé ses militants
lors de sa campagne électorale avec son projet de distribuer des terres
domaniales pour des constructions à bon marché. Mais il n’a rien fait car il ne
pouvait pas s’opposer à la politique libérale du gouvernement ni aux monopoles
immobiliers mais surtout au chef du gouvernement, partisan d’une politique
ultra libérale. Parce qu’ils n’ont pas d’autonomie, les ministres sont
statiques, ne modifient rien, ne révolutionnent rien et s’appuient sur les
acquis souvent désastreux. Ils se contentent d’émarger au budget de l’État en
toute quiétude.
Alors,
advienne que pourra ! Le pays a les dirigeants qu’il mérite et nul ne
cherche à innover. Le peuple est habitué à subir. Marche ou crève !
Tout est dit. La plus grande crainte aujourd'hui est celle de l'abstention des dégoûtés et je pense même que c'est stratégiquement ce que souhaitent ceux qui sont en place.
RépondreSupprimerCher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerJe ne sais pas si cela vous consolera, mais je n'ai pas encore entendu dire que vous subissiez des manifestations où l'on scande : "Allah akbar" dans les rues de Tel-Aviv, comme hier dans les rues de Paris !
Très cordialement.
Tous les peuples qui vivent en démocratie ont les dirigeants qu'ils méritent - Comme le disait Churchill : "la démocratie est la pire des gouvernances, mais il n'y a pas de meilleure !"
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