Par Jacques BENILLOUCHE
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Le
départ d’Avi Gabbay de la direction des Travaillistes étant acté, le parti
cherche à renaître de ses cendres. Le coup de massue qu’il a reçu aux élections
du 9 avril, en passant à seulement 6 députés, l’a rendu complètement atone. Le
parti Bleu-Blanc n’est pas seul coupable de sa déconvenue car la direction travailliste qui
a été choisie n’a pas répondu aux attentes des électeurs. Elle n’a pas réussi à dynamiser un parti qui avait perdu son âme. Aujourd’hui, une nouvelle
direction doit être mise en place pour donner un sens véritable aux thèses de gauche, sur le plan économique en particulier.
Les jeunes issus de la révolution
des tentes de 2011, Itzik Smuli et Stav Shaffir, malgré leurs qualités
indéniables, n’ont pas encore réussi à s’imposer pour être crédibles et renouveler l’esprit du parti. Sous la direction d’Avi Gabbay, ils se sont montrés trop
disciplinés en cautionnant par leur silence approbateur une politique
destructrice. Par ailleurs les anciens dirigeants historiques, Amir Peretz, Ehud
Barak, Tsipi Livni et Amos Yadlin, veulent reprendre du service mais ils peuvent
seulement venir en renfort à une équipe solide rénovée. S’ils revenaient à la
tête du parti, ils décourageraient tous les nouveaux électeurs qui voudraient
le rejoindre en recherchant de la nouveauté. Par ailleurs, le parti doit avant tout se défaire de son identité
trop ashkénaze, voire élitiste, qui lui colle à la peau.
Les petits partis de gauche sont
indispensables à la liste Bleu-Blanc si elle veut parvenir au pouvoir. Benny
Gantz doit s’appuyer sur des alliés divers et non sectaires venus de tout le
spectre politique, seule condition pour créer une force idéologique alternative
à la droite. C’est pourquoi les Travaillistes songent à se rapprocher de Dan
Meridor du Likoud et d’Orly Levy-Abecassis transfuge d’Avigdor Lieberman.
L’ex-général de division Yaïr Golan est prêt à prendre la tête du parti à
condition qu’il ne soit pas encombré par les règles internes rigides et par la
lourdeur bolchévique des statuts immuables.
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Kobrinsky |
Yaïr Lapid, numéro-2 du parti
Bleu-Blanc a été désigné pour faire émerger une force à ses côtés, capable de
coopérer avec son parti après les élections. Il s'agit de cibler les vrais adversaires et ménager ceux qui pourront entrer demain dans une coalition. De nombreuses réunions secrètes se
sont tenues pour jeter les bases d’une coopération élargie dans la villa de
Savyon d’un riche dirigeant de hightech, Hillel Kobrinsky. Ils sont convaincus
qu’ils peuvent battre Benjamin Netanyahou qui n’a en fait reçu que 29% des voix
de l’électorat israélien mais qu’en revanche, il est indispensable d’avoir une force d’appoint
pour boucler les contours d’une coalition.
Si les Travaillistes restent très
exigeants et très procéduriers, ils décourageront Yaïr Golan qui choisira alors de
créer sa propre structure à laquelle Ehud Barak se joindrait sans exiger une
place de premier rang. Dans ce cas le parti Avoda risque d’exploser entraînant
le départ de l’aile ultragauche vers Meretz et de l’aile plus modérée vers Golan.
En effet Meretz se sent en grande
difficulté mais persiste à imposer ses règles internes malgré le risque de disparaître
du spectre politique. Il avait à peine franchi le seuil électoral en avril 2019.
L’ancien député Nitzan Horowitz a fait part de sa volonté de reprendre la
direction de son ancien parti si on lui donne le droit de concourir aux
primaires sans conditions. La leader Tamar Zandberg ne semble pas voir ce
retour avec plaisir parce qu’elle estime que le salut ne viendrait pas de l'intérieur mais d’une
association avec un parti arabe. Bien sûr, la codirection judéo-arabe du parti serait originale en réinsérant la population arabe dans le jeu démocratique israélien mais cette initiative changerait considérablement
la nature sioniste de ce parti et l'orientation de la gauche politique en
général.
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Nitzan Horowitz |
En revanche, Horowitz défend avec
enthousiasme un mouvement commun avec la gauche du parti travailliste sans nécessité
de faire appel aux électeurs arabes. Effectivement son parti a viré trop à
gauche, aliénant de nombreux électeurs sionistes qui refusent les critiques
contre l’armée. Si Zandberg optait pour un partenariat avec les Arabes plutôt
qu’avec les Travaillistes alors Meretz deviendrait un parti marginal, à peine
sioniste, qui aurait perdu les fondements idéologiques de sa création.
Il est vrai qu’en avril 2019, les Travaillistes
avaient rejeté toute alliance avec Meretz car ils craignaient que leurs
électeurs ne fuient vers Bleu-Blanc. Mais ils l’ont payé cher. Le mal étant
fait, il reste aux délégués de Meretz de décider du prochain président du parti
qui décidera de la voie choisie, soit avec les Travaillistes soit avec les
Arabes. En fait pour Avoda aussi bien que pour Meretz, le salut ne pourra venir
que d’une union qui leur permettra de dépasser le seuil électoral critique de
3,25% des voix. Encore faut-il que les militants soient pragmatiques et
conscients qu’il faut faire parfois des concessions et surtout pouvoir
s’écarter de la stricte idéologie si l’on veut exister.
Mais la logique et la politique ne font pas
souvent bon ménage.
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