Par Jacques BENILLOUCHE
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Les Arabes ne veulent toujours pas
renoncer à commémorer la Nakba, le 15 mai. On comprend la ferveur des
commémorations des victoires, mais on explique mal la persistance à vouloir se souvenir de la Nakba, la
catastrophe, la défaite arabe de 1948 et la création de l’État d’Israël, une défaite politique et non pas un génocide. D’année
en année, l’esprit de revanche s’amplifie et se transmet de génération en
génération parmi les Arabes israéliens qui se parent d’un sentiment national
jusqu’à rejeter leur citoyenneté israélienne et privilégier l’identité
palestinienne. Ils sont encouragés par les politiciens et les universitaires arabes
qui les poussent à maintenir la flamme d’un passé révolu qu’ils n’ont aucune
chance de voir refleurir.
Réfugiés arabes de 1948 |
Israël
est définitivement installé et les rassemblements, souvent violents, pour
marquer la Nakba créent plus de ressentiment que d’espoir. Dans les villes
arabes israéliennes, les drapeaux palestiniens sont brandis par une nouvelle
génération qui se radicalise avec un rejet total de l’identité israélienne. La
population arabe est ouvertement scindée en deux parties ; ceux qui sont
influencés par quelques leaders politiques islamistes irréductibles qui refusent leur
situation de minorité et ceux qui acceptent leur sort parce qu’ils y voient une évolution progressive de leur statut social.
On voit de plus en plus
d’Arabes dans les entreprises et pas seulement dans le bâtiment. La
discrimination positive, qui impose un quota dans les universités médicales, a
mis sur le marché de nombreux médecins et pharmaciens arabes qui ne souffrent
d’aucune discrimination ; au contraire ils deviennent indispensables dans un
marché du travail en crise.
Le député arabe Ahmed Tibi fait
partie de ceux qui défendent leur fond de commerce et entretiennent volontairement la rupture : «Le
terme Arabes israéliens est une erreur, ce n'est pas exact. Nous sommes
Palestiniens par nationalité et nous sommes citoyens israéliens. Ils disent
Arabes-israéliens ou Israéliens-arabes afin de dire que nous ne sommes pas
Palestiniens. Nous avons contourné cela. Nous faisons partie du peuple
palestinien et nous luttons pour être des citoyens égaux». Il est suivi par
d’autres intellectuels qui cherchent à cultiver la différence en refusant
l’égalité.
Ahmed Tibi |
La
population arabe augmente en Israël puisqu’elle est passée à 1,956 million face
à 6,870 millions de Juifs. Mais parmi ces Arabes, seuls les
Druzes et d'une certaine manière, les Bédouins, se sentent totalement intégrés et l’on explique cela par l'obligation du service
militaire qui est un excellent moyen d’intégration. Cette exception, d’origine
essentiellement sécuritaire, qui perdure depuis la création de l’État d’Israël, crée effectivement une dichotomie parce que le livret militaire est exigé par
de nombreux employeurs dans le cadre d’une certaine sélection car l’évaluation
militaire est sans faille. Mais l'absence de livret militaire est interprétée comme une discrimination à
l’embauche.
C’est donc
un cercle vicieux ; parce qu’ils ne font pas le service militaire, les
Arabes se considèrent comme de véritables Palestiniens. Malgré cela, paradoxalement,
ils refusent d’être transférés en Cisjordanie ou à Gaza et n’acceptent pas que
certaines de leurs villes, Oum el Fahm, Qara ou Ara soient définitivement
rattachées à la Cisjordanie en cas d’échange de territoires. Par ailleurs la nouvelle
loi sur l’État-nation leur donne l’impression d’être totalement mis à l’écart.
Netanyahou a effectivement affirmé que «Israël n'est pas un État pour tous
ses citoyens. Selon la loi fondamentale sur la nationalité que nous avons
adoptée, Israël est l'État-nation du peuple juif - et seulement lui».
Certains
pays européens s’affichent officiellement catholiques ou protestants sans que
cela choque l’opinion. Israël est un pays juif qui accepte en son sein des
minorités avec des droits reconnus. Malgré cela, les Arabes ont le sentiment d’être
relégués à la périphérie du peuple. Pourtant ils admettent qu’en comparant leur
situation à celle d’autres pays arabes, les Arabes israéliens vivent dans de
meilleures conditions.
