TSIPI LIVNI : UN SYMBOLE À LA TÊTE DE L’OPPOSITION
Par Jacques BENILLOUCHE
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Contretemps
La
nomination à la tête de l’opposition israélienne de Tsipi Livni, symbole du
camp de la paix, devrait réveiller un parti atone et apporter un brin d’espoir
à ceux qui s’inquiètent de voir le parti travailliste s’effondrer dans les
sondages. Tzipora Malka Livni, née le 8 juillet 1958 à Tel Aviv, est diplômée
de la faculté de droit de Bar Ilan. Elle est issue d’une famille de
nationalistes ; son père Eitan Livni, fut directeur des opérations de
l'Irgoun, proche du parti révisionniste, avant l'indépendance.
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Eitan Livni |
Après ses études ; elle
occupa officiellement le poste de conseillère juridique de 1980 à 1984, qui fut
pour elle une couverture pour agir au sein des services de renseignements
extérieurs. Elle appartint alors au Kidon, le service action du Mossad. Elle
fut basée à Paris, ce qui lui permit d’approfondir la langue française. Elle
dirigea alors une «safe house», maison sécurisée servant de
base arrière ou de lieu de repli pour ses collègues du Mossad. Juriste, elle
fut nommée en 1996, directrice de l'office des sociétés d'État, chargée de la
privatisation des compagnies et des monopoles d'État.
Elle entama alors une carrière
politique en se faisant élire députée, en 1999, sous les couleurs du Likoud. Ariel
Sharon la repéra et l’a alors prise sous son aile. De 2001 à 2003 elle fut ministre de la Coopération régionale au
sein du gouvernement Likoud dirigé par Ariel Sharon, puis de l'Agriculture
et du Développement rural. En 2003, elle est
successivement ministre du Logement, de l'Intégration, de la Justice et des
Affaires étrangères. Connue comme une colombe au Likoud, elle servit d’intermédiaire
avec les faucons du parti.
En 2005, elle rejoignit Ariel
Sharon qui avait décidé de quitter le Likoud pour fonder sa propre formation, Kadima.
Elle a ainsi soutenu le plan de désengagement des territoires de Gaza en s’impliquant
pour que ce plan soit approuvé par la Knesset. La maladie d'Ariel Sharon la propulsa à la tête du parti Kadima en
septembre 2008. Alors que le parti travailliste était laminé, son parti arrivaen tête des élections législatives de 2009 (28 sièges), avec une faible avance
sur le Likoud (27 députés). Désignée pour former un gouvernement, elle refusa
de créer un gouvernement minoritaire sans les orthodoxes qui, soit aurait pu être rejoint par des
individualités au lendemain de sa création, soit serait tombé en entraînant de
nouvelles élections. Elle renonça à ce combat difficile alors que Benjamin Netanyahou
était en perte de vitesse. Le président Shimon Peres n’eut aucun autre choix
que de le désigner comme premier ministre. Depuis, il n’a plus quitté le
pouvoir. Il fut ainsi reproché à Livni de lui avoir tendu la perche.
Cette 18ème Knesset marqua le
début du virage des électeurs israéliens vers la droite nationaliste. Tsipi Livni refusa
de rejoindre Benjamin Netanyahou dans un gouvernement d’union pour éviter tout
choix opportuniste afin de rester le dernier bastion de la social-démocratie
dans son pays. Mais elle gardait l'espoir, qu’à l’instar de Menahem Begin, Netanyahou
allait faire preuve d'un pragmatisme politique.
Le résultat des élections de 2009 ne se
justifiait pas uniquement par une volonté d'alternance démocratique mais par
une crispation de plus en plus forte de l'opinion israélienne qui ne croyait
plus au dialogue mais au traitement du problème palestinien par la manière
forte. Les membres des kibboutzim, entièrement acquis aux travaillistes et à Meretz
ont fui leur camp historique pour rejoindre Lieberman à l'extrême-droite. Ce
fut un choix délibéré, sous forme d'avertissement s'adressant certes à la
classe israélienne mais aussi aux Palestiniens. Cette dérive droitière,
contraire aux sentiments profonds des Israéliens, tendait à mettre les deux
parties face à leurs responsabilités. Elle trouva sa source dans des faits
tangibles qui dénotaient d'ailleurs une absence totale de réalisme politique
chez les dirigeants arabes. Pendant que des fusées étaient envoyées sur le sud
d'Israël, aucune voix palestinienne ne s'était élevée pour condamner des actes
qui ne pouvaient que renforcer le clan extrémiste.
Les Arabes israéliens ont joué
quant à eux un rôle ambigu. Ils auraient pu être les arbitres d'un conflit
entre le Hamas et «leur» pays. Ils auraient pu intercéder pour
maintenir un dialogue, le seul à garantir une solution viable à long terme. Ils
ont au contraire prôné la politique du pire en défendant la cause d'une
organisation qui n'était pas en odeur de sainteté avec l'Occident. Ils ont
poussé leurs jeunes à brûler, face aux caméras de télévision, le drapeau
israélien dans les villages arabes. Ils ont encouragé leurs députés à la
Knesset à insulter l'État, ses dirigeants et sa population.
