ET MAINTENANT EN ISRAËL…
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Netanyahou et Mandelblit |
C’est
une journée triste que subissent le premier ministre Netanyahou et l’État d’Israël,
une situation dramatique inédite qui intervient alors que la situation
politique est bloquée depuis une année, après deux élections législatives stériles.
Benjamin Netanyahou a été mis en examen pour corruption, fraude et abus de confiance, par le procureur général de l’État, Avichai Mandelblit, qui a
expliqué succinctement à la télévision les charges principales contenues dans les dossiers.
-Enfin il est finalement arrivé - Qui ? Le gouvernement d'unité |
Avichai
Mandelblit était un juriste obscur au sein de l’armée. C’est Netanyahou qui a
décidé de le mettre à la lumière en 2013 en le nommant Secrétaire de son Gouvernement
jusqu’en 2016, date à laquelle le premier ministre le désigne Procureur général
de l'État. Mandelblit est véritablement une créature du premier ministre a qui
il doit tout. Il ne peut donc être suspect de «gauchisme» au service d’officines
occultes. Il faut lui tirer le chapeau car, dans sa mission difficile, il a tenu
à servir la justice malgré son amitié pour Netanyahou. Il fait honneur à sa
fonction et a su résister à toutes les pressions venant du Likoud même s'il a attendu le désistement de Gantz pour lancer l'inculpation. Il a
expliqué que sa décision était «une responsabilité et non pas un choix»
Sans
vouloir prendre position dans un dossier difficile, cela parait surnaturel d’accuser
le procureur de fomenter contre le premier ministre un putsch. Lorsqu’un pays n’a plus
confiance dans sa police, dans son armée et dans sa justice alors c’est que l’État
de droit est bafoué et qu’il vit sous le régime de la dictature. Lorsque le
premier ministre attaque deux institutions comme la justice et la police alors
qu’il en est le garant par sa fonction, c’est que la démocratie est malade. Si un juriste de Tsahal disposant du grade de général, par ailleurs ancien secrétaire du gouvernement et aujourd'hui Procureur général, est un pourri comme
le prétend Netanyahou, alors c’est à désespérer de l’État d’Israël et nous n’aurions
plus rien à faire dans ce pays.
Il
ne nous appartient pas de prendre position, notre rôle se borne à mettre un
bulletin de vote dans l’urne. Au-delà, les députés élus doivent prendre leur
responsabilité. Netanyahou a décidé de se maintenir à son poste et
éventuellement de se présenter aux nouvelles élections. C’est son droit absolu
puisque, à l’exception des députés et des ministres, le premier ministre n’est
pas tenu de démissionner quand il est inculpé. A la rigueur il hypothèque les chances de son parti pour le prochain scrutin.
Mais la question se pose de sa
disponibilité pour assurer sa défense ardue tout en assurant les prérogatives
de sa fonction. Par ailleurs un premier ministre mis en examen sera dévalué vis-à-vis
de ses partenaires étrangers. Le Likoud prend sa responsabilité. On entend déjà
les idolâtres francophones, dévoués au culte du chef infaillible, trouver des
arguments pour traiter le procureur «d’homme de gauche» et justifier ainsi l'inculpation.
Après
les échecs de Benjamin Netanyahou et de Benny Gantz pour former un
gouvernement, les règlements de compte sur fond de récriminations personnelles
vont animer les 21 prochains jours. Les raisons des échecs vont être analysées
et les «coupables» éventuels seront désignés à la vindicte populaire. Israël
entre dans une situation de turbulence inédite qui a vu pour la première fois
deux candidats échouer.
Benny Gantz vient de renoncer en rendant son mandat au
président Réouven Rivlin : «J'ai soulevé chaque pierre pour tenter de
former un gouvernement d'union nationale libérale mais Netanyahou a privilégié
ses intérêts personnels aux dépends des intérêts du pays et il devrait se
rappeler que nous sommes encore en démocratie et que la majorité du peuple a
voté pour une politique différente de la sienne et ne peut être l'otage d'une
minorité extrémiste».
La
Knesset a 21 jours pour choisir le nouveau premier ministre capable de réunir 61
signatures de députés sur son nom. On voit mal qui pourrait être désigné sans
l’imprimatur de Netanyahou et de Gantz car rien n’a changé dans les esprits et
dans les volontés. La décision judiciaire qui vient d’être prise pourrait débloquer
la situation au sein du Likoud qui piaffe d’impatience pour organiser des élections
internes. Certains députés osent reprendre leur indépendance et s’affirmer. De
toute façon, le règlement interne du parti impose la tenue de primaires avant
chaque élection législative, règle à laquelle s'oppose pour l'instant Netanyahou.
