SURENCHÈRE CHEZ
LES PALESTINIENS
Par Jacques
BENILLOUCHE
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Jusqu’à présent le Fatah de
Cisjordanie se distinguait du Hamas de Gaza par une stratégie indépendante
plutôt modérée. La collaboration étroite entre services sécuritaires de
l’Autorité et d’Israël permettait de réduire la tension car étaient en jeu les
100.000 autorisations de travail distribuées aux ouvriers arabes pour travailler
en Israël de manière quotidienne. Des centaines de milliers de familles subviennent
ainsi largement à leurs besoins. Mais c’était sans compter sur les rivalités
entre les deux clans qui poussent les extrémistes à agir contre les
instructions de leurs dirigeants.
Tsahal à Guivat Asaf |
Pour ne pas être en reste, des
militants du Fatah ont décidé de se joindre aux opérations terroristes avec le risque
de modifier le statu quo dans la région. Les cellules du Hamas en Cisjordanie
ont réussi à convaincre les Tanzim, branche armée du Fatah, à reprendre du
service pour apporter leur soutien dans les attaques qui ont coûté la vie à
cinq israéliens et blessé 12 personnes. Cela explique pourquoi le criminel de
Barkan, qui a assassiné deux Israéliens, a trouvé refuge et protection dans le
camp de réfugiés Askar de Naplouse pendant de nombreux jours. Les Tanzim ont aidé les réseaux clandestins du Hamas à assassiner à l’arme automatique deux
soldats au carrefour Asaf Hill près de Bethel. Les Palestiniens se défendent en
prétendant que le groupe des Tanzim n’est pas entièrement impliqué mais que seule une
petite faction activiste a fait scission en prenant le nom de «Brigades du
martyr Amoudi», constituées de vétérans de l’Intifada.
Assassin de Barkan |
Les services israéliens de sécurité
sont à présent convaincus qu’il y a collusion entre le Hamas et le Fatah qui
agit en toute impunité, au centre de Ramallah, avec la protection de
l’Autorité. Les méthodes ont changé puisqu’il s’agit véritablement de
techniques militaires avancées avec des terroristes qui utilisent des armes
automatiques et des véhicules pour assurer leur fuite rapide. Cette méthode
avait déjà été utilisée le 9 janvier lors de l’assassinat du rabbin Raziel
Shevah devant chez lui. Les Tanzim sont
chez eux dans une région qu’ils connaissent parfaitement ; ils peuvent à
la fois fournir des cachettes sûres et assurer une complicité de la population,
ce qui explique le temps qui a été mis à découvrir l’assassin de Barkan. Ils
ont organisé avec le Hamas des émeutes populaires pour créer des d’obstacles
sur les routes afin de gêner ou bloquer la progression de l’armée.
Pour ne pas perdre la main, Mahmoud
Abbas s’est senti obligé de suivre le mouvement en réduisant la coopération
entre ses services sécuritaires et ceux d’Israël pour donner libre cours aux
terroristes. En fait il hésite toujours pour choisir sa stratégie. Ainsi il a
laissé les Tanzim appeler la population palestinienne, le 14 décembre, à
soutenir les terroristes qualifiés de «héros palestiniens», mais
par ailleurs, il interdit les rassemblements similaires à ceux de Gaza pour
éviter tout risque sérieux de débordement.
Cependant, cette collusion
Fatah-Hamas à des origines politiques. Le vice-président de l'Autorité
palestinienne et membre du comité central du Fatah depuis 2009, Mahmoud
Al-Aloul, se positionne en successeur putatif de Mahmoud Abbas dès son départ à
la retraite. Pour réussir, il veut rassembler toute la population
palestinienne, sans distinction, en envisageant même une troisième Intifada, la
seule à pouvoir réunir les frères ennemis.
Mahmoud Al-Aloul |
Pour l’instant rien n’est prévu par
Israël pour contrecarrer les troubles dans toute la Cisjordanie. Netanyahou
poursuit son objectif de briser l’élan commun en modérant ses actions contre le
Hamas et en tentant une paix séparée avec lui, sous l’égide de l’Égypte, pour empêcher l’avènement d’un État
palestinien englobant la Cisjordanie et Gaza. Encore faut-il que la terreur en
Cisjordanie ne vienne pas s’opposer au projet de Netanyahou. Les attentats
prouvent que cette stratégie est défaillante. Ramallah et Gaza ne
font désormais plus qu'un, ce qui a poussé Tsahal a agir avec force pour éliminer
les terroristes palestiniens. Israël veut éviter l’ouverture d’un troisième
front de combat, et de loin le plus dangereux, car il faut agir au cœur même des villes des territoires.
Si la Cisjordanie se «militarise»,
alors Israël sera contraint de faire intervenir l'armée de manière plus
intense, les unités d’élite en particulier. Le jeudi 13 décembre, l’OLP et le
mouvement Fatah ont demandé aux Palestiniens de donner des réponses plus fermes
aux attaques des militaires israéliens en Cisjordanie. Le vendredi 14 décembre 2018, diverses
villes dont Ramallah, al-Bireh et Jérusalem, étaient le théâtre de forts
affrontements entre les forces israéliennes et palestiniennes.
Le comité exécutif de
l’OLP se montre lui-aussi plus actif pour faire de la surenchère. Ainsi il a condamné
«les crimes d’Israël, dont la tuerie des citoyens palestiniens, les
irruptions des forces de sécurité israéliennes dans les villes et les villages
palestiniens et leurs offensives en Cisjordanie ainsi que l’arrestation des
civils et les punitions collectives des Palestiniens notamment en Cisjordanie».
Mais pour la première fois depuis plusieurs mois, l’OLP a appelé les habitants
des territoires à se lancer dans le combat. En écho, le comité palestinien a
demandé aux pays arabes de revenir sur leur décision de normalisation des
relations bilatérales avec Israël. Mahmoud Abbas tient en mains les cartes de l'avenir des Palestiniens.
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