Diplômés arabes en Israël |
Selon les
statistiques officielles du
Conseil de l'enseignement supérieur, le nombre d’Arabes israéliens candidats au
doctorat en Israël a plus que doublé au cours de la dernière décennie. Le
nombre est passé de 355 en 2008 à 759 en 2018, année durant laquelle 40% des
candidats étudiaient dans les domaines de l'ingénierie et des sciences
naturelles et 40% dans celui des sciences sociales. Au cours de la même
période, le nombre d'étudiants israélo-arabes dans les programmes de maîtrise a
augmenté de 90%. La plupart des doctorants israélo-arabes étudient à
l’Université de Haïfa, qui accueille 241 candidats, suivis de l’Université
hébraïque qui en héberge 131. La nouvelle université Ariel en Cisjordanie compte
déjà 44 étudiants arabes en master, mais aucun doctorant arabe.
Ces chiffres montrent que les Arabes
s’intègrent dans une société juive et que la commémoration de la Nakba est un
fait dépassé parce qu’elle retourne le couteau dans la plaie des nombreuses occasions
ratées par les Arabes. Alors bien sûr certains leaders s’élèvent contre le fait
que le
drapeau d’Israël, frappé de l’étoile de David, ne représente que la majorité
juive de la population et que l'Hatikva est faite sur mesure pour les Juifs. Mais ils doivent être convaincus que si le pays est certes juif,
les Arabes minoritaires disposent d’une citoyenneté pleine et entière, et d’une
réelle égalité. Seul un partenariat étendu et approfondi entre Juifs et Arabes
pourra jeter les bases d’une constitution ouverte à tous et développer le type
de relations justes et équitables à laquelle toute société se devrait
d’aspirer. Il faut tendre vers un modèle d’égalité participative fondé sur les
concepts universels de droits de l’homme, de justice, de dignité et
d’intégration, tout en respectant et en promouvant les spécificités historiques
et identitaires propres à chaque groupe au sein d’une société donnée.
Députés arabes expulsés de la Knesset |
La déclaration d’indépendance de l’État
d’Israël confirme la reconnaissance de la minorité arabe et sa protection en
tant que minorité nationale et communauté autochtone, dotée d’une identité
ethnique, linguistique, religieuse et culturelle distincte. Pour une meilleure
intégration scolaire et professionnelle, la langue arabe ne peut pas disposer d’une
égalité de statut officielle avec l’hébreu dans tous les domaines de la sphère
publique. Mais rien n’empêche, comme en France, que les Arabes gèrent leurs
propres institutions scolaires, culturelles et religieuses, à l’instar de la
communauté juive orthodoxe en matière d’éducation. Ils disposent déjà d’une
garantie d’une participation pleine et entière à la vie démocratique et d’une
représentation effective dans les instances décisionnelles de l’administration
et du gouvernement.
Mais cela ne passe pas par des
manifestations violentes, par l’incendie en public du drapeau de la nation et par
le refus de reconnaître les attributions juives de l’État. Les derniers troubles entre Juifs et Arabes, sous la provocation à la fois du Hamas et des extrémistes juifs, éloignent l'espoir d'une cohabitation pacifique à long terme. La confiance est rompue. Les Arabes ont combattu le covid-19 en Israël pour permettre au pays de devenir un exemple de réussite contre la pandémie. Ils se sont comportés comme de vrais citoyens israéliens. Mais, la Nakba est une
idéologie périmée qui fait encore espérer à des illuminés qu’ils pourront
détruire ce que l’ONU a décidé en 1947 et récupérer un pays qui n'est plus le leur. Tant qu'elle sera commémorée, l'esprit de vengeance persistera et le fossé entre Juifs et Arabes s'élargira.
RépondreSupprimerCher monsieur Benillouche,
Mais l'exemple ne vient-il pas du peuple juif de la diaspora lui-même, qui pendant presque deux mille ans, après la chute de Jérusalem en 70 de notre ère jusqu'à la création de l'État d'Israël en 1948, a prié toutes les années : "L'an prochain à Jérusalem" ?
