LA FRANCE EN PLEINE CRISE DE GOUVERNABILITÉ
Par Jacques BENILLOUCHE
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La
France est ébranlée par une crise de gouvernabilité. Le gouvernement est
confronté à une indiscipline et à une attaque
de la démocratie qui rendent l’État ingouvernable, avec le risque de tout
emporter. On se demande s’il ne faudra pas trouver de nouveaux arts de
gouverner. La situation semble inextricable en France car il devient difficile
d'appliquer une réforme sans susciter des remous et des blocages. Parce que le
Parlement est constitué de godillots, donc faible, il ne dispose d’aucun
pouvoir de contestation ou de critique face au gouvernement et surtout face au Président.
Certains pourraient se poser la question sérieuse de l’intérêt d’une
institution parlementaire aussi pléthorique. C’est d’ailleurs pour cela qu’une
réforme réduisant à 400 le nombre des députés (actuellement au nombre de 577)
est prévue sans que cela ne mène à une grande contestation. Elle réduira les
coûts administratifs et ne prêtera pas à conséquence sur le plan démocratique.
Les décisions ne se négocient plus dans l’hémicycle ou dans les
ministères mais dans le secret des commissions parlementaires. Or certains
extrémistes voudraient bien que la rue arbitre en permanence. Les syndicats, peu
crédibles pour être efficaces, sont plus occupés à se concurrencer qu’à
défendre les intérêts des salariés. Ils disposent d’un pouvoir démesuré par
rapport à leur nombre d’adhérents. Ils sont soumis aux intérêts d’un clan.
D’ailleurs
ils sont tellement décrédibilisés que des mouvements autonomes se créent à
l’instar des Gilets jaunes qui ont commencé bons enfants pour se
radicaliser ensuite, après avoir été débordés par des professionnels de la
politique, ou pire, par des casseurs. Pourtant le pays, comme toutes les
démocraties, a besoin de réformes pour éviter d’accumuler un retard qui ne
cesse de se creuser, au fil des années, à coups de passivité, de reculade,
d’inertie et de stagnation. La France, impatiente, est devenue un pays
ingouvernable.
Parfois
il faut savoir prendre des mesures douloureuses si l’on veut soigner un mal qui
se répand. L’exemple d’Israël est parlant. Lorsque Benjamin Netanyahou était
entré au gouvernement Sharon, comme ministre des finances en 2002, l’économie
israélienne était en faillite. Au bout de trois ans, elle a rivalisé avec celle
des Grands. Le ministre a certes axé ses coups contre les plus démunis et les
plus fragiles avec sa politique ultra-libérale. Les impôts ont été augmentés et
les retraites allongées jusqu’à l’âge de 67 ans. Mais les Israéliens n’ont pas
bougé. Ils souhaitaient peut-être le faire mais ils étaient en adéquation avec
leur décision de porter la droite au pouvoir. Ils ne pouvaient pas renier leur
propre choix et ils préféraient miser sur un meilleur avenir.
Les Français ne connaissent pas la philosophie de la patience. La fonction
essentielle du bulletin de vote est de choisir puis d’attendre les résultats en
les sanctionnant le cas échéant au scrutin suivant. Cette attitude peut être
taxée d’angélique mais elle dénote plutôt une certaine maturité politique. Les
Français élisent leur président avec une majorité confortable, désignent une
Assemblée ultra-majoritaire pour l’aider dans sa tâche mais ils empêchent le
gouvernement, qui en est issu, de réaliser le programme pour lequel il a été
élu. La France est ingouvernable.
Le paradoxe tient au fait que les
sondages mènent le bal et que l’impatience créé les déceptions. Tout président,
tout gouvernement, a besoin de temps, de temps pour s’organiser, de temps pour
préparer ses lois après concertation avec les partenaires sociaux, de temps
pour publier les décrets d'application compte tenu de la lourdeur
administrative. Alors sitôt élu le Président déçoit parce que les Français
pensaient toucher immédiatement les dividendes de leur vote. C’est purement une
méconnaissance des rouages politiques et administratifs. Alors ils râlent et
ils contestent parce qu'ils se sentent floués. La France est ingouvernable.
