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dimanche 11 août 2019

Elections en Israël : doutes, suspicions et trahisons



Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps



Militants du Likoud

La campagne électorale est à peine commencée et déjà elle est entachée de doutes, de suspicions et de trahisons. Tous les partis sont touchés. Il est difficile de croire aux sondages car ils ne reflètent jamais la réalité de l’opinion publique mais il existe des signes qui ne trompent pas et qui donnent l’orientation du vent sans avoir besoin d'être expert en sciences politiques. 
Ainsi, un vent de panique semble s’emparer du Likoud qui cherche à ressouder les rangs au sein de ses militants. Sauf dans les pays dictatoriaux, on n’a jamais vu un régime exiger des représentants du peuple un acte de soumission qui n’a certes aucune valeur juridique mais uniquement symbolique. Ce document pourra à tout moment être dénoncé lorsque la situation l’exigera. 



Député David Bitan

En fait il s’agit d’une bravade de la part de certains inconditionnels du Likoud, en particulier David Bitan, pour remonter le moral des troupes et même de son président, traversé par le doute.  Cela rappelle le 10 juillet 1940 lorsque l'Assemblée nationale française avait voté les pleins pouvoirs au maréchal Philippe Pétain, président du Conseil. On sait ce qu’il en a fait et ce qu’il est advenu. Il n’est pas sain de forcer des députés à être dociles, parfois même à s’engager contre leur volonté ou contre leurs convictions. Ils représentent le peuple et non pas un parti, à fortiori pas un homme. Toutes les ficelles sont bonnes. Netanyahou est à 2% des voix près puisqu’il tente de persuader Moshe Feiglin de se retirer en échange de plus de 3 millions de shekels de dettes du parti. Feiglin lui a répondu : «Au lieu de m’éliminer, aide-moi à entrer à la Knesset».
Ces gesticulations au Likoud donnent l’impression qu’ils en savent plus que les sondeurs. La situation semble échapper aux leaders du parti qui tentent de redresser une situation critique qu’ils n’ont pas connue durant cette décennie où ils étaient aux affaires. Alors des rumeurs circulent qui font état de manœuvres de la part du président de la Knesset pour supplanter Benjamin Netanyahou. Yuli Edelstein, un proche parmi ses plus proches, s’est entretenu en présence de membres de son Cabinet avec des députés et des ministres pour envisager des scénarios possibles face à l’impossibilité confirmée de constituer un gouvernement monochrome avec, à sa tête, le premier ministre actuel. L’unanimité n’a plus cours.
Yuli Edelstein

Mais ce crime de lèse-majesté à l’égard du premier ministre en place a fuité car Avigdor Lieberman avait décidé de révéler les démarches de son ami ukrainien avec qui il avait créé le part Israël BeAlyah. Le Likoud n’est plus certain de la fidélité de certains éléments contestataires au point de pousser le parti à exiger un serment de fidélité promettant de soutenir le Premier ministre Benjamin Netanyahou. Les effets de cette signature sont illusoires car rien n’empêchera ceux qui le souhaitent de sauter le pas s’ils voient leur avenir obstrué, a fortiori si le Lider Maximo a un genou à terre après les élections. Les trahisons seront nombreuses en cas de retournement de situation et la chasse aux portefeuilles ministériels sera lancée.

Avigdor Lieberman, a condamné la pétition de fidélité en justifiant que Netanyahou était le «seul candidat du parti au poste de Premier ministre, à l'issue des élections législatives du 17 septembre. La signature honteuse des députés du Likoud jurant fidélité à leur président, façon nord-coréenne, montre la méfiance de Netanyahou à l'égard des membres de son propre parti».

            Les doutes existent aussi à gauche où le leader des travaillistes est suspecté d’être un sous-marin de Netanyahou chargé de le rejoindre au lendemain des élections afin de compléter la coalition. Malgré les dénégations, lui et sa numéro 2 pourraient trahir leur parti par intérêt personnel. L’un pour obtenir le poste de président de l’État qui sera vacant en juin 2021. Peretz en rêve mais il doit obtenir une majorité de voix à la Knesset sachant que Tsipi Livni est sur les rangs pour clore en beauté sa vie politique. Orly Levy-Abecassis obtiendrait de son côté le ministère de la santé auquel elle se sent la plus apte. 
            Bien sûr Amir Peretz jure ses grands dieux qu’il ne trahira pas son clan mais les promesses sont des denrées périssables qui finissent toujours dans les poubelles de l’Histoire. Par ailleurs, on ne comprend plus la position ambiguë d’Orly Levy-Abecassis qui a annoncé : «Nous ne serons pas le gilet de sauvetage de Netanyahou. Nous ne rejoindrons un gouvernement dirigé par le Likoud et nous ne travaillerons pas avec l'ancien Premier ministre Ehud Barak». Quelle prétention pour un parti à la limite du seuil électoral à moins que ce ne soit qu'une posture électorale pour mordre sur le parti démocrate. Ces exclusives sont stériles. 

