ISRAËL : DEUX LEADERS OPPOSÉS MAIS UNE MÊME STRATÉGIE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Ehud Barak, qui a décidé de revenir à la politique, a une grande ambition : celle de créer un grand parti démocrate à l’américaine. D'ailleurs il a utilisé le même sigle de «miflaga démocratite». Il veut regrouper toutes les sensibilités depuis la gauche historique de Meretz jusqu’aux militants de la droite sociale en passant par les orthodoxes. Il s’agit pour lui de se positionner à la gauche du parti Bleu-Blanc qui ne pourra parvenir au pouvoir qu’en s’appuyant sur une force à gauche revigorée et surtout rassemblée.
Les
Travaillistes étaient à la recherche de l’homme providentiel mais ils ont
choisi à nouveau Amir Peretz, qui en tant qu’ancien du syndicat Histadrout, pourra
ramener à lui ses anciens amis et militants et surtout les originaires du Maroc qui se sont
éparpillés partout, à droite et surtout au parti orthodoxe séfarade Shass parce
qu’ils se sentaient orphelins d’un leader. Il veut surfer sur le succès du
système de défense anti-missiles Dôme de fer dont il a été le parrain contre
une grande partie de la classe politique qui le raillait. C’est la mission
qu’il s’est donné pour faire gagner quelques députés de plus à son parti.
Ehud
Barak et Amir Peretz sont convaincus que sans union à gauche, il n’y a point de
salut. L’échec de l’ancien président du parti Avoda, Avi Gabbay, s’est traduit
par l’élection de seulement six députés aux élections du 9 avril 2019 alors
qu’ils étaient 24 sortants sous la conduite commune d’Itzhak Herzog et de Tsipi
Livni. Les Travaillistes ont subi un
choc politique qui les a complètement tétanisés. Depuis, ils attendent beaucoup
du dirigeant providentiel qui pourrait remonter le parti à la déroute. Ils ont fait le choix de
désigner un dirigeant de l’intérieur alors que l’ancien général Yaïr Golan
était sur les rangs. Barak a convaincu le général de rester à l’écart pour la messe du grand rassemblement et surtout pour ne pas se plier aux procédures destructrices du vote interne.
Les primaires qui ont eu lieu le
2 juillet ont vu la victoire nette de Amir Peretz, dirigeant historique, avec 47% des voix face à deux jeunes issus de la révolution
des tentes de 2011, Stav Shaffir (26,9%) et Itzik Shmuli (26,3%), qui n’ont pas
réussi à convaincre. Ils manquaient d’expérience pour diriger un parti aussi lourd d'Histoire mais, surtout, ils n'étaient pas armés pour le relever de la déroute.
Il était légitime de se demander
si la tâche d’Amir Peretz n’allait pas se compliquer avec un concurrent direct
en la personne d’Ehud Barak. Mais en fait ils se complètent car certains
militants de la droite sociale comme Orly Levy-Abecassis ou Tsipi Livni se voyaient mal chez
les Travaillistes. Barak avait poussé son candidat Shmuli qui était prêt à
fusionner son parti avec le sien en incluant Meretz pour une grande structure à gauche.
Son plan s’est effondré en même temps que ses espoirs de devenir premier
ministre par défaut. Les quelques
recrues Yaga Fink et Noa Rothman, petite-fille du premier ministre Rabin, ne
suffisent pas à donner l’élan suffisant à son nouveau parti. L’échec cinglant de Shmuli risquait de donner
le glas au grand rassemblement souhaité par Barak. Il lui faut d'autres visages historiques pour mener ce nouveau combat.
Nitzan Horowitz |
L’élection de Nitzan Horowitz à
la tête du Meretz est une aubaine. Pour sauver la présence de son parti à la
Knesset, il a besoin de lui redonner une image plus sioniste après les écarts
de l’ancienne présidente Tamar Zandberg qui s’était trop compromise avec les Palestiniens
pour un résultat désastreux. Horowitz envisage donc sereinement une union avec Peretz.
Rassuré à gauche, Barak va donc
avancer ses pions en direction d’une communauté abandonnée, la communauté
russe, qui n’est plus l’exclusivité d’Avigdor Lieberman et qui s’est réfugiée
au Likoud par dépit. Par ailleurs, il pense que Tsipi Livni a encore quelques fans qui la soutiennent
de manière inconditionnelle et qui se sont abstenus le 9 avril 2019. Enfin, il
compte amener à lui quelques cadres de Koulanou qui refusent de perdre leur âme
en s’intégrant au sein du Likoud.
Le nouveau grand parti démocrate sera ainsi un allié sérieux dans le cadre d’une nouvelle coalition gouvernementale avec Benny Gantz. Barak estime qu'il peut constituer une structure de 20 à 25 députés qui le rendra incontournable.
Le nouveau grand parti démocrate sera ainsi un allié sérieux dans le cadre d’une nouvelle coalition gouvernementale avec Benny Gantz. Barak estime qu'il peut constituer une structure de 20 à 25 députés qui le rendra incontournable.
Union des droites |
À l’extrême-droite, qui a
explosé, on compte sur une recomposition totale mais là les questions de
personnes débordent le cadre de l’efficacité. Ayelet Shaked qui a vu son entrée
au Likoud refusée, persiste et signe. Netanyahou est prêt à apporter son soutien
à une structure qu’elle dirigera mais refuse de l’inscrire sur la liste
officielle du Likoud. Elle a annoncé qu'elle se présentera quelle que soit la nouvelle situation.