Une
certaine morosité règne dans les esprits alors que la France est un pays riche,
avec de multiples ressorts économiques qui doivent permettre de surmonter une
période difficile. La résignation a envahi tous les secteurs de la population. Le
président, élu pour cinq ans, dispose d'un pouvoir démesuré et d’une majorité introuvable
au parlement. Les Français ont voté en masse pour un nouveau régime après avoir
éliminé les partis traditionnels mais ils ont déjà regretté.
On pensait qu’Emmanuel Macron
s’était préparé à sa fonction et qu’il avait concocté des dossiers de réformes.
Rien n’était prêt. La réforme fiscale, la réforme du travail, la réforme de
l'entreprise, la réforme de l'administration et la réforme des universités ont
été à peine abordées. Le gouvernement donne l’impression d’avancer les yeux
bandés avec le seul objectif de ne pas faire de vagues, en gérant au coup par
coup. Et pourtant tout est à réformer dans le pays, souvent dans la douleur.
Mais si l’on ne tranche pas dans le vif, la situation perdurera ad vitam
aeternam.
Le chômage est la tare du pays. Il fait fuir de nombreux cerveaux à
l’étranger. Et pourtant on pourrait s’inspirer de ce qui se fait ailleurs, dans
les pays occidentaux modernes, en particulier en Israël, en matière d’éducation
et de formation. Les universités françaises perdent le tiers de leurs élèves
dès la première année parce qu’on y interdit la sélection à tous les détenteurs
d’un bac dévalué, une sélection non pas pour brimer mais pour orienter au
mieux.
Université de Tolbiac |
En fait, l’université française forme des chômeurs ou des jeunes n’ayant
aucun débouché concret sur le marché du travail. Alors quand le ministre parle
de retraite, ceux qui recherchent un travail se tiennent les côtes. Les
gouvernements, sans exception, de droite comme de gauche, n’ont apporté aucune
solution pour résorber le chômage parce qu'ils n’ont pas le courage de prendre
des mesures difficiles et courageuses. Alors on lance des réformettes,
l’augmentation du prix de l’essence, 1,53 euro contre 1,24 un an plus tôt. ou
une baisse de la vitesse à 80 kms/h alors qu’il faut mettre sur la table un
plan quinquennal de mesures globales pour que le Français connaisse sa vision
de l’avenir. Les «gilets jaunes» manifestent avec violence contre une
augmentation de l’essence alors que les Israéliens, matraqués en permanence par
la hausse du coût de la vie, les prix étant supérieurs à 30% à ceux de France,
acceptent leur sort avec résignation. Ils ont voté Netanyahou, alors ils supportent
la droite et son ultra-libéralisme quitte à abandonner sur le chemin près de deux millions de défavorisés.
Emmanuel Macron est arrivé en sauveur en refusant un pays d’assistés
qui ne veulent pas prendre leur sort en main. Il a remué les foules, il a donné
de l’espoir à ceux qui étaient désespérés. Mais quelques mois après son arrivée,
lui et son premier ministre Edouard Philippe sont devenus impopulaires parce
que les attentes ont été déçues par manque de résultats concrets immédiats.
Personne
ne pourra s'opposer à la durée constitutionnelle. Il faut donc attendre la
prochaine échéance électorale. Si Macron réussit, il sera réélu sinon
l’opposition prendra la suite dans une sorte de tourbillon perpétuel. Cette
opposition, qui pense que la guérilla systématique contre le gouvernement est
une bonne stratégie, devrait dès à présent affiner ses programmes
et ses reformes pour être prête à l’heure du scrutin. Comment peut-on faire pour
que la France soit gouvernable, pour échapper à cette atmosphère de guerre civile et
pour qu’elle aborde les défis de notre nouveau siècle ?
Toute proportion gardée, ça ressemble à l'Egypte de Morsi, on vote pour un candidat dans l'euphorie, puis un an plus tard on manifeste en acclamant son nouveau pharaon qu'on ne peut plus dégager car lui, il est armé.
RépondreSupprimerSauf que les Français sont plus civilisés que les Egyptiens.
