La biographie d’André
Tardieu (Éditions Perrin) vient de sortir en librairie. Ce livre m’est
particulièrement précieux. Des centaines de cartons poussiéreux de ses archives
personnelles, lettres privées, manuscrits d’ouvrages et d’articles, carnets,
comptes bancaires, notes et rapports, ensevelis depuis 80 ans, m’ont ouvert les
portes de l’histoire de sa vie et de ses passions.
Ce personnage qui a
vécu de 1876 à 1945 est sans doute l’un des hommes d’État les plus lettrés et
les plus lucides du XXe siècle. Plusieurs fois ministre, trois fois
président du Conseil, obsédé par le bien commun et l’intérêt de la France, il a
tenté en vain de bousculer la routine d’un régime en plein effondrement.
Visionnaire, il annonçait, avant tout le monde, la déchéance de la IIIe
République et le péril hitlérien dès 1931, dans l’indifférence absolue,
l’aveuglement et le pacifisme de la société française «d’en
haut». Ses propositions de réformes sont à la source de la Ve
République du Général de Gaulle, en tout cas telle qu’elle fut à ses débuts.
Insulté, jalousé,
outragé, caricaturé en permanence, en butte à la médiocrité et à la haine, il a
terminé sa vie en ermite, sur sa montagne à Menton, avec l’ambition de
s’adresser directement au peuple qu’il aimait d’un amour sincère pour sauver le
pays, un peuple en qui il voyait le dernier recours face au péril du déclin et
de la poussée hitlérienne.
La masse gigantesque des pièces écrites qu’il a
laissées pourfend son image de «Mirobolant». Nous y
découvrons bien au contraire un homme profondément tourmenté par ses intuitions
prophétiques. Certes, amoureux passionné des plaisirs de la vie, de l’humour et
de la bonne chère, mais cet épicurisme outrancier n’était rien d’autre qu’une
réaction contre ses tourments intérieurs.
Pour un biographe, le risque de trop s’attacher à son
personnage est sans doute de perdre l’objectivité à son égard. J’ai voulu me
garder de ce travers en ne dissimulant absolument rien de ses faiblesses, de
ses excès et de ses défauts, par exemple sa misanthropie (envers les hommes du
régime et les partis), son intransigeance, et son mépris pour tout ce qu’il
qualifiait de médiocrité. Le message prophétique d’André Tardieu est d’une
richesse infinie pour notre époque.
Mais ce qui me sidère toujours, c’est
l’injustice de la postérité, le drame de l’oubli et pire, celui du dénigrement
et de la calomnie par-delà les décennies ou les siècles. La médiocrité et la
jalousie doivent-elle avoir le dernier mot ? Mon espérance, dans cet ouvrage, a
été d’essayer de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, sur un
authentique homme d’État, un homme d’État à l’image de ceux dont la France
aurait tant besoin aujourd’hui.
Editions Perrin23,50€
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