ISRAËL A TOUJOURS SOUTENU LE NATIONALISME KURDE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Les
Kurdes sont un peuple d'origine indo-européenne réparti dans la région du
Kurdistan, à cheval sur quatre pays : Turquie (12 millions), Iran (7 millions),
Irak (6 millions) et Syrie (2 millions). En communauté de destin avec les
Arméniens et les Juifs, ils ont toujours été persécutés et massacrés sans
pouvoir créer leur propre foyer national. Ils se battent depuis des décennies
pour obtenir un État indépendant ou au moins, une autonomie et des droits
culturels dans la région où ils vivent.
Kurdes abandonnés par les Américains |
En
juin 2010, ils avaient été pris dans un étau turco-syrien lorsque des troupes
syriennes avaient été engagées dans des combats acharnés. Ils avaient alors
subi la destruction de quatre villes du nord, entraînant la mort de plusieurs
centaines d’entre eux. Israël et l’Occident n’avaient pas réagi ; chaque pays
avait à l’époque ses propres raisons. Les Israéliens s’étaient résolus à geler
leur soutien actif aux Kurdes au profit du développement de relations
exclusives avec la Turquie, l’allié indispensable du moment. Mais le coup de
froid dans la diplomatie avec la Turquie les ont libérés de leur réserve.
Les
Israéliens n’avaient jamais cessé de soutenir matériellement les groupes
d’opposants et d’armer les militants nationalistes kurdes qui, pour certains, n’avaient
pas hésité à faire des infidélités à l’État juif. En effet, les Israéliens
n’avaient pas apprécié qu’Abdullah Öcalan, leader du PKK (Parti des
Travailleurs du Kurdistan), s’allie avec le Hezbollah et la Syrie dans sa
stratégie de lutte contre son ennemi turc. Le Mossad avait d’ailleurs été
accusé d’avoir participé à son enlèvement à Nairobi en 1998 pour le remettre
aux Turcs.
Les
relations entre Israël et les Kurdes sont anciennes puisqu’elles datent de
1958. Dans le cadre d’une alliance avec le Shah d’Iran, Israël avait armé et
entraîné les Kurdes du nord de l’Irak pour les aider à lutter contre le
gouvernement de Bagdad. Le soutien s’est transformé, en 1963, en une aide
matérielle massive acheminée par l’intermédiaire de l’Iran et en un soutien
humain avec l’envoi de conseillers techniques et de médecins. Les officiers
kurdes reçurent directement, dans les montagnes du Kurdistan, des cours de
formation dispensés par des officiers de Tsahal.
Les
Kurdes n’ont d’ailleurs pas manqué de renvoyer l'ascenseur en 1967, durant la
Guerre de Six-Jours. Devant la mobilisation générale des armées arabes contre
Israël, ils ont fomenté des troubles dans leur région pour forcer les troupes
irakiennes à se détourner des frontières israéliennes. Cela justifie la faible
participation des Irakiens à la guerre de 1967. En remerciement, l’État juif
avait fourni aux Kurdes le matériel russe récupéré sur les armées égyptienne et
syrienne en déroute. Le leader kurde de l’époque, Massoud Barzani, avait
confirmé avoir aussi reçu plusieurs millions de dollars d'aide de la part
d’Israël pour financer sa révolte.
Mais
Tayyip Erdogan, qui avait brusquement fait le choix de l’alliance avec les
États arabes, a vu, dans le réchauffement du front kurde, la main manifeste des
Israéliens dans une tentative de le déstabiliser à travers des attaques kurdes
contre des bases militaires et contre des cibles navales. Cette réactivation du
front kurde n’était certes pas pour déplaire à Israël car l’armée turque avait
alors fait pression sur son gouvernement pour obtenir les nouveaux armements
qui lui faisaient défaut depuis la rupture avec Israël. Les fournitures d’armes
avaient en effet cessé et en particulier les systèmes de missiles israéliens,
les roquettes antichars «Spike», les missiles «Barak-8» pour la
marine, les blindés «Namer» pour le transport de troupes et bien sûr les
drones.
Daesh libéré en Syrie |
Benjamin
Netanyahou avait constaté qu’avant la révolution syrienne, le Hezbollah avait
déjà rejoint l’axe turco-syrien pour aider les Syriens à bloquer les Kurdes
pourchassés jusqu’à la frontière libanaise. Le président syrien voulait
empêcher les combattants kurdes d’y trouver refuge. De nombreux barrages
avaient d’ailleurs été établis dans plusieurs villes libanaises pour traquer
les Kurdes dans leur fuite et les massacrer.
Estimant
que le moment était venu de peser sur la situation de la région, les deux principales
formations kurdes de Syrie, farouchement opposées au président Bassar el-Assad,
avaient décidé de se regrouper au sein d’une seule entité après des
négociations tenues au Kurdistan irakien. Le Conseil national kurde, qui
regroupe une douzaine de partis, et le Conseil populaire du Kurdistan
occidental s’étaient désormais unis sous la bannière du «Conseil suprême
kurde» après des discussions auxquelles avait participé le dirigeant du
Kurdistan irakien, Massoud Barzani.