D’autant plus dommage que, contrairement à Israël et d’autres pays, la France est bien administrée (différent de gouvernée) et que le citoyen a beaucoup de services, de protections, d’aides, de règles, de recours, ce qui fait qu’il est agréable et rassurant de vivre dans ce pays. Mais les Français ne s’en rendent pas bien compte. Il suffit de passer du t MPs en Israël pour voir une jungle bien différente (protection minimale du consommateur, un droit défaillant qui fait la part belle aux accords entre personne, un bon vouloir politique parfois court termiste et debile, etc.)
RépondreSupprimer« La fonction essentielle du bulletin de vote est de choisir puis d’attendre les résultats en les sanctionnant le cas échéant au scrutin suivant. » Macron n’a pas été choisi par les français. Ce sont les médias qui leurs ont imposé sa candidature en l’élevant au rang d’une star, au rang de sauveur contre l’épouvantail usé, l’extrême-droite.
RépondreSupprimerLes «gilets jaunes » n’ont pas de leader, pas de syndicats, pas d’opinion politique définie, comme certains veulent nous le laisser croire en suggérant que l’extrême-droite serait l’initiatrice de ce mouvement.
Les « Gilets jaunes » représentent Monsieur Tout le Monde, ce sont tous ceux qui disent non, et pas seulement à la hausse des carburants. Il y a dans cette contestation de rue le mépris envers celui qui a proclamé ( entre autres bourdes), il y a quelques mois : "Une gare, c'est un lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien."
Ils disent non à cette politique ségrégationniste qui taxe sans vergogne les retraités et ceux qui sont déjà dans la précarité (exemple: suppression de 5€/mois pour les APL).
La France n’est plus gouvernable parce qu’elle est mal gouvernée.
Un dernier mot sur la politique ultra-libérale en Israël. Les lois sociales sont pratiquement inexistantes et pourtant la population subit et se tait. Un premier ministre qui endosse les plus grands ministères. Un ministre de l’Intérieur qui est passé par la case prison et qui risque d’y retourner. Rien n’y fait. Les israéliens subissent et se taisent. Est-ce plus sain pour une démocratie qu’une révolte populaire à laquelle nous assistons en France?
Je ne le pense pas.
Cher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerPermettez-moi de reprendre, paragraphe par paragraphe, votre article intitulé : "La France en pleine crise de gouvernabilité". Le lisant, un mot s'est imposé à moi : PARADOXAL ! Et pour expliciter ma pensée, j'ai trouvé chez monsieur Littré, cette citation de Saint-Foix (1698-1776) que je vous soumets : "Rien n'est plus aisé et par conséquent rien ne prouve moins que de soutenir des paradoxes et des idées singulières", or des "paradoxes" et des "idées singulières" c'est ce qui foisonne dans votre article !
Paragraphe 1 - D'un côté : "Le gouvernement est confronté à une indiscipline et à une attaque de la démocratie qui rendent l'État ingouvernable", mais de l'autre : "...une réforme réduisant à 400 le nombre des députés (actuellement au nombre de 577) est prévue sans que cela mène à grande contestation..." Paradoxe !
Paragraphe 2 - "... Les syndicats, peu crédibles pour être efficaces... disposent d'un pouvoir démesuré par rapport au nombre de leurs adhérents". Sont-ils peu crédibles ou ont-ils un pouvoir démesuré ? Paradoxe !
Paragraphe 3 - "Les "gilets jaunes" débordés par les professionnels de la politique, ou pire, par des casseurs..." Idée singulière, puisqu'ils sont, en réalité, un mouvement apolitique de citoyens qui ne se sentent plus ni représentés, ni défendus par la classe politique ou par les syndicats, qui se mobilisent pour exprimer au grand jour leur désarroi social.
Paragraphe 5 - "... Les Français élisent leur président avec une majorité confortable..." Emmanuel Macron est réputé être "le président le plus mal élu de la Vème République. Rappelons son score : si au deuxième tour de l'élection présidentielle de 2017, son résultat est de 66%, il n'en reste pas moins que cela ne représente que 40% des inscrits sur les listes électorales où 32% se sont abstenus, et 8% ont voté blanc ou nul. Paradoxe !
