LES JUIFS DE TUNISIE ONT ÉCHAPPÉ À
LA SHOAH
Par Jacques BENILLOUCHE
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La grande synagogue de Tunis |
Des titres d’articles publiés dans certains sites dérangent car non seulement ils sont trompeurs mais ils correspondent à des faits inexacts, du domaine de la désinformation. Ils répondent en fait à une volonté déplacée de dramatisation. Dans une sorte de jalousie morbide, certains séfarades de Tunisie cherchent à présent à mettre, sur un même plan, l'extermination des Juifs de toute l'Europe et les exactions subies par les Juifs tunisiens durant six mois de novembre 1942 au 7 mai 1943 avec un paroxysme atteint lors de la rafle du 9 décembre 1942.
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Solution finale
Travailleurs juifs |
Certes la Tunisie et la Libye sont les deux seuls pays d’Afrique du Nord à avoir subi la présence nazie mais la «solution finale» n’a jamais eu le moindre début de réalisation et l’horreur nazie, heureusement, n’avait pas encore atteint ces deux pays. Les Juifs n'étaient pas tenus de porter un signe distinctif ou une étoile comme en Europe. Dans certains villages lointains du sud, certains fascistes français avaient fait du zèle pour forcer les Juifs à la porter mais ce fut dans un cadre restreint et certainement pas dans la capitale Tunis.
Certains camions d'extermination avaient certes été débarqués mais leur fonctionnement n'a jamais commencé. Comparer ce qui n’est pas comparable est une atteinte à la mémoire des six millions de Juifs assassinés dans les camps d’extermination. Et certains continuent à diffuser des fausses informations, cherchant ainsi à multiplier la souffrance juive tunisienne.
Certains camions d'extermination avaient certes été débarqués mais leur fonctionnement n'a jamais commencé. Comparer ce qui n’est pas comparable est une atteinte à la mémoire des six millions de Juifs assassinés dans les camps d’extermination. Et certains continuent à diffuser des fausses informations, cherchant ainsi à multiplier la souffrance juive tunisienne.
Alors des rêveurs peu attachés à la réalité de l'Histoire tentent de nous démontrer, sans base historique sérieuse, que la Tunisie a subi une situation comparable à celle des Juifs européens alors qu’il y a des degrés d’horreur qui n'ont pas été dépassés. Ils parlent de «4.000 Juifs tunisiens déportés par les Nazis» alors que la notion de déportation n’a pas été la même. Quand à Yad Vashem, une partie de la communauté juive de Tunisie décide de rendre un hommage aux 4.000 Juifs Tunisiens "déportés" par les Nazis. Il s’agit d’une escroquerie intellectuelle car la notion de déportation ne doit concerner que le cas des victimes envoyées dans les camps d’extermination. La vérité est toute autre, elle a été racontée par des témoins qui ont vécu les événements.
L’armée nazie a occupé la Tunisie après avoir importé avec elle toutes ses méthodes coercitives et ses experts pour la construction de fours crématoires qui devaient fonctionner comme en Europe ; mais les alliés, arrivés fort heureusement à temps, ont réduit à néant ce projet d’extermination. En revanche, les menaces, le racket, la prise d’otages et les intimidations étaient devenus les attributs de la domination quotidienne. Les Juifs constituaient la cible principale des exactions parce qu’ils symbolisaient le Peuple Élu et ils devaient donc en assumer les conséquences.
Ils avaient reçu l’ordre non négociable de fournir une main d’œuvre gratuite à une armée d’occupation agissant en toute impunité. Les Maltais, les Italiens et les Arabes étaient en revanche exemptés du travail forcé.
La population juive de Tunisie avait reçu le choc de l’occupation comme une punition divine. Elle vivait jusqu’alors paisiblement et elle ne pouvait imaginer un jour être soumise à un malheur de cette envergure. Les armées allemandes, avec l’aide d’officiers S.S peu scrupuleux cherchant à s’enrichir au prétexte de la guerre, avaient exigé le financement de leur occupation par la seule population juive. Une minorité de civils devaient ainsi payer les frais de séjour et les dépenses personnelles d’invités non sollicités.
Les dirigeants de la communauté juive, réunis à l’école de l’Alliance israélite, s’étaient vus sommés, sous la menace de représailles ou d’exécution d’otages, de verser des rançons de plus en plus élevées. Le montant des amendes collectives disproportionnées augmentait à chaque versement. Le sinistre colonel S.S Rauff, créateur des camions à gaz, avait exigé des responsables juifs qu’ils équipent en pelles, pioches et tenues de travail deux mille jeunes juifs pour être mobilisés dans les chantiers militaires.