Les
Israéliens, qui s’inspirent de leur histoire dramatique, voyaient avec intérêt
la création d’un foyer national kurde autonome. L’entité nouvelle, d’une part
rognerait sur la taille des pays qui lui sont hostiles et d’autre part,
constituerait un contrepoids efficace face à un Iran islamiste, envahissant et
prosélyte. Par ailleurs, la frontière entre l’Iran et un Kurdistan nouveau,
allié d’Israël, permettrait d’avoir un œil sur les activités occultes de
l’Iran.
Pour
contrer à la fois les Kurdes et la Syrie, l'armée turque a renforcé son
dispositif le long de la frontière syrienne avec l'envoi de batteries de
missiles sol-air et de véhicules de transport de troupes à Mardin, au sud-est. Par
ailleurs, cherchant à exploiter les relations conflictuelles entre la Turquie
et le PKK, le président syrien avait décidé d’utiliser les troupes kurdes
contre Erdogan. Il avait autorisé les Kurdes d’Irak à passer la frontière en
masse pour se positionner à la frontière syrienne et obtenu en contrepartie la
neutralité des Kurdes dans la révolution. Il les a même autorisés à opérer le
long de la frontière turque.
Le
président syrien avait fait preuve de génie politique puisqu’il avait offert
aux Kurdes la possibilité de s’implanter au Kurdistan syrien. Il avait ainsi
évité à cette minorité du nord de la Syrie de rejoindre les rebelles syriens et
avait récupéré ses troupes d’un Nord pacifié pour les envoyer consolider le
front sud.
Selon
des sources sécuritaires israéliennes, les troupes du nouveau «Conseil
Suprême Kurde», qui avaient uni leurs combattants et leur armement, avaient
déjà pris le contrôle de deux villes frontalières syro-turques : Afrin et Aïn
Al-Arab. Ils envisageaient ainsi de perpétrer de nombreux raids contre la
Turquie pour obtenir, par les armes, l’autonomie du Kurdistan syrien. Le peuple
kurde s’était senti revigoré après des années de répression et il avait choisi la
révolution syrienne à son profit pour devenir le seul gagnant du chaos syrien. Ces
villes subissent actuellement les frappes aériennes de la Turquie.
Les
révolutions arabes et la guerre en Syrie ont entraîné l’éveil des minorités et
ont fait renaître les appétits des Kurdes qui n’ont plus hésité à engager le
fer avec ceux qui constituent un obstacle. Leurs ennemis déclarés à présent
sont les djihadistes qui veulent s’installer dans leur fief. Les Kurdes
estiment que le moment est venu d’instaurer une autonomie territoriale et
économique sur une région constituée des neuf localités kurdes, volontairement
évacuées par l’armée syrienne, où ils sont majoritaires. Les djihadistes
représentent le seul obstacle à leur projet et c’est pourquoi les Kurdes n’ont
cessé de les combattre.
Mais
les Turcs avaient mis en garde les Kurdes contre toute velléité autonomiste car
elle «aura pour effet d’envenimer les combats, et d’aggraver la situation
intenable en Syrie». La prise de la ville syrienne de Ras al-Aïn, près de
la frontière turque, par le PYD avait exacerbé les tensions car elle met en
danger l’approvisionnement en énergie en provenance du Kurdistan irakien à
travers l’oléoduc reliant Kirkouk et Ceyhan en Turquie. Les Turcs craignent que
l’autonomie kurde en Syrie soit contagieuse jusqu’à encourager le séparatisme
kurde en Turquie.
En
fait les combats entre le PYD et les islamistes du nord de la Syrie cachent le
véritable combat pour le contrôle des champs de pétrole de la région. Ainsi dans la province kurde de Hassakeh, la
bataille avait fait rage autour du champ pétrolier Rumeilan, à environ 200 km à
l'est de Ras al-Aïn. Mais les appétits personnels resurgissent toujours lorsque
l’objectif est presque atteint, entraînant la scission des Kurdes syriens en
deux clans. Le premier est représenté par le Qandil qui comprend les partis
kurdes de Syrie proches du PKK et l'Union patriotique du Kurdistan plus proche
de l'Iran, la Russie et la Syrie et plus critique de la Turquie. Le second
front Erbil dirigé par Massoud Barzani est plus proche de la Turquie mais
manque d'influence à l'intérieur des régions kurdes de Syrie.
En
fait les révolutions arabes ont recomposé le paysage du Proche et Moyen-Orient.
Les vieux nationalismes vont peut-être obtenir satisfaction sur leurs vieilles
revendications. D’autres peuples, et ils n’en manquent pas dans la région, peuvent
s’inspirer de ce développement politique pour exiger de nouveaux droits et
peut-être de nouvelles autonomies. Il existe un risque certain que des régions
entières de Syrie, d’Irak et même de Turquie éclatent en entités nouvelles
recomposant ainsi les lignes de frontière arbitraires, imaginées par les
Anglais et les Français au temps où ils se partageaient le Moyen-Orient.
Cher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimer"Israël a toujours soutenu le nationalisme kurde", écrivez-vous.
Voulez-vous dire qu'Israël est prêt à se battre aux côtés des Kurdes pour que le peuple kurde ait droit, lui aussi, à un état indépendant ?
Très cordialement.