Avec ses cinq députés le 9 avril
2019, à la limite du seuil électoral, l’ex-ministre de la Défense Evet Avigdor
Lieberman avait empêché la constitution du gouvernement. Avec les huit à onze
sièges qui lui sont crédités aux élections de septembre 2019, il devrait peser
plus au point de faire figure de leader incontournable,
capable d’imposer le choix du nouveau premier ministre. Il n’a qu’un rêve, être
celui qui parviendra à unifier les partis de droite et du centre en excluant
les orthodoxes dont il est un ennemi fidèle.
Il utilise toutes les méthodes
politiques qui ont fait leur preuve. Pour discréditer Amir Peretz, il a
subodoré que Netanyahou avait négocié en secret avec les travaillistes : «De
toute évidence, il existe un accord entre Amir Peretz et Netanyahou. De toute
évidence, cet accord a un prix, à savoir la présidence de l’État pour Amir
Peretz. C'est le deal. Quiconque connaît le système politique comprend son
fonctionnement». Bien sûr Amir Peretz a démenti avec force mais il restera
des suspicions.
Il a affiché ses préférences en
précisant qu’il ne recommandera au président de l’État que «le premier parti
qui annoncera son soutien à la mise en place d'un vaste gouvernement national. Si
aucun des partis ne s'y engage, nous ne recommanderons personne au président».
Sur les ondes de Radio Tsahal il a même déclaré qu’il était prêt à recommander
Benny Gantz s’il arrivait en tête. Il donnera l'option à quiconque accepterait
un gouvernement d'union. Mais il a une exclusive cependant, «il ne siégera
pas au cours de ce mandat au sein d'un gouvernement qui engloberait les partis
ultra-orthodoxes parce qu'avec eux, vous ne pouvez pas diriger l'État». Il
exclut également de cohabiter avec les partis arabes et avec Nitzan Horowitz de
Meretz.
Nitzan Horowitz |
Il a défini ses pistes pour un nouveau
gouvernement : «Nous voulons un gouvernement national libéral large.
Tout le reste est moins important. Nous voulons le ministère de la Défense, de
l'Intégration, de la Santé et de l'Intérieur. Beaucoup de gens ne sont pas
moins bons que moi en matière de finances. Je préfère donc faire ce qui est
nécessaire en ce moment avec la sécurité, pour rendre la force de dissuasion à
Tsahal et à Israël. Nous avons déclaré qu'il était temps que le ministère de la
Santé soit entre de bonnes mains, confié au professeur Edelman, président de
l'Association des médecins. De bons services de santé devraient être fournis
aux citoyens israéliens sans avoir besoin d’appeler le bureau du ministre».
Le président du parti Israël Beitenou inclura dans son programme le
fonctionnement des transports en commun le samedi, le mariage civil, la
conversion par les rabbins de la ville dans le cadre des accords de la
coalition, et abolira également la loi sur les supermarchés.
Pour ne pas hypothéquer l’avenir d’une
cohabitation, Il a par ailleurs changé de stratégie en décidant de ne plus attaquer
le premier ministre pendant la campagne électorale car certains de ses
électeurs russes, qui envisagent de le suivre à nouveau, ne supporteront pas
ces attaques. Effectivement, il avait accusé Netanyahou de vouloir
former un gouvernement minoritaire avec le soutien des partis arabes après les
élections : «Le Premier ministre s'oriente vers les partis arabes, ce
qui coûtera beaucoup d'argent aux contribuables. Un tel gouvernement serait
formé aux dépens de ceux qui servent dans Tsahal et qui paient des impôts.
C'est le plan. Le Likoud a compris qu'il n'obtiendrait pas 61 membres sans Israël
Beitenou et a donc décidé de commencer à travailler avec les partis arabes».