Elle croit en un rassemblement de
tous les partis à la droite du Likoud dont l’idéologie d’ailleurs varie peu à quelques détails près. Elle s’active pour une union entre la Nouvelle Droite,
Zehut, Habayit Hayehudi, l’Union nationale et Otzma Yehudit. Naftali Bennett
est prêt à abandonner la direction de ce rassemblement à son profit.
Certains de ces partis avaient obtenu des voix qui ont été perdues pour la droite car ils n’atteignaient pas le seuil électoral de 3,25%. Unis ils pourraient obtenir entre 15 et 19 sièges à la Knesset selon Shaked. Mais les dirigeants de ces petits partis ont trop d’ego pour céder leur place de chef, à une femme de surcroît. Il leur faudra faire beaucoup d’effort avant le 1er août, date limite du dépôt des listes. Naftali Bennett est rejeté par son ancien parti dont la rancune est tenace parce qu’il a quitté Habayit Hayehudi en décembre 2018. Mais les dirigeants de la Droite unie ne désarment pas. Ils sont prêts à la rigueur à offrir la deuxième place à Ayelet Shaked et le ministère de la justice mais pas à la voir diriger le rassemblement. Le veto sur l’entrée de Bennett dans cette entité est ferme. Les discussions sont donc dans l’impasse.
Certains de ces partis avaient obtenu des voix qui ont été perdues pour la droite car ils n’atteignaient pas le seuil électoral de 3,25%. Unis ils pourraient obtenir entre 15 et 19 sièges à la Knesset selon Shaked. Mais les dirigeants de ces petits partis ont trop d’ego pour céder leur place de chef, à une femme de surcroît. Il leur faudra faire beaucoup d’effort avant le 1er août, date limite du dépôt des listes. Naftali Bennett est rejeté par son ancien parti dont la rancune est tenace parce qu’il a quitté Habayit Hayehudi en décembre 2018. Mais les dirigeants de la Droite unie ne désarment pas. Ils sont prêts à la rigueur à offrir la deuxième place à Ayelet Shaked et le ministère de la justice mais pas à la voir diriger le rassemblement. Le veto sur l’entrée de Bennett dans cette entité est ferme. Les discussions sont donc dans l’impasse.
Mais le leader d’Israël Beitenou,
Avigdor Lieberman, veille et a proposé la deuxième place de sa liste à Ayelet
Shaked qui pour l’instant est en roue libre et qui n’envisage pas cette
proposition avec sérieux.
En fait Ayelet Shaked fait peur. À
voir comment elle a marginalisé son mentor et leader Naftali Bennett pour l’écarter
totalement, ses adversaires disent d’elle qu’elle a les dents longues et
beaucoup d’ambition. Ils craignent d’être phagocytés à leur tour et ensuite neutralisés. Il
n’est pas question pour eux de mettre la louve dans la bergerie.
Barak et Shaked ont une âme de leader et rêvent de
rassemblement mais ils inquiètent leurs partenaires parce qu'ils ne masquent pas leur
ambition de parvenir au sommet avec ou sans eux. Ils doivent donc faire face à de sérieux blocages
qui rendent leur mission difficile.
Ayelet Shaked est une politicienne intègre et honnête. Si elle n’a pas caché que le poste de 1er ministre pouvait l’intéresser, elle a continuellement communiqué que ce n’était pas pour un proche avenir. Elle a souvent appuyé qu'elle voyait Naftali Bennett comme étant le candidat le plus capable à succéder à Benjamin Netanyahu.
RépondreSupprimerAyelet Shaked souhaite se concentrer sur le Ministère de la Justice au moins pour les 4 prochaines années.
Dès lors, je ne vois pas très bien comment certains peuvent prétendre qu’ « Ayelet Shaked marginalise son ancien mentor et co-équipier Naftali Bennett pour l’écarter totalement ».
A l’heure actuelle, un certain nombre des membres influents du Likud aimerait bien intégrer Ayelet Shaked et même Naftali Bennett, mais Benjamin Netanyahu (et sa famille) s’y oppose toujours. En cause pour Ayelet Shaked vraisemblablement le fait qu’elle ait osé dire en décembre une vérité (presque de la palisse) : que le futur mandat de Benjamin Netanyahu sera son dernier, qu’il n’était plus tout jeune (73 ans au terme de 2019-2023) et que plusieurs affaires le concernant sont en cours.
Benjamin Netanyahu sait pertinemment que Naftali Bennett et Ayelet Shaked sont des rivaux de taille. Il se voit d’ailleurs encore comme 1er ministre pour l’élection de 2023. C’est tout dire.
Comme le disait Ariel Picard, ancien directeur du département francophone du ministère de l’Intégration à Qualita sir les propos piquants du Rav Aviner sur la place des femmes dans la politique et aussi d'Ayelet Shaked : "Je peux comprendre qu’Ayelet Shaked ne puisse pas être la tête de liste du Foyer Juif, mais je pense qu’elle a sa place à la tête d’une union de toutes les formations de la droite nationaliste." Lien pour l'interview complet de 16 min https://www.facebook.com/885381241499674/posts/2286437148060736/
D’ailleurs, Naftali Bennett est près à lui laisser la première place, même du HeYamin HeHadash qu’il a co-fondé avec Ayelet Shaked.
C’est dire le lien fraternel et sincère qui les unissent depuis plus de 13 ans, même s’il a été fragilisé par les élections du 9 avril 2019.
Un cordial shalom