Israël élections avril 2019
LA "NOUVELLE DROITE" DE BENNETT ET SHAKED
Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
L’annonce de la création de la «Nouvelle Droite» est une grande surprise venant des deux grands leaders, Naftali Bennett et Ayelet Shaked. Par cette décision brutale, ils ont voulu couper l’herbe sous les pieds de Moshé Ayalon et Benny Gantz qui chassent aussi sur les mêmes terres. Ils ont décidé de quitter leur parti Habayit Hayehudi, nationaliste et sioniste religieux, souvent classé à l'extrême droite du spectre politique israélien pour son néo-sionisme, afin de créer une nouvelle formation laïque et religieuse.
Le Foyer Juif avait été formé en novembre 2012 par la
fusion du Parti national religieux et des deux micro-partis d’extrême-droite
Moledet et Tkuma qui ont fini par le quitter pour rejoindre l'Union nationale
et le réduire au seul parti national religieux rebaptisé sans pouvoir se
défaire de son étiquette extrémiste. Naftali Bennett, ancien proche
collaborateur de Benjamin Netanyahou, issu du Likoud, avait pris sa présidence le
6 novembre 2012. Ce parti hybride, constitué de clans, oscillait entre
nationalisme et religion et n’a jamais pu décoller puisqu’il avait obtenu 12
sièges aux élections législatives de 2013 et 8 sièges en 2015. Il n’arrivait
pas à peser sur le gouvernement qui lui avait offert des ministères secondaires
et qui venait de lui refuser le ministère de la défense.
Le «faucon» a
été blessé car tout lui réussissait jusqu’alors, ou presque, mais son rêve a
été brisé dans le tumulte des résultats des élections. La création d’une
start-up, qu’il a revendue 145 millions de dollars, a fait de lui l’un des
millionnaires de la Knesset. Grâce à ce pactole, il a réussi à investir
l’ancêtre du parti national religieux, en pleine déconfiture avec ses
dirigeants vieillis et peu soucieux de redonner vie à un mouvement historique
qui avait accompagné la création d’Israël avec David Ben Gourion. Alors, Naftali Bennett a géré la prise du
parti comme il gère une entreprise, tambour battant sachant qu’il n’avait
aucune chance de parvenir au sommet au Likoud, tant que Benjamin Netanyahou en
restait le leader incontesté.
Son
principal échec a été de se voir ravir son statut de challenger au profit de
Yaïr Lapid qui l’avait transformé en quémandeur, non indispensable à la
coalition. Ses options politiques ont dérouté son électorat qui attendait de
lui une intransigeance nationaliste et non pas une attaque frontale contre le
Likoud. Dans sa nouvelle structure, il continuera à défendre des positions ultra-sécuritaires et à
s'opposer à la création d’un État palestinien.
Son inexpérience politique l’avait poussé à dire à la
télévision qu’il pourrait difficilement se prêter à une évacuation des
implantations et qu'il préférait aller en prison si le gouvernement décidait un
quelconque repli des territoires. C’était une forme de désobéissance qui s’opposait
au principe démocratique et sacré que l’armée du peuple est aux ordres du
pouvoir politique et qui ne cadrait pas avec son ancien statut d’officier de
l’unité d’élite Sayeret Maatkal.
Il a compris que ses idées
extrémistes indisposaient la majorité laïque du pays souhaitant éloigner tout
risque de guerre en améliorant les chances de paix avec les Palestiniens. Contrairement
à Avigdor Lieberman, il n’a pas choisi une voie pragmatique mais a rejoint les
clans bellicistes, intransigeants sur tout compromis territorial. Il s’est
éloigné de ses soutiens originaires des États-Unis, sensibles au discours de
mise en garde de Barack Obama : «Israël agit à l'encontre de ses propres
intérêts. L'État d'Israël mène actuellement une politique qui le conduira à
l'isolement total». Cette prise de
conscience lui a fait perdre de nombreuses voix.
![]() |
Sigle nouvelle droite |
Il a déçu toute une frange
nationaliste francophone, orpheline d’un leader charismatique, qui l’avait
adoubé. Il ne lui a offert aucune place éligible aux élections. Aucun candidat
de la liste Habayit Hayehudi ne parlait le français pour s’adresser à de
nombreux partisans qui maîtrisent mal l’hébreu. Naftali Bennett a péché par
trop d’assurance. Un peu tardivement il a proposé de nouveaux moyens pour faire
venir 100.000 immigrants de France, un chiffre totalement irréaliste alors
qu’on en attend à peine 2.500 par an. En faisant de la surenchère, il cherche
de nouveaux électeurs. Par ailleurs, il s'est fourvoyé en ignorant que le Likoud
l’avait laissé mener sa barque librement car il était censé grignoter des voix
au centre et aux orthodoxes. Mais il s’en est pris au Likoud de manière
maladroite.
Il
n’a pas réussi à effacer l'extrémisme religieux des candidats du Foyer juif,
particulièrement pour ce qui concerne les droits de la femme. Naftali Bennett vient
de comprendre qu’on ne s’improvise pas homme politique comme on gère une
entreprise. Alors, il a décidé de faire table rase de son passé politique en
fondant une nouvelle structure avec celle qui l’a toujours suivi depuis leur
départ du Likoud, Ayelet Shaked. Il avait besoin d’une plus grande liberté car
les règles du parti, héritées du Parti National religieux, ne lui permettait
pas une indépendance totale. En effet, il avait été souvent attaqué devant son propre
tribunal interne pour ses tentatives de passer outre au règlement.
Bennett était crédité par les sondages, avant son départ du parti, de 8 à 12 sièges contre 8 actuellement. C’était très
en dessous de ses prétentions. Pour exister à la Knesset en tant que parti et pour bénéficier du
financement de l’État, Bennett a réussi à convaincre une troisième députée, Shuli Mualem, de les
rejoindre pour constituer un nouveau groupe parlementaire.
![]() |
Smotrich |
Mais
le leader du Foyer juif n’a rien dit sur ses motivations. Il semble en effet
qu’il ait été dépassé par son aile extrémiste nationaliste qui envisageait de l’éliminer
de la gouvernance. Les deux députés de la tendance Tkuma, Bezalel Smotrich et
le ministre de l’agriculture Uri Ariel prenaient de plus en plus d’importance
dans le parti au point de vouloir unir le secteur sioniste religieux en
intégrant l’extrême-droite Otzma Le Israël et en faisant appel à un transfuge
du Shass, l’ancien ministre Eli Yishaï de Yahad et à Moshé Feiglin de Zehut. Il
s’agit tout simplement pour eux de fédérer tout ce
qui peut compter de nationalistes purs et durs.
Naftali
Bennett a préféré sauter le pas et fonder une nouvelle droite en tentant de
séduire des nationalistes du Likoud, des déçus du centre et de Israël Beitenou
pour rassembler large. Ayelet Shaked, laïque convaincue, se chargera d’un «partenariat entre religieux et laïcs». Cette décision entérine la rupture du cessez-le-feu qui existait entre
le Foyer Juif et le Likoud. Bennett se joindra au clan
TSB «tout sauf Bibi».
L’attaque en règle énoncée lors de la conférence de presse est significative à cet égard. S’il ne se joindra pas aux accusations de corruption portées contre Netanyahou, le couple du Foyer Juif a cependant opéré un virage pour fustiger sa faiblesse militaire à Gaza et dans le nord du pays. Il est certain qu’avec cette stratégie, la Nouvelle droite risque de grignoter quelques sièges au Likoud.
Mais le temps lui manquera jusqu’en avril 2019, compte
tenu de la position dominante de Benjamin Netanyahou, bien installé à son poste
de premier ministre. Alors sa nouvelle structure se prépare pour la prochaine
mandature lorsque la course sera plus ouverte, dans quatre ans ou moins en cas
d’élections anticipées, après le départ du leader Maximo. Bennett et Shaked sont encore jeunes et ont
l’avenir devant eux. Mais le couple
politique risque de ne pas résister à un nouvel échec aux élections.
L’attaque en règle énoncée lors de la conférence de presse est significative à cet égard. S’il ne se joindra pas aux accusations de corruption portées contre Netanyahou, le couple du Foyer Juif a cependant opéré un virage pour fustiger sa faiblesse militaire à Gaza et dans le nord du pays. Il est certain qu’avec cette stratégie, la Nouvelle droite risque de grignoter quelques sièges au Likoud.
3 commentaires:
Dites moi, je ne connais rien à la tambouille politicienne de votre pays mais il me semble que votre pays s'éloigne d'un "parlementarisme raisonné" style britannique pour tomber dans les combinazione des III et IV République.
Je n'ose pas imaginer l'empoignade que ça va être si Netanyahu est démis de son poste sur décision de justice.
Pour les suivre depuis 3 ans, Bennett et Shaked sont des personnes intègres. Shaked n'était pas bien acceptée par toute une frange de l'électorat plutôt conservatrice qui ne l'a trouvait pas assez religieuse. D'un autre côté, lors des dernières élections internes au parti, elle arrivait en tête des sondages pour être élue à la présidence du parti mais a préféré demander de voter pour Bennett.
Il y a une vraie entente et complicité politique entre eux. Bennett sait que Shaked ne lui fera pas un coup bas. Ensemble ils forment un co-leadership impressionnant qui dans le Bayit Yehudi n'était guère possible et a terme voueé à l'échec.
Les deux connaissent bien le Likud pour en avoir été membre et pour avoir travailler pour Netanyahu dans son cabinet restreint lors d'un précédent gouvernement.
Au contraire, je pense que le but est de réunir un maximum de personnes au sein de cette nouvelle formation. D'après les sondages autres que les vôtres, cela serait 15 sièges pour la nouvelle formation et 5 pour le Bayit Yehudi soit 20 contre 8 actuels. Sans ce split les sondages montraient un 12-13 sièges.
Voici quelques corrections et un autre éclairage à votre exposé des faits.
Vous citiez Barak Obama qi a été le pire Président américain pour Israël. Ces recommandations sont donc à prendre avec des pincettes car peu crédibles.
Il y a peu de parti qui publie en français. Benjamin Netanyahou le fait. L'ancien maire de Jérusalem avait même nommé une coordinatrice pour relier Jérusalem aux francophones. Le Koulanou a une page assez intéressante en français et l'opportunisme du Yesh Atid ne manque pas de s'adresser aux francophones.
@Vidoudez Pascal
Merci pour vos compléments d'information.
Je vous précise que j'ai cité des sondages avant le départ de Bennett du Foyer Juif, les seuls dont je disposais à l'écriture de mon article, le 29 décembre. Donc je ne trafique pas les sondages.
La citation d'Obama est réelle et elle est citée à titre d'information. Chacun y voit ce qu'il veut voir dans ses termes.
J'essaie de ne faire que l'information et je ne suis militant d'aucun parti.
Merci pour votre commentaire
Enregistrer un commentaire