            A l’extrême-droite la guerre entre factions s’est atténuée pour des raisons d’efficacité.  Le départ en avril 2019 des deux leaders de Habayit Hayehudi vers d’autres horizons avait plombé tous les partis d’extrême-droite et une certaine rancune a subsisté qui avait justifié les réticences de Bezalel Smotrich et Rafi Peretz à accepter le leadership d’une femme laïque. Un clan a majorité religieuse trouvait qu’une femme à sa tête faisait désordre. Il s’agissait d’une alliance de circonstance mais ils se sont résolus à l’accepter en attendant des jours meilleurs. Il s’agit d’un attelage impossible. Comment en effet une laïque pourrait souscrire aux propos de Smotrich qui vient de déclarer «qu'il aimerait vivre dans un pays régi par la Halakha, où la religion se mêlerait à la vie des citoyens». Le cœur n’y est pas puisqu’il n’existe pas d’élan nouveau pour placer Ayelet Shaked sur orbite. Ce sont les mêmes qui votent pour elle et aucune voix du Likoud ne semble se porter sur elle. Elle dépassera de peu les 8 voix qu’elle avait obtenues le 17 mars 2015.

Les fondateurs de Aleinou, (de gauche à droite) : Yomtob Kalfon, Michael Wolf, Moria Hadad-Rodrig, Benjamin Fellous.

La désillusion frappe aussi les Francophones qui croyaient qu’ils disposaient d’un réservoir de voix que les candidats se disputaient. Il n’en est rien car ils sont désunis et peu politisés en raison de leur méconnaissance de l'hébreu. La tentative du rabbin Amsellem de créer un parti de séfarades est tombée à l’eau. Pourtant l’idée était nouvelle de réunir à la fois des religieux et des laïcs, des hommes et des femmes, des gens de droite et de gauche sous la bannière de la défense des séfarades. 
Les candidats qui se présentent font figure d’alibis puisqu’ils ont obtenu des places inéligibles. Mais l’honneur est sauf, on ne les a pas oubliés pour grappiller quelques voix. Olivier Rafowicz est 16ème chez Israël Beitenou, Yossi Taieb 12ème chez Shass, Yomtob Kalfon 17ème sur la liste de la droite unie, et Meir Benhayoun 11ème chez Otzma. Le rêve n’est jamais interdit mais ils peuvent apprécier leur photo aux côtés de dirigeants importants.
Liste arabe unie

            Enfin, les Arabes, qui représentent 20% de la population avec une liste unifiée, ne sont pas considérés comme faisant partie du spectre politique israélien. Certes leur comportement inadmissible à la Knesset le jour de son inauguration ne fait pas d’eux des citoyens reconnus. Cependant, ou bien les députés arabes sont des israéliens à part entière, ou bien ils représentent une cinquième colonne capable de s’en prendre à l’État d’Israël et donc il faut les bannir des élections Pourtant, de plus en plus d’Arabes, qui sont des citoyens israéliens détenteurs de tous les droits, tentent de s’insérer dans la vie politique israélienne. Mais l’existence d’une liste communautaire est une erreur de taille. Ils doivent s’insérer dans les listes politiques israéliennes pour être totalement assimilés politiquement.

Ayman Odeh

            Certains élus arabes envisagent une coopération avec Benny Gantz sans accepter de poste de responsabilité. Le président de la Liste arabe unie Ayman Odeh a déclaré qu’il pourrait «sérieusement envisager de rejoindre» Bleu-Blanc s’il gagnait les élections : «Si Gantz se tournait vers nous, il va dans la bonne direction pour la paix et l’égalité, nous l’écouterons. Je ne crois pas que cela aura lieu parce qu’il y a beaucoup de mauvaises eaux sous le pont. Nous ne sommes pas dans sa poche. Il devra venir à nous. Si nous voyons qu’il y a une direction commune, nous pourrions sérieusement envisager de le rejoindre». Mais Benny Gantz a exprimé de sérieuses réserves, du moins officiellement. Si le cas se présentait, il pourrait à la rigueur envisager un gouvernement minoritaire avec la neutralité des partis arabes. 
Les Arabes et les Juifs ne sont pas encore prêts à ce genre de situation alors ils envisagent uniquement par euphémisme une «coopération» et non une alliance gouvernementale, un peu à la manière d’Itzhak Rabin qui avait constitué un gouvernement minoritaire en 1992 avec la «neutralité» des factions arabes. C’est cette neutralité qui inquiète le Likoud car elle donnerait une opportunité sérieuse au parti Bleu-Blanc. 



        Alors certains médias israéliens, inféodés au pouvoir actuel, sont mobilisés pour faire la même présentation tendancieuse. Ils classent les partis en deux groupes, le «bloc religieux de droite» incluant à tort Lieberman et le «bloc arabe de gauche» incluant Gantz. Une bonne façon de prévenir les électeurs que voter Gantz c’est voter arabe. Il n’y a que les inconditionnels du Likoud et les naïfs qui croient à cette classification.

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