Réunion des travailleurs face à l'Alliance israélite |
Amendes collectives
Les responsables de la communauté de l’époque, dénués de charisme et d’autorité, ne disposaient d’aucune liste nominative. Aucun recensement communautaire n’avait été établi et ils ne pouvaient compter que sur la persuasion individuelle pour les sortir du mauvais pas. Peu de jeunes s’étaient portés volontaires pour manier la pelle et la pioche ; le quota de jeunes imposé par les nazis ne pouvait pas être atteint en si peu de temps. La solidarité juive restait un vain mot de littérature puisque chaque foyer défendait d’abord ses propres intérêts quand il n’essayait pas de soudoyer les responsables. Les dirigeants juifs espéraient inciter la majorité des jeunes, oisifs depuis leur exclusion des lycées français en raison des lois pétainistes, à se présenter en leur proposant un salaire attractif. Mais malgré leur désœuvrement, les jeunes ne se faisaient pas à l’idée d’un travail forcé peu motivant et ils n’hésitèrent pas à user de tous les stratagèmes, corruption comprise, pour se soustraire à ce volontariat en mettant en danger la vie des notables emprisonnés en tant qu'otages.
Réunion des travailleurs avant le départ |
Les femmes acceptèrent en revanche de se défaire de ce qu’elles considéraient comme une assurance-vie, un pactole pour la retraite ou tout simplement une réserve pour les mauvais moments. Elles abandonnèrent, au titre de la rançon, le petit bijou en or fêtant la naissance de chaque enfant dont la valeur dépendait du capital amour investi par le couple. Pour concrétiser les exigences allemandes, les bagues, les colliers et tous les bijoux en or étaient collectés pour répondre au chantage des représailles collectives. Ces rançons calmaient la mauvaise humeur des Allemands et protégeaient tous les jeunes garçons réquisitionnés pour servir de travailleurs esclaves.
Pendant que les hommes de 18 à 45 ans étaient envoyés dans les ports pour aménager les quais, à la campagne pour consolider les bâtisses militaires, dans les aéroports pour colmater les trous des pistes d’atterrissage endommagés par les bombes des alliés et en périphérie pour creuser et bâtir des tranchées et des ouvrages défensifs, les rabbins se mobilisaient pour invoquer la clémence divine qui refusait de se manifester. Mais jamais les enfants, les femmes et les vieillards n’ont été envoyés dans ces camps comme à l’occasion de la rafle de Paris durant laquelle les policiers français ne firent aucune exception.
Les travailleurs forcés, tous de sexe masculin, étaient convoqués près de l’école de l’Alliance comme le montrent les quelques photos d’époque. La liste était établie par les autorités juives elles-mêmes qui faisaient leur propre sélection. Les jeunes, qui travaillaient dur mais vivaient à quelques kilomètres de leurs familles, bénéficiaient de réseaux organisés pour leur venir en aide matérielle et en nourriture. C’est pourquoi les chiffres officiels citent, seulement, la mort de trente-huit travailleurs, chiffre certes beaucoup trop élevé aux yeux des familles, mais infime par rapport aux victimes européennes.
Bien que cela soit déjà trop, nous sommes loin de l’hécatombe de la rafle du Vel d’hiv ou des pays de l’Est. Les travailleurs n'ont jamais quitté la Tunisie comme pourrait le faire croire leur qualification de déportés et ils ont retrouvé leur liberté à l'arrivée des alliés. Les seuls 14 Tunisiens qui ont fini dans un camp de concentration en Europe ont été ceux qui vivaient en France, à l'instar du champion du monde de boxe Young Pérez, et qui ont été raflés comme les autres Juifs français.
Victimes civiles des Nazis |
Bien que cela soit déjà trop, nous sommes loin de l’hécatombe de la rafle du Vel d’hiv ou des pays de l’Est. Les travailleurs n'ont jamais quitté la Tunisie comme pourrait le faire croire leur qualification de déportés et ils ont retrouvé leur liberté à l'arrivée des alliés. Les seuls 14 Tunisiens qui ont fini dans un camp de concentration en Europe ont été ceux qui vivaient en France, à l'instar du champion du monde de boxe Young Pérez, et qui ont été raflés comme les autres Juifs français.
Déportés tunisiens en camps nazis |
C’est pourquoi il y a une certaine indécence à vouloir grossir les faits des exactions tunisiennes, déplorables certes, parce que cela minimise d’autant l’horreur qu’ont subie nos frères de toute l'Europe. Il ne s'agit pas de négliger les souffrances des Juifs de Tunisie pendant la guerre mais de les relativiser. Les notions de Shoah, de camps et de déportés ne doivent être utilisées qu’à bon escient quand elles concernent uniquement les camps de concentration. Il n'y a pas eu de Shoah en Tunisie.
Et pourtant, les six mois d’occupation allemande de la Tunisie et ses conséquences pour la communauté juive ont été étudiés avec minutie par un grand historien, Paul Sebag, dont les travaux sont la référence ultime sur la question. La tendance chez certains à affabuler sur le sort des communautés juives durant la Seconde Guerre mondiale se retrouve également à propos de l’Algérie et du Maroc (qui n’ont jamais ete occupés par l’Allemagne). Il existe aussi une tendance chez certains à magnifier, non sans une certaine servilité, le rôle qu’auraient joué le sultan du Maroc et le bey de Tunis dans la protection des Juifs.