Il veut se donner l’image d’un bulldozer qui à,
chaque scrutin invente un slogan. Il a le don des formules fortes : «Seul
Lieberman comprend l’arabe», «pas de citoyenneté sans loyauté» et
aujourd’hui il prône «la droite laïque». Il a abandonné l’idéologie pure jugée caduque pour choisir le pragmatisme et le réalisme. Il a compris qu’il ne pourrait
jamais atteindre le poste de premier ministre qu’il convoitait et donc il doit
composer pour partager le pouvoir, mais pas à n’importe quel prix : «Il
y a ceux pour qui le poste de Premier ministre est une obsession. C'est juste
une option. Je n'ai pas d'obsession». La preuve, il a refusé d’entrer au
gouvernement en avril 2019 mais il envisage sérieusement une rotation comme du
temps d’Itzhak Shamir mais encore faut-il que son parti obtienne beaucoup de sièges. Mais c’est une option qui est inenvisageable avec
Netanyahou, c'est pourquoi il s'est éloigné de lui.
Il vise aussi ses amis d'extrême-droite dont il semble
s’éloigner par pragmatisme : «La vraie décision lors des élections ne
se situe pas entre Gantz et Bibi, mais entre Israël, notre patrie d'Israël et
l'Israël de Smotrich. Même après les dernières élections, on m'a offert la
possibilité d'être ministre de la Défense, mais je ne l'ai pas prise. Il ne
peut y avoir une reddition au terrorisme».
Lieberman n'est pas mécontent du spectacle donné par l’extrême-droite qui se déchire. Ayelet Shaked, leader de
la Droite Unie a refusé de s’allier avec les kahanistes racistes de Otzma
Yehudit, ou avec la droite dure libertaire Zehut de Moshé Feiglin encore moins
avec le micro parti Noam, anti-LGBT. Ces petits partis ne passeront pas le
seuil électoral et leurs voix seront perdues pour le Likoud. C'est tout bon pour lui. L’émiettement des
partis de gauche pourrait le faire apparaître comme le plus grand parti après le
Likoud et Bleu-Blanc. Il pourra ainsi négocier en force sa participation à tout
gouvernement.
En privé il explique sa démarche
consistant d’abord à éliminer Netanyahou en donnant la première place à Benny
Gantz puis à faire exploser le Likoud de l’intérieur. Connaissant bien le parti dont il est issu, il se fait fort de trouver des frondeurs qui,
débarrassés du Lider Maximo, viendraient en renfort auprès de lui pour
s’associer aux centristes dans une grande coalition excluant les orthodoxes
mais avec certains partis à la droite du Likoud qui ont un compte à régler avec
Netanyahou.
C’est la coalition à laquelle il rêve. Il n’est pas sûr qu’il y
parvienne mais il aura eu au moins le culot d’avoir essayé. La campagne
électorale vient à peine de commencer, en pleine période estivale, alors que
les Israéliens sont nombreux à se rendre à l’étranger pour leurs vacances. Pour
l’instant ils ont d’autres préoccupations plus terre à terre. Les jeux
électoraux s’exprimeront au début du mois de septembre. Les prévisions faites
avant seront de la pure spéculation.
Plan de cession de territoires |
Avigdor
Lieberman, Juif d’origine moldave, toujours bien habillé et sanglé dans ses
costumes cintrés, est toujours redouté par les Occidentaux. À la fin de
septembre 2010, à la tribune des Nations unies, il avait rejeté le principe de «la
terre contre la paix», rabâché en vain depuis les accords d’Oslo de 1993.
Aujourd’hui, devenu plus pragmatique avec le temps, il préfère «un échange
de territoires peuplés» pour une paix durable au Proche-Orient pour éviter
qu’elle prenne des décennies pour se concrétiser : «Laissez-moi être
clair : je ne parle pas de déplacer des populations, mais plutôt de déplacer
des frontières pour mieux refléter des réalités démographiques». Il a changé et il veut
ainsi définitivement mettre fin au concept d’épuration ethnique qui lui est
attribué. Il veut présenter un nouveau visage plus consensuel, loin de la caricature. Un nouvel homme politique de droite est né qui prend ses distances avec les extrêmes car il privilégie sa grande ambition.
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