LE RÊVE ET LA
RÉALITÉ DE L’ALYAH
Par Jacques
BENILLOUCHE
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Il est étonnant que les Francophones ne
fassent parler d’eux qu’en période d’élections. Il est vrai qu’ils ne
représentent pas un électorat qui vote de manière massive. On évalue à plus de 100.000 leur nombre en Israël ce qui, en nombre de députés, représentent deux sièges
dans le meilleur cas. C'est pourquoi les deux principales listes, le Likoud et Bleu
Blanc, n’ont pas estimé nécessaire de mettre des candidats francophones
dans leurs listes, à fortiori dans des places réservées par les leaders. Ces électeurs sont devenus une bonne «clientèle» pour les orthodoxes et les sionistes religieux qui se
réveillent à eux, à chaque élection, en les brossant dans le sens du poil et en
leur donnant quelques miettes pour satisfaire leur ego.
Affiche de campagne où les généraux sont des gauchistes et les religieux des sionistes |
Les Francophones se radicalisent en Israël, en quittant la tradition de leurs pères en Afrique du Nord pour embrasser la religion avec une attitude de conservatisme intransigeant, loin du modernisme, au point de donner souvent leur âme à un gourou qui les oriente vers les partis
d’extrême-droite, tenants d’une politique agressive négative à l'égard des Arabes. C’est pourquoi
la droite et le centre estiment qu’ils représente un électorat perdu pour eux pour
ne faire aucun effort pour les attirer. Même sur le plan local, ils représentent
dans certaines villes à peine quelques conseillers municipaux.
Mais ils ne sont pas perdus pour
tout le monde puisque certains leaders, en chute libre dans les sondages, ont compris qu’ils pouvaient les exploiter
en les intégrant à leurs listes, mais à
des places inéligibles, dans le but de drainer quelques
militants fiers de côtoyer de grands dirigeants. L’honneur d’être candidats, avec leurs photos sur les murs comme alibi, donne du zèle à
plusieurs naïfs qui se démènent en fait pour faire entrer à la Knesset d’autres
candidats qu’eux.
Pour faire bonne mesure, la rengaine de faire venir tous les
Juifs de France en Israël se joue régulièrement sous prétexte qu’il faut les mettre
à l’abri d’un antisémitisme. Mais on feint d’ignorer qu’il n’existe pas en
France d’antisémitisme d’Etat, a fortiori pas gouvernemental. Des groupuscules
racistes et islamistes, qui ont toujours existé, font peur parce que la communauté est mal structurée et
divisée et que sa voix n’est pas portée par des organisations juives dépassées.
Naftali Bennett est chargé de stimuler les efforts visant à faire venir les Juifs de France |
Alors on se donne en Israël des programmes ambitieux et,
plus c’est gros et irréel, plus cela mobilise,
et plus on y croit. Un micro-parti, qui plafonne entre 6 et 8 députés dans les
sondages, a la prétention de faire venir 50.000 Juifs de France, rien de moins
alors qu’à peine 2.660 Juifs font le saut chaque année, exception faite des
années 2014 et 2015 qui ont connu une fausse alyah, une alyah "fiscale" imposée
par les banques pour libérer les fonds de quelques épargnants juifs français.
Le gouvernement israélien ne voit pas l’intérêt de faire des
exceptions pour la communauté française puisque, sans effort particulier,
l’alyah en général a une croissance permanente. En 2018, tous pays confondus, elle
a encore augmenté de 5%. Mais l’alyah française a chuté de 25%. Les immigrants
ont été au nombre de 29.600 contre 28.220 en 2017 qui se répartissent ainsi :
10.500 Russes (+45%), 6.500 Ukrainiens (-9%), 3.500 Américains du Nord
(stable), 660 Brésiliens (-4%), 330 Anglais (-4%), 330 Argentins (+17%) et 320
Africains du Sud (+2%).
En fait, Israël a fait le choix d'une alyah de nécessité, moins exigeante, qui permet à des Juifs de quitter un pays dangereux
ou en difficulté financière. Les Français sont considérés comme des immigrants à
part parce qu’ils restent toujours un contact avec leur pays d’origine, se gardant la possibilité d’un retour en France où les conditions sociales sont
exceptionnelles, Alors au lieu de piaffer qu’il faut faire venir 50.000
Français et si le jeu en vaut la chandelle, les leaders devraient anticiper leur besoin car
malgré des convictions sionistes, les conditions matérielles priment sur
la volonté de sacrifice.
On ne peut pas crier de manière
régulière : alyah, alyah ! sans s’en donner les moyens . Il ne suffit
pas de convaincre les Juifs français que leur place est en Israël. L’alyah doit
être un choix réfléchi par conviction et non pas par obligation. Les Juifs vivent partout dans le monde libre et ils sont utiles à Israël dans leurs pays respectifs. On ne peut pas comparer ces Juifs à ceux qui ont fait l'objet de départs massifs des pays arabes non démocratiques.