Paragraphe 6 - Cette fois c'est vous qui reconnaissez un "paradoxe" ! Malheureusement celui que vous avez choisi n'est pas le bon, puisque ce ne sont pas les sondages qui créent la déception, mais les promesse électorales qui ne sont pas tenues.
Paragraphe 7 - "La résignation a envahi tous les secteurs de la population..." Eh bien, le mouvement "Gilets jaunes" prouve exactement le contraire. Idée singulière !
Paragraphe 8 - "... Le gouvernement donne l'impression d'avancer les yeux bandés avec le seul objectif de ne pas faire de vagues..." Mais devant la réalité de vagues de plus en plus hautes, vous écrivez : "si l'on ne tranche pas dans le vif, la situation perdurera ad vitam aeternam". Or les "gilets jaunes" refusent d'être, seuls, ce "vif" dans lequel il faut "trancher" ! Paradoxe !
Paragraphe 9 et 10 - "Le chômage est la tare du pays" et "l'Université française forme des chômeurs... Les gouvernements de droite comme de gauche n'ont apporté aucune solution pour résorber le chômage".. Pourtant c'est bien sur ce constat que Macron a bâti toute sa campagne "ni de droite ni de gauche" ? Paradoxe !
Mais voilà qu'il lance "des réformettes" "alors qu'il faut mettre sur la table un plan quinquennal de mesures globales". Paradoxe !
Que les Français prennent exemple sur les Israéliens "matraqués en permanence" qui "acceptent leur sort avec résignation". Idée singulière !
Très cordialement. A suivre...
suite....
RépondreSupprimerParagraphe 11 - "Emmanuel Macron et son Premier ministre Édouard Philippe sont devenus impopulaires... par manque de résultats concrets immédiats...", mais pourquoi ne pas mentionner que c'est aussi parce qu'ils ont continué a favoriser les riches des "premiers de cordée" au détriment des "sans dents, de "ceux qui ne sont rien", de ces "illettrés" et "autres "alcooliques" qui, "au lieu de foutre le bordel feraient mieux d'aller voir s'il y a des postes là-bas...", et j'en passe ? Paradoxe !
Paragraphe 12 - "Si Macron réussit", il n'y aurait aucune raison de "s'opposer à la durée constitutionnelle" de son mandat ! Or beaucoup pensent qu'il a déjà échoué, à commencer par les magnats de la finance et des médias qui sont à l'origine de son élection, grâce à un "Casse du siècle". Mais depuis, ses commanditaires semblent l'avoir lâché, ce qui expliquerait que le 18 juillet 2018, le journal Le Monde a fait exploser "L'affaire Benalla" qui signe le début officiel de "cette atmosphère de guerre civile" qui explique la démission du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, après celle de Nicolas Hulot et de quelques autres.
Le bras de fer engagé entre le peuple français et son président pourrait n'en être qu'à ses débuts. La campagne des élections européennes a déjà commencé, il se pourrait très bien qu'elle devienne la revanche des Français contre leurs élites qui les ont embarqués dans une Union européenne qu'ils avaient en majorité rejetée en 2005, dans laquelle ils voient l'origine de bien de leurs déboires. Car, et ce n'est pas le moindre des paradoxes, si les Français sont attachés à l'Europe, ils rejettent cette Union européenne anti-démocratique qu'on leur a imposée de force.
Très cordialement.
l'analyse de Mme Arnaud est aussi remarquable..
RépondreSupprimerje rajouterais que le PDG de Renault- Nissan a été arrêté par les Japonais pour fraudes fiscale le pon pon une semaine avant, Macron lui serrait la main tout sourire, comme s'il n'était pas au courant des magouilles de Carlos Ghons et ce dernier veut le garder comme PDG de Renault..que des conneries..une accumulation et donc un ras le bol général!!
La France a connu une révolution en 1789, on dirait que les "élites" embourgeoisées n'ont toujours pas compris le message, c'est une situation attristante mais à force de prendre les gens pour des cons...
(j'en rajouterais une couche, l'état Macron n'a toujours pas réglé les spoliations des biens Juifs 70 ans après la Shoah..)
La coupe déborde depuis un bon moment! hélas!