LE RETRAIT AMÉRICAIN DE SYRIE BOULEVERSE LA SÉCURITÉ ISRAÉLIENNE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Base américaine à Manbij en Syrie |
Donald Trump a pris une décision symbolique. Le départ des 2.200 soldats américains, essentiellement des
forces spéciales, changera le rapport des forces dans la région. Ces
troupes avaient pour mission de former et de conseiller les forces locales
combattant Daesh. Les Américains continueront à frapper la Syrie si nécessaire
et à faire tourner leurs drones au dessus de Damas. Pour Trump : «Nous
avons vaincu l'État islamique en Syrie, la seule raison pour laquelle j'étais
là-bas pendant la présidence Trump».
Cette décision brouille la
politique américaine au Moyen-Orient, alors que l'administration Trump venait
de relancer ses frappes militaires en Syrie. Elle avait pourtant adopté une
politique à trois niveaux en Syrie visant la défaite durable de Daesh, le retrait
de l'Iran et un règlement politique irréversible soutenu par les Nations Unies.
Ce processus vise à modifier la constitution syrienne avec, en vue,
éventuellement, le limogeage du
président Bachar al-Assad.
En quittant la Syrie, les
Américains cherchent indirectement à susciter une OTAN arabe qui prendrait la
relève des Etats-Unis car ils ne souhaitent plus rester les gendarmes du monde.
Mais, du même coup, ils installent Vladimir Poutine en maître du Proche-Orient.
En effet, avec ses soldats, Trump disposait d’un moyen unique de pression pour
amener les Russes et l’Iran à la table des négociations et relancer le
processus de paix dirigé par l'ONU. L’envoyé américain en Syrie, Jim Jeffrey, a
estimé que «la communauté internationale devait mettre fin au
processus d’Astana, dirigé par la Russie, faute de progrès dans l’élaboration
d’une nouvelle constitution».
Les Américains pensent que
l'affaiblissement de l'économie d'Assad pourrait forcer la Russie à rejoindre la table
des négociations, car Moscou et Téhéran ne sont pas disposés à engager des
forces militaires à long terme pour le régime syrien. Damas a effectivement repris
le contrôle de presque tout le pays grâce à une série de victoires militaires
mais la partie de la Syrie contrôlée par le régime est confrontée à des
problèmes d'inflation, d'accès aux soins de santé et d'agitation croissante
parmi les anciens combattants pro-Damas qui ont eu du mal à obtenir des
services de base.
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Armée syrienne |
De son côté, Moscou fait face à
des coûts importants pour maintenir Assad à flot tandis que l'Iran se débat
financièrement en raison des sanctions américaines. Par ailleurs, les forces
blindées d’Assad, fer de lance de la puissance offensive de la Syrie, se sont considérablement dégradées et cela a été constaté lorsque le régime a repoussé
les rebelles à Ghouta, dans la banlieue de Damas. L’économie syrienne est effondrée; en conséquence, les grands projets de reconstruction
dont pourraient bénéficier les hommes d'affaires russes ne peuvent être lancés
sans injection de fonds extérieurs. L'économie syrienne s'est contractée de
plus de 70% depuis le début du conflit. Mais les Etats-Unis refusent de reconstruire dans les zones contrôlées par
Assad sans un règlement politique en Syrie.
D'anciens responsables
américains espèrent convaincre Trump de revenir sur sa décision qui sape la
crédibilité des forces armées américaines et crée un effet dissuasif sur les
partenaires américains actuels ou potentiels. La Grande-Bretagne, l'Allemagne
et la France sont alarmées par la décision de Trump, saluée cependant par la
Russie. La France et la Grande-Bretagne se sont engagées à maintenir leurs
forces sur le terrain car elles estiment que Daesh a été «mal battu» et que le
combat était loin d'être terminé selon la ministre des affaires européennes,
Nathalie Loiseau : «La coalition mondiale contre Daesh a fait
d'énormes progrès, mais il reste encore beaucoup à faire et nous ne devons pas
perdre de vue la menace qu'ils représentent».