Très cordialement
Merci pour votre article. J'ajouterais que les juifs ultra-orthodoxes sont aussi dispensés du service militaire. La secte des "Neturai Karta" ne reconnait même pas l'Etat d'Israël, car pour eux, seul le Messie à venir peut restaurer le Royaume de Jehuda. Il est à noter que malgré cela, et à de rares exceptions près, ils ne procèdent pas à de violentes manifestations, car ce sont eux qui s’auto discriminent.
RépondreSupprimerCher Monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerDe la meme facon que nous peuple juif persistons a commemorer les evenements de notre histoire, je comprends que les palestiens persistent a commemorer la Nakba. Le probleme n'est pas le fait de la commmemoration mais comment se fait la commemoration: en tant que victimes eternelles ou en tant que peuple qui a passe une epreuve marquante: et que font-ils de cette epreuve?
En tant qu'isralienne je pense que nous aurions eu egalment un role en ce sens. Nous aurions du faire un travail de memoire et de reconnaissance de la nakba en parallele a notre histoire avec les citoyens arabes israliens. Est-ce que cela aurait favorise la possibilite de faire passer cet evenement dans l'histoire et non pas de maintenir vif son souvenir de meme que la pertinence du point de vu arabe/palestinien d'une revanche sur des blessures non pansees?
Mais peut-etre que toutes ces considerations sont deja obsoletes, au milieu de la crise monumentale que nous traversons et qui nous ramene 73 ans en arriere, au bord de la guerre civile.
Je ne voulais jamais vivre en Israël, en côtoyant 45 % de palestiniens, du fleuve à la mer.
RépondreSupprimerAlors, cette séparation qui s’est déjà faite dans les têtes et se fera dans les faits, permettra 2 états, dont 1 sans armée et sans frontière avec la Jordanie.
On se côtoiera dans 30 ans, quand la Palestine aura compris son voisin, Israël, et que nous aidions nos voisins à percer dans le Monde, de par la symbiose d’objectifs communs.
@Frenkel David
RépondreSupprimerJe ne pratique pas la censure mais notre site n'est pas voué à faire de la pub pour des sites douteux comme Dreuz.
Continuez à le lire mais nous, nous préférons nous abstenir, c'est notre droit.
Tous Les gouvernements israéliens de gauche et ceux de droite qui ont succédé ont commis l'erreur aprés 1967 de croire que la guerre d'indépendance était terminée et que le conflit se réglerait par négociations partielles mixées à des abandons territoriaux. De plus ils ont promu imprudemment à grande échelle et trés rapidement la discrimination positive vis à vis de la population arabe israélienne imaginant sans considération de la théologie de l'Islam et de ses liens avec les palestiniens dont on connait les buts que les progrés économiques et sociaux seraient suffisants pour pacifier la société dans le simple cadre d'un "contrat social" qui "changerait les coeurs". Cette seconde erreur était encore plus difficile à éviter dans le contexte démocratique des pays occidentaux auquel Israel s'est joint au niveau de valeurs abstraites en vigueur dans l'Union européenne. Israel et ses hautes institutions telles que la Cour Supreme en portent une responsabilté indéniable. En effet elles ont écarté par aveuglement d'un revers les signaux pourtant non ambigues des partis politiques arabes qui sont ouvertement antisionistes-donc souhaitent la destruction de l'Etat juif au profit de l'illusion humaniste noyée dans "l'état de tous les citoyens" non subordonnée à des critéres et des conditions drastiques d'acceptation liées à la survie de l'Etat juif. Conséquence : La réalité explose au vu de tous ... et partout, cet échec n'étant pas limité à Israel qui le subit encore plus fort és qualité de "canari dans la mine" !
RépondreSupprimerMonsieur Benillouche, avec tout mon respect, et par les temps graves qui courent, je trouve curieux que vous prétextez le fait que ce sont, selon vos dires, des sites douteux, pour refuser de mettre à la connaissance du public un article rédigé par le journal Le Monde, et même refusez de publier le lien http://www.danilette.com/les-juifs-n-ont-pris-la-terre-de-personne-joseph-farah.html
RépondreSupprimer@frenkel David
RépondreSupprimerComment peut-on lire Dreuz, ce site propagandiste d’extrême-droite qui distille tantôt sa haine de la France tantôt sa haine des États-Unis de Biden avec autant de légèreté qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine....