Israël élections avril 2019
Par Jacques BENILLOUCHE
Dayan et Rabin |
Israël, qui est toujours en guerre depuis sa création en 1948, a toujours eu une relation particulière avec
ses généraux. Certains sont entrés en politique après leur brillante carrière militaire
à l’instar de Moshé Dayan, Yitzhak Rabin et Ehud Barak. Mais c’est la première
fois que trois généraux illustres sautent en même temps le pas pour se lancer
dans la bataille des élections d’avril 2019. Un quatrième réfléchit encore mais
il ne le fera pas longtemps car la campagne électorale sera courte. Le succès
des généraux s’explique parce que les Israéliens ont besoin d’être rassurés
pour leur sécurité, même s’ils doivent faire l’impasse sur les aspects
économiques de leur vie quotidienne. C'est pourquoi les listes sans généraux n'ont aucune faveur des électeurs.
Gal HIRSCH
L'ancien général de brigade, Gal Hirsch, a donné une conférence de presse le
26 décembre 2018 à Tel Aviv pour annoncer son entrée en politique. Né en
1964, il avait rejoint l’armée en 1982 et était devenu chef de peloton à la
brigade de parachutistes après avoir
terminé l' école d' officiers. Il a
dirigé le 202ème bataillon de parachutistes au Sud-Liban au cours de la
première Intifada qui commença en 1987. Il a ensuite commandé l'unité d'élite Shaldag
dans les opérations spéciales au Liban. Au cours de la deuxième Intifada, qui
commença en 2000, il commanda la brigade régionale Benyamin et lança
l’opération «bouclier défensif» contre les groupes
terroristes en Cisjordanie en 2002, opération durant laquelle il se distingua
et fut félicité pour sa conduite. Hirsch commanda ensuite la 91ème division de
Tsahal pendant la guerre du Liban en 2006, notamment lors des batailles de
Maroun al-Ras, de Bint Jbeil, et d'Ayta ash-Shab.
Hirsch était connu pour être un officier brillant et prometteur,
ayant de nombreuses idées novatrices pour rendre l’armée encore plus efficace.
Mais en pleine gloire, Hirsch a été contraint de quitter son service actif lorsqu’il
a été critiqué pour son incapacité à empêcher l'enlèvement et l'assassinat de
deux soldats par le Hezbollah, ce qui avait déclenché le conflit. En fait, la vraie raison était qu'il était en
totale divergence de vue sur la manière de conduire cette guerre du Liban et il
l’avait exprimé haut et fort. L’avenir lui a donné raison.
Après avoir quitté Tsahal, il créa sa propre société «Defensive
Shield» chargée de fournir «des solutions stratégiques,
opérationnelles et tactiques pour les secteurs de la défense, de la sécurité et
de la sécurité intérieure autour de le monde». Il avait été pressenti
en 2015 pour le poste de directeur de la police mais, victime d’une injustice,
il avait été écarté sur des soupçons «de
relations commerciales illicites» en attendant l’enquête qui devait d'ailleurs le blanchir.
Lors d'une conférence de presse à Tel Aviv le 26 décembre 2018, Gal Hirsch
a annoncé qu'il se présenterait avec un parti qui aurait à la fois un agenda
social et une position ferme en matière de sécurité : «Ce qui est
juste pour le pays, c'est d'être un nationaliste de droite en matière de
sécurité, mais aussi de faire preuve d'inquiétude et de compassion, car je
pense toujours aux minorités, aux personnes âgées et à la situation des
autres», Pour l’instant il agit en électron libre qui pourrait être
happé par un parti en formation ou par le Likoud à la recherche d’un général
pour muscler sa liste.
Moshé YAALON
Sans aucune surprise, Moshé Yaalon, ancien chef d’État-major et ancien
ministre de la défense, a confirmé la création du nouveau parti qu’il avait
annoncé en 2016 : «J'ai décidé de me soucier de nos enfants et
petits-enfants. J’ai pris la décision de fonder un parti, une force politique,
pour briguer le leadership national». Moshé Yaalon s’était déjà porté
candidat au poste de premier ministre après avoir accusé Netanyahou «de
s’accrocher au pouvoir à tout prix». Yaalon était considéré comme le seul
véritable rival au sein du Likoud et il existe un contentieux entre lui et
Netanyahou parce qu’il n’avait pas apprécié d’avoir été écarté du
ministère de la défense au profit d’Avigdor Lieberman pour des raisons de tactique politique. La manœuvre de Netanyahou visait à écarter un rival potentiel en
pleine ascension politique.
Le fait que des
politiciens de droite ou du centre émettent de sévères critiques peut ébranler
les certitudes du gouvernement qui n’avait pas vu arriver la contestation sur
son aile droite. Netanyahou était rassuré par l’atonie du parti travailliste et
par son effacement sur le terrain politique. Cependant la donne a changé à
présent et le combat vire au centre et à droite de l’échiquier politique. Yaalon
était catalogué comme un «faucon» parce qu’il s’était opposé
au désengagement décidé par Ariel Sharon, mais cela n’a jamais été le cas car
en fait, il était fermement opposé à toute action militaire.
Il a occupé des
fonctions militaires qui prouvent qu’il sait de quoi il parle : «Mon
expérience avec la guerre est qu’elle ne devrait se produire qu’en tant que
dernier recours». Mais cela ne fait pas non plus de Yaalon un pacifiste. Le rapport du Contrôleur de l’État prouve qu’à l’époque, le chef
d’État-major Benny Gantz et le ministre de la défense, Moshé Yaalon, étaient
très réservés sur une opération de grande ampleur tendant à réoccuper Gaza. Ils
étaient persuadés que le Hamas n’avait aucun intérêt à l’escalade. Cette prise de position commune avait signé le désaccord total avec le premier ministre.
Moshe Yaalon semble pour
l’instant seul et il dispose de peu de charisme politique pour mener sa marche
vers le pouvoir. Il a annoncé le 25 décembre qu’il formait un nouveau parti politique :
«J’ai fait une promesse et je
vais la tenir». Il publiera prochainement une liste des candidats de
sa liste pour un parti «sans entourloupes». Il avait déjà eu
des contacts avec Tsipi Livni au domicile d’Ehud Barak. La leader du parti
centriste, Hatnuah ou « Le Mouvement », alliée des Travaillistes,
cherche elle-aussi à étoffer sa liste avec l’aide de militaires de haut rang. Pour l’instant
il ne s’agit que de gesticulations politiques.
Benny
GANTZ
L'ancien
chef d'état-major de l'armée israélienne met fin au suspense en formant son
propre parti «Résilience pour Israël», (Hozen leIsraël). Tous les partis, même le Likoud, rêvaient de
le voir figurer en seconde place dans leurs listes. L’'Union sioniste lui a
fait miroiter les résultats d’un sondage prévoyant qu’il remporterait 29 sièges
si Gantz acceptait la deuxième place avec à la clef le poste de ministre de la
défense. Mais on connaît les failles
répétitives des sondages israéliens.
Michael Biton |
Il
travaille à présent pour convaincre d’autres personnalités à le rejoindre. Déjà
l'ancien maire, Michael Biton, qui a redressé la petite ville de Yerouham, oubliée au sud du pays, nourrit des ambitions nationales. Il fut le proche collaborateur de Gantz à l'armée et semble prêt à lancer la campagne à ses côtés car «Israël veut des gens
responsables, pas des radicaux, pas d'extrême-droite ou d'extrême-gauche, qui
comprennent la complexité et les dénominateurs communs entre nous, qui
possèdent un riche passé professionnel et qui ne sont pas corrompus». C’est lui qui l’a convaincu de créer son
propre parti pour figurer à la première place.
Benny
Gantz a certes pris des risques avec une nouvelle structure inédite et sans militants mais «C'est un homme très calculateur et tout ce qu'il fait
est vérifié mille fois, parfois à son détriment». C’est surtout un homme très secret qui agit toujours en coulisses, et qui garde le silence sur ses projets politiques. Or il
est important que ses électeurs sachent à temps ce qu’il compte faire. Mais il s’est aperçu que moins il parlait et
plus il montait dans les sondages.
La tâche
est difficile pour constituer un nouveau parti à partir de rien, surtout qu’au
Centre existe une forte concurrence. Pour de nombreux leaders, le seul moyen de
battre Netanyahou réside dans l’union des partis modérés. Par ailleurs, Gantz a été un excellent chef
militaire mais il doit faire ses preuves en politique dans un monde violent et
sournois qui lui est inconnu. Mais la politique s’apprend vite s'il est bien entouré. Une certitude, Gantz
sera certainement le personnage le plus révélateur de la campagne 2019.
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