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Les Kurdes |
Un risque existe que cette évacuation pousse la Turquie à attaquer les unités de protection du peuple kurde (YPG), soutenues par les Etats-Unis et estimées à 40.000 combattants. Ankara considère ces milices comme une «branche
terroriste» des insurgés kurdes cherchant l'autonomie des Kurdes à
l'intérieur de la Turquie. Les alliés kurdes seront donc abandonnés par les
Etats-Unis. Donald Trump avait informé
Erdogan qu'il retirerait ses troupes lors d'un appel téléphonique et avait
précisé que le retrait du personnel américain de Syrie prendra 60 à 100 jours. Les
forces spéciales américaines ont construit des dizaines de bases et de points
d'observation servant de bouclier aux Kurdes et permettant de contrecarrer l'influence iranienne. Les
Kurdes qui viennent d’enlever la dernière grande ville à Daesh craignent qu'une incursion
turque annule les gains réalisés contre le groupe djihadiste.
En Israël on commence à se poser sérieusement la question de
savoir si Trump est vraiment un allié sérieux sur lequel on peut compter. On se demande si le transfert de
l’ambassade américaine à Jérusalem n’est pas de la poudre aux yeux pour masquer
sa décision de laisser Israël se battre seul au Proche-Orient. Même Barack
Obama, accusé d’être anti israélien, n’a jamais atteint cette extrémité et ne nous a jamais trahi dans ses votes à l’ONU. Avec lui, on savait à quoi s'attendre. Il nous
a offert dix années de répit avec les Mollahs. En revanche Trump nous met immédiatement
en face de l’Iran et du Hezbollah. Quant au problème palestinien, nous ne
sommes pas au bout de nos surprises avec le président américain.
Obama avait
été violemment décrié par Netanyahou, mais pourtant, il avait fait plus pour Israël
que Trump, avec plus de discrétion certes et plus de responsabilité. En effet c’est
lui qui a éliminé Oussama Ben Laden alors que Trump a fait illusion et a prouvé
son égoïsme national en abandonnant Israël face au danger réel iranien et aux
milices islamiques du Hezbollah. Les Kurdes et Israël sont les victimes du
dogme «America first».
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Des combattants kurdes enterrent l'un des leurs |
Comme l’analyse l’ancien ambassadeur
d’Israël, Arie Avidor, «les chroniqueurs israéliens sont d’accord pour
estimer que le retrait américain de Syrie est une claque pour Israël mais, bien
évidemment, Netanyahou n’est ni en position de l’admettre ni de protester. Trump
laisse à la Russie l’hégémonie régionale mais surtout lance un signal fort aux
pays du Moyen-Orient que l’Amérique est désormais aux abonnés absents et qu’ils
devront régler eux-mêmes leurs problèmes».
Pour l’éditorialiste Chemi
Shalev de Haaretz : «Un président américain peureux et défaitiste qui
s’enfuit et se retire vaincu et honteux. Il trahit les Kurdes et plante un
couteau dans le dos des opposants du tyran Assad. Il renforce l’Iran et concède
une victoire éclatante à la Russie de Poutine : voilà ce qu’auraient vitupéré
les milieux proches de Netanyahou si c’était le président Barack Obama qui
avait pris cette décision».
Certes Israël a les moyens
humains et matériels pour se défendre seul mais, dans cette jungle régionale, la
décision de Washington risque d’être imprudente.
Les USA ne sont pas le chien de combat d'Israël, Trump n'est pas munichois.
RépondreSupprimerLes Etats-Unis ont servi de bélier contre Saddam Hussein en suivant les sages conseils de Netanyahu en 2002, quel résultat ?
Aucun, la région est à feu à sang depuis 15 ans ...
Il est normal de se retirer, d'autant plus que les USA n'ont plus la vigueur économique des années 2000 et que de toute façon Israël sait très bien faire le boulot.
Quelle mouche a donc piqué Trump ? Abandonner les Kurdes à la vindicte turque est un crime ! Ils ont versé leur sang pour combattre l'EI. Espérons néanmoins que l'entourage de Trump arrivera à lui faire entendre raison...
RépondreSupprimerDur de ne pas cacher sa déception. L Iran est très satisfait et Erdogan qui n arrête pas d insulter Israel et les Juifs dans la foulée sont très satisfaits.
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