RépondreSupprimerMerci de rétablir la vérité. Et de garder à la shoah son caractère unique et sacré.
RépondreSupprimerTrès bon article qui remet les pendules à l’heure. Non les juifs tunisiens n’ont pas subi la Shoah, c’est un fait. C’est offenser ceux qui l’ont endurée que de déclarer le contraire. En Europe des familles entières furent exterminées.
RépondreSupprimerLes juifs qui en réchappèrent furent ceux qui ne portèrent pas l’étoile jaune, qui ne se déclarèrent pas auprès de leur commissariat respectif, ceux qui eurent la chance de se sauver ou de se cacher à temps après que leurs voisins ou concierges les eurent dénoncés.
Nul ne peut et ne doit jamais s’identifier à ce que les juifs ont subi en Europe à moins de leur faire injure.
Et puisque l’occasion m’est donnée ici, j’ouvre une parenthèse qui me tient à cœur : certaines de mes connaissances ou amis ashkénazes « revendiquent » comme étant les seuls à avoir été victimes de la Shoah. Cela me fait bondir car c’est absolument, totalement FAUX!! Je parle notamment de la France où vivaient beaucoup de sepharades qui étaient issus de Turquie, de Grèce, des Balkans ect....ceux-là non plus ne firent pas exception à la déportation et à l’extermination.
RépondreSupprimerFermez la parenthèse.
Merci pour cet article de fond car je commençais a douter sur les événements certes tragiques qui se sont produits en Afrique du nord. La Shoah n est pas extensible mais peut être les ressources d indemnisation dépassent le nombre de survivants encore vivants .
RépondreSupprimerIl aurait été en effet préférable de distribuer des allocations a des survivants dans le besoin en Israël plutôt que de donner un faut sentiment de la Shoah en Afrique.Cette mesure a même surpris mes bons amis tunisiens.
Que faisait en Tunisie le colonel Rauff, expert en extermination et en camions de la mort, si ce n'est que pour organiser le programme nazi.Il avait affaire a un president de communauté Borgel qui venait de terminer le projet de la grande synagogue de l'avenue de Paris, ni inexpérimenté ni prévenu face aux nazis. Albert Memmi avait ecrit d'un piteux effort de ne donner que des listes de personnes ordinaires et de preserver les "elites" du judaïsme tunisien.Les allemands utilisaient des listes pour visiter les maisons juives, y compris notre immeuble, et perquisitionner les articles de valeur comme les radios et les machines a coudre qui étaient achemines vers des depots. Le cousin Roger et des voisins avaient réquisitionnes comme travailleurs obligatoires et etaient revenus en aillons, pouilleux et malades. Le programme nazi était limite avec un front des allies a 60 kms . Les juifs tunisiens de l’époque avaient échappés belle
RépondreSupprimermais je voudrais a posteriori rajouter quelques petites corrections basées sur les vécu de mes chers parents (z"l):
RépondreSupprimertout d'abord il faut rappeler dans le récit de la souffrance des tunisiens les terribles bombardements des forces alliées sur Tunis qui ont fait des morts parmi la population tunisienne et surtout des traumatismes psychologiques chez les enfants.
De plus, les allemands ont réquisitionné de nombreuses usines(dont l'atelier de confection où travaillait ma mère Gisele Bokobza z"l qui a du pendant des mois confectionner des chemises pour les soldats sous la menace des armes).
Si tu veux vraiment te pencher sur la vérité historique, il nous faut hélas rappeler les exactions commises par les soldats nazis sur les femmes tunisiennes (on n'en parle pas car c'est un sujet très douloureux et donc occulté).
De plus, on peut parler de déportation car par exemple mon père a été envoyé dans un camp de travail forcé dans le sud de la Tunisie à la frontière libyenne pour casser des pierres et construire des routes dans le désert vers les champs de bataille que menait l'armée nazie face aux forces anglaises. Les conditions y étaient très difficiles.
Bien sur, comme tu dis, ce n'est pas comparable avec la Shoa en Europe mais la souffrance des tunisiens a marqué tout le restant de leur vie.
Cette occupation spécifique de la Tunisie par a l'Algérie et au Maroc est peut-être a l'origine d'une meilleure compréhension du drame vécu par les juifs européens.
RépondreSupprimerCertains éléments de l'arrestation de mon père à Tunis ( par des Francais...) m'ont permis de pressentir les dérives auxquelles nous assistons, aujourd'hui.
La mise en perspective des évènements de Tunisie par rapport à la Shoah ne doit, effectivement, pas laisser place au doute ; ce qu'ont enduré les juifs d'eurd'E est sans commune mesure avec l'occupation de la Tunisie.
Et mon regretté père en avait conscience...