Yoav Kish |
Le
député Yoav Kish (Likoud) exige des primaires pour désigner la nouvelle
direction du Likoud et s’oppose à ceux qui au Likoud veulent les annuler :
«Je ne peux pas voir une situation où les primaires ne sont pas tenues pour
trouver un nouveau leadership pour le parti, nous sommes un parti démocratique,
c'est la base de ce parti. Il y a des députés qui veulent se présenter en tant
que leader». Il n’a pas précisé pour qui il voterait. Il s’oppose ainsi à
Netanyahou qui refuse les primaires pour rester le seul candidat du parti.
Gideon Saar |
Gidéon
Saar sort enfin du rang car lui-aussi appelle à la tenue d'élections internes mais
en plus, il se porte candidat. Il estime qu’il peut «former un gouvernement
et unir le pays et la nation. Nous devons fixer un calendrier pour la tenue des
primaires. Nous sommes un parti démocratique, nous ne ressemblons pas au parti
Yesh Atid qui a annulé ses élections internes. Le Likoud n'a pas organisé de
primaires depuis de nombreuses années». En revanche, il est certain du
nouvel échec du premier ministre en cas de nouvelles élections. Mais le ministre des communications
Amsalem, fidèle parmi les fidèles, est monté au créneau pour exiger de Saar une
plus grande fidélité à Netanyahou : «C’est une urgence nationale, pas
une période de luttes internes fondées sur l’ego».
Des
rumeurs font état d’une nouvelle candidature d’un haut dirigeant du Likoud à la
tête du part qui sera annoncée dans les prochains jours.
La
situation s’éclaircit car Moshé Kahlon, ex-Koulanou, avait estimé qu’il n’accepterait
jamais de figurer dans un gouvernement dirigé par un dirigeant mis en examen.
Mais les choses évoluent très vite et l’attrait d’un portefeuille font oublier
les promesses. Benny Gantz a toujours dit qu’il pouvait se joindre à un
gouvernement Likoud avec un nouveau leadership. Il n’est pas raisonnable que le
pays attende mars 2020, et plus tard même, pour avoir un gouvernement alors que
la situation sécuritaire et économique urge.
En
revanche la mise en examen rebat les cartes et elle peut entraîner une
recomposition du paysage politique même au sein du parti Bleu-Blanc qui lui
aussi connait des tensions internes.
Zvi Hauser |
Gantz
a tiré les conséquences de son échec qu’il impute à Yaïr Lapid et à son aile
droite. Le premier a refusé toute cohabitation avec les orthodoxes tandis que
l’aile droite, représentée par Zvi Hauser et Yoaz Hendel, proches de Moshé
Yaalon, n’ont pas voulu envisager de constituer un gouvernement minoritaire
avec les partis arabes : «À cause de Yoaz Hendel et Tzvika Hauser, je
ne suis pas Premier ministre, et à cause de Lapid, les chances d’unité ont
diminué». Hendel, ancien assistant de Netanyahou, et Hauser, ancien
secrétaire de cabinet, ont formellement averti qu’ils s’opposeraient à un tel
accord. On retrouve ainsi les inconvénients d’un parti hétéroclite qui a fait
appel à des membres venus de divers horizons. Cela peut être utile pour
constituer une diversité mais un facteur de blocage quand il faut décider.
Les
tirages internes à Bleu-Blanc compliquent à présent la situation. Les trois
composantes, Yesh Atid de Yaïr Lapid, Telem de Moshé Yaalon, et la faction de
Gabi Ashkenazi risquent d’exploser devant les difficultés et les rivalités
personnelles.
Si
une solution n’est pas trouvée pour éviter des élections en mars 2020, qui de
toute façon ne déboucheront sur rien d’exceptionnel, alors le pays entrera dans
une phase de tempêtes dans un contexte d’incertitude politique. Le peuple juif
adore se faire peur et reste toujours prêt à envisager sa destruction non pas par
ses ennemis mais de l’intérieur. On attend l’homme providentiel qui arrivera à
dénouer la situation avant qu’elle ne s’embrouille vers le chaos politique.
Se poser en victime en osant parler « d’un coup d’état », mettant en cause la police, les juges et les journalistes, ce n’est pas se défendre, c’est mettre à bas les garde- fous du pays, c’est comparer Israël à un république bananière.
RépondreSupprimerBien cordialement