Pour encourager les départs, il faut
certaines modifications de la législation, même s’il faut choquer certaines
communautés. Les diplômes américains, anglais et français sont d’une qualité et d'une exactitude remarquables par opposition aux diplômes russes, arméniens ou
même hongrois dont la plupart sont des faux grossiers. On vient d’ailleurs
d’arrêter quelques médecins en Israël munis de faux diplômes arméniens. Alors on
a généralisé les règles pour tout le monde ; les diplômes étrangers, quels
qu’ils soient, doivent être validés en Israël, qu'il s'agisse de chefs de clinique, d'infirmières ou d'experts-comptables ayant des années d'expérience. Les Français doivent obtenir des dérogations massives car les
universités françaises sont sérieuses, et non pas quelques équivalences données à l'unité pour calmer certaines grognes.
Constructions de Cisjordanie |
Les 50.000 nouveaux immigrants qui sont
censés venir en masse et qui sont propriétaires d’un appartement en France ne peuvent
rien acheter en Israël s’ils vendent le leur car les prix israéliens sont
devenus irrationnels. Inutile de parler des prix inabordables à Tel Aviv. Mais
il faut à présent au moins 500.000 euros à Jérusalem, Raanana, Ashdod, Netanya,
Haïfa et même Bat-Yam pour s’offrir l’équivalent en France.
Alors bien sûr, et
c’est l’objectif du gouvernement, on force les nouveaux immigrants à peupler la
Cisjordanie. Mais il est improbable que les quarantenaires parisiens, médecins,
experts-comptables, avocats et ingénieurs acceptent de loger à Elkana sous la
protection permanente de Tsahal. Pourtant le gouvernement a une solution aisée,
distribuer des terres domaniales à l’intérieur de la ligne verte, aux environs
des grandes villes pour y construire des logements sociaux avec un taux réduit
de TVA. Dès qu’un immigrant dispose d’un logement à un prix abordable, alors la
moitié de son chemin est déjà tracée.
Les candidats aux élections de 2019, qui courent
après les voix, devraient comprendre qu’il faut baisser le coût de la vie alors
que les salaires stagnent à 5.200 shekels par mois pour des emplois difficiles
qui ne trouvent pas preneurs. En conséquence, les Arabes des territoires investissent le
pays et se rendent indispensables. Or, il suffit de baisser la TVA sur les
produits alimentaires de 17 à 7% pour faire baisser les prix de 10% et
augmenter celle des autres produits à 20% pour compenser les entrées
financières du pays. Cela permettra à la ménagère d'avoir 500 shekels de plus dans son panier sans qu’il soit nécessaire de crier à l’atteinte au budget militaire.
Quant on voit les nombreuses voitures de grand luxe qui circulent avec des
plaques nouvelles, on comprend que leurs détenteurs ne sont pas à 10.000
shekels près. Kahlon avait promis de contrer les monopoles alimentaires qui se
sucrent sur le dos des défavorisés mais sa promesse n'a pas été tenue. Par ailleurs il faut
que les revenus du gaz profitent à la population et non pas à une caste ou à un
fonds de pension aux États-Unis.
Alors il ne faut pas mettre la
charrue avant les bœufs ; il faut légiférer avant de faire appel aux Juifs
de l’étranger. Tous les candidats
députés, Moshé Kahlon en particulier, ont fait des promesses qu’ils n’ont pas tenues. Ils vont être sanctionnés et c'est de bonne guerre. Ils se seraient grandis en démissionnant, quitte à faire
tomber la coalition. Seulement l’attrait d’un portefeuille ministériel est trop
grand pour s’en priver.
Les économistes ont beaucoup d’autres idées réalisables
si on leur ouvre les possibilités. On se glose qu'Israël est une nation startup, mais seulement 10% de la population en profite tandis que les autres autres attendent encore des jours meilleurs. Alors on traite ce langage de "gauchiste" parce qu'il n'existe aucun argument sérieux à opposer. On s'enferme dans le débat sur un ou deux Etats alors les classes moyennes sont à présent touchées.
Mais ce qui est gênant dans cette campagne électorale qui s’ouvre, c’est que l’on
parle moins des programmes économiques et sociaux que des personnes. C'est un concours de "belles gueules" où l'on vote pour un homme et son allure et pas pour son programme. On vote pour des illusionnistes qui
font miroiter un rêve mais qui se perdent ensuite dans les travées de la
Knesset. Les jeunes candidats qui ont
des convictions de droite ou de gauche sont éliminés parce qu’ils sont accusés
de vouloir secouer le cocotier des rentiers de la politique. Il ne leur reste plus que le rêve.
Le programme de Netanyahu " Votez Bibi ne votez pas Tibi " Affligeant . Est ce le début de la sénilité? Ou bien a force de fréquenter Poutine et Trump une contagion sans retour ?
RépondreSupprimerBon article qui décrit bien la situation des français juifs face à l’alyah.
RépondreSupprimerIl n’y a effectivement aucune injonction à faire les concernant, même si toutefois on ne peut nier leurs difficultés actuelles face à l’antisémitisme qui paraît échapper aux gouvernants non pas par les mots mais par les solutions à y apporter.
Cette suffisance qui incite les juifs à quitter la France ne s’arrête pas là car certains se permettent contre toute logique de faire campagne pour les prochaines élections israéliennes:
"La coalition de gauche va se servir des douze voix arabes antisionistes pour former un gouvernement" Meyer Habib, député des Français de l'étranger.
De quoi se mêle- t-il et de qui se moque -t-il?
Bien à toi
Triste analyse mais vrai
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