BENJAMIN NETANYAHOU,
L’HOMME PRESSÉ
Par Jacques
BENILLOUCHE
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Benjamin Netanyahou était allé trop vite en besogne. Dans les heures qui
ont suivi les élections israéliennes du 9 avril, il a proclamé sa victoire,
estimant alors que la formation d'un gouvernement de droite n’était qu’une
formalité. Mais ses grands desseins se sont effondrés lorsqu’Avigdor Lieberman
a refusé d'entrer dans la coalition. Dès lors qu’il n’a pu constituer son
gouvernement, sa victoire s’est transformée en échec et aucun autre que lui
n’était habilité à prendre sa suite. «Moi ou le chaos» avait suggéré le
général de Gaulle.
-Qu'est ce qu'on chante ? - Je ne chante pas avec les gauchistes |
Les nouvelles élections sont censées arbitrer à nouveau la situation mais
il n’y a aucune certitude qu’elle soit résolue. Une certaine lassitude a gagné
la population invitée à se prononcer à deux mois d’intervalle. Les Israéliens
semblent moins passionnés qu’au premier vote du 9 avril ; ils sont même
devenus indifférents à l’idée que rien ne pourra changer. Mais cette indifférence
est teintée d’inquiétude car des défis énormes attendent Israël sur le plan
sécuritaire et économique tandis que Netanyahou a perdu de son aura. Il inspire
moins la confiance parmi un public devenu apathique et les 29% des électeurs
qui ont voté pour lui commencent à douter et sont persuadés que rien ne changera sauf avec un nouveau logiciel politique. Des mots qu’on n’a jamais entendus en Israël font
surface : État totalitaire, dirigeants sourds, régime semblable au régime
Nord-coréen.
Les jeunes perdent espoir et à la limite du désespoir, ils envisagent l’exil
à l’étranger pendant quelques années, le temps que la situation se décante. Cependant
certains militants restent optimismes car ils persistent à croire qu’Israël
reste une véritable démocratie qui permet de modifier le cours des choses par
un simple bulletin de vote mais ils expriment par ailleurs leur inquiétude sur leur liberté
en danger.
Les Israéliens sont
habitués aux évaluations optimistes de Netanyahou sur la situation du pays :
dix années de croissance économique ininterrompue, sa meilleure cote de crédit,
des ouvertures diplomatiques et de nouveaux partenaires commerciaux en Afrique,
en Asie et en Amérique latine. Et puis, ils ne peuvent pas rester insensibles à
l’image de Donald Trump reconnaissant Jérusalem comme capitale et la
souveraineté d'Israël sur les hauteurs du Golan.
C’est pourquoi, Netanyahou garde ses inconditionnels qui continuent à miser
sur lui mais 29% de la population ne font pas une majorité stable car les micro
partis abusent de la situation sachant qu’ils sont indispensables à une
coalition. Le système électoral n’est pas seul en cause parce que l’on se rapproche de plus en plus vers un bipartisme avec des extrêmes
inconciliables. Les deux grands partis auraient pu s’entendre si Netanyahou,
comme tous les grands qui ont perdu à l’instar de Theresa May et de Nicolas
Sarkozy, avait décidé de se retirer de la gouvernance. Mais en fait, il ne
cherche pas le pouvoir pour le pouvoir, mais le pouvoir pour se protéger des
accusations de corruption auxquelles il espère échapper par une loi sur
l’immunité. Tant que l’épée de Damoclès juridique reste posée au dessus de sa
tête, il fera tout pour se protéger.
Certains électeurs qui l’ont suivi le 9 avril semblent vouloir s’en
détacher car ils ne lui pardonnent pas d’avoir poussé le pays vers de nouvelles
élections et de nouvelles dépenses de l’ordre de 683 millions de shekels (170
millions d’euros) alors que d’autres choix étaient ouverts. Cela explique la
grande incertitude de ce nouveau scrutin ; il n’est plus question de faire
confiance à des sondeurs qui ont fait naufrage. La plupart des sondages sont
commandés à des officines qui orientent les résultats en fonction des
desiderata attendus par leurs clients.
Mais une certitude, la gauche est laminée. Elle s’est suicidée en
choisissant de mauvais leaders qui continuent à s’accrocher à leur fauteuil.
Elle a perdu sa crédibilité au point de vouloir confier son avenir à un général peu
charismatique. Par ailleurs, les manigances et les exigences des partis religieux
vont pousser une majorité de laïcs à refuser de voter pour un État régi par la
loi stricte de la Torah si les orthodoxes sont intégrés au gouvernement
Netanyahou.
Le délire du député Smotrich, leader de l’Union des Droites, qui exige le
portefeuille de la justice et qui veut faire appliquer la Torah en Israël,
inquiète plus d’un. Il estime que le pays devrait revenir à «l'époque du roi
David», car le droit religieux est «de loin supérieur au système
juridique actuel». Cela refroidit ceux qui avaient voté à droite et qui
s’inquiètent d’une alliance contre-nature du Likoud avec ces messianiques.
Il est clair à présent que l’opinion israélienne a viré à droite, voire à
l’extrême-droite. Mais cette droite, si elle ne veut pas subir les mêmes aléas que
les partis européens, doit choisir une autre voie, sinon elle sera condamnée à
perdre. Son attitude est archaïque car elle fait partir tous ceux qui ne sont
plus d’accord afin de rester avec la frange la plus conservatrice de ses
électeurs. Ceux qui osent tenter un retour au bercail sont rabroués comme l’ont
été Naftali Bennett et Ayelet Shaked. Beaucoup de militants n’ont pas apprécié
la manière dont s’est comporté le premier ministre à leur égard. Cet acte
d’autorité, qui a choqué, n’était pas à la hauteur du personnage.
Le Likoud est trop verrouillé aux ordres du leader Maximo. En ayant un chef
qui s’accroche, le parti risque d’emporter tous ses leaders vers la défaite.
L’exemple frappant est encore celui de la France. La droite israélienne semble
déconnectée de la réalité en se montant dirigiste, populiste et sourde aux
revendications des défavorisés. Elle devrait orienter sa politique vers plus de
social pour répondre à la désespérance de ceux qui souffrent, laissés sur le
bord de la route et qui pourtant, votent en majorité pour elle. Certes, la
droite est fière de ses réussites économiques mais seuls en profitent 10% de la
population.
Il faut changer les choses et pour cela revoir le logiciel politique. Il
faut changer les chefs, les structures, mais cela ne peut pas être envisagé
avec les mêmes idées. Pour l’instant l’aile conservatrice a le vent en poupe en
Israël et c’est elle qui impose son tempo. Mais en se rétrécissant, elle risque
de se réduire en poussant quelques éléments de valeur vers les extrêmes.
Le Likoud pourrait suivre les traces de l’UMP prouvant que rien n’est acquis. Il
flirte ouvertement avec l’extrême-droite, s’enfonce dans le conservatisme
économique et se compromet avec les activistes religieux et les orthodoxes.
Malgré ses promesses et celles de Moshé Kahlon, Netanyahou n’ose pas attaquer
de front les nombreux cartels économiques qui font la loi en Israël.
Le parti était pluriel du temps de Menahem Begin mais il est devenu le
parti d’un seul homme après le départ de Benny Begin, Dan Meridor, Sylvain
Shalom, Tsipi Livni et Naftali Bennett. Depuis la décision de recourir à de
nouvelles élections, certains militants, devant l’opposition grandissante du
parti à leur égard, pourraient envisager de le quitter pour fonder une autre structure comme Ariel Sharon l’avait fait le 21 novembre 2005, avec Kadima. Tout
dépend de l’évolution de l’opinion vis-à-vis de Netanyahou.
Il est trop tôt pour se prononcer sur ces élections dans l’attente des listes définitives,
des recompositions des partis et des alliances de circonstance. Le défi de
Netanyahou est de prouver qu’avec ces nouvelles élections il sera capable de
constituer une nouvelle majorité. Rien n’est moins sûr tant que durera le
chantage des micros partis.
"Benjamin Netanyahou, l'homme pressé", pressé par qui ?
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