La gauche travailliste a été ainsi laminée
aux élections parce que ses sympathisants ont été choqués face à cette attitude
incompréhensible et par dépit, ils ont flirté avec une extrême-droite qui a su
exploiter la situation à son profit. Lieberman pouvait alors facilement
ratisser large en insistant sur le fait que la cohabitation devenait un leurre
et que par sécurité, il valait mieux séparer les deux communautés par un mur
infranchissable.
Tsipi Livni avait compris que le
nationalisme extrémiste ne représentait pas la voie naturelle en Israël et
qu'elle devait garantir l'issue d'une solution pacifique. D'ailleurs, elle était
intimement convaincue que les deux dernières guerres n'avaient pas résolu le
problème et, qu'en entrant dans un gouvernement de droite, elle aurait eu les
bras liés pendant des années durant lesquelles elle aurait cautionné une
politique dure, axée sur la seule force. Elle avait senti que l'insistance de
Benyamin Netanyahou à la garder à ses côtés était une grosse ficelle visant à
neutraliser la seule opposante détenant une image positive au sein du monde
occidental.
Elle sait que beaucoup
d'électeurs n'ont pas penché à droite par conviction et qu'ils regrettaient
déjà d'avoir donné leurs voix aux extrémistes. Elle se devait donc de
recapitaliser ce courant historique en restant dans une opposition digne et
loin de tout poste ministériel stérile. Sa tâche consistera alors à tisser les
liens distendus avec la population arabe israélienne, à condition qu'elle fasse
preuve de plus de neutralité, et avec l'autorité palestinienne à condition que
celle-ci condamne tout recours à la violence.
L'échec de Livni dans
l'opposition conforterait alors l'idée que la cohabitation avec les Arabes est
une idée illusoire et que seul le principe du transfert des populations arabes
vers la Cisjordanie et de la séparation chère à Lieberman restera la seule
solution. En désaccord avec son parti, qui avait choisi Shaoul Mofaz comme
leader, elle annonça le 1er mai 2012 sa démission de la Knesset. En fait c’était
pour revenir en force au devant de la scène politique.
Mais Benjamin Netanyahou n’avait
jamais renoncé à sa présence dans son gouvernement. Après les élections de
janvier 2013, Tsipi Livni devint ministre de la Justice dans le nouveau
gouvernement de Netanyahou avec une responsabilité sur le dossier palestinien. En
fait, en choisissant la femme politique qui l’a le plus critiqué sur ce dossier,
le premier ministre voulait afficher sa volonté de raviver le processus de paix
moribond au cours de sa nouvelle mandature. Du même coup, il voulait aussi rassurer
Yaïr Lapid qui avait martelé au cours de la campagne qu’il ne participerait
qu’à un gouvernement qui relancerait le dialogue avec les palestiniens. La
présence de Tsipi Livni devenait ainsi sa caution. Mais la cohabitation dura à peine une année car il était évident que Tsipi Livni sentait qu'elle devenait de plus en plus une potiche.
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Antonio Guterres et Tsipi Livin |
Tsipi Livni est plus appréciée à
l’étranger que dans son pays. D’ailleurs Antonio Guterres, le secrétaire
général des Nations unies, lui avait proposé le poste de secrétaire générale
adjointe, mais elle n’a pu donner suite face aux différents blocages, venant même de son camp. Elle avait retissé les liens distendus avec les Palestiniens
et avec certains pays arabes, le Qatar en particulier, avec qui elle entretient
des relations cordiales. Elle avait reçu à Jérusalem, en visite secrète, l’émir
du Qatar Sheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani pour l’informer de l'importance de
son rôle dans les discussions entre les Arabes et Israël.
Livni avait rendu de fréquentes visites au Qatar qui, depuis, s'est allié avec l'Iran. Par ailleurs, en 2009, elle
avait œuvré pour le rapprochement israélo-marocain en se rendant à Tanger sur
l’invitation d’un Think tank local qui l’avait ovationnée dans la salle de
réunion. Elle est la seule à pouvoir
contrebalancer la pression de la droite nationale et des religieux et à raviver
la crédibilité de la diplomatie israélienne.
Tsipi Livni a montré à plusieurs reprises qu'elle était une femme d'Etat qui savait ne pas succomber aux ors du pouvoir. Au poste qu'elle occupera, elle pourra compenser une diplomatie israélienne absente des chancelleries occidentales et surtout ne pas être tentée par le populisme qui sert de fondement à la politique israélienne. Sa filiation et son passé la mettront à l'abri d'une accusation de "gauchisme".
3 commentaires:
Peut être un nouvel espoir pour une solution équitable
Son pere, Eitan Livni, rtait tres loin de partager toutes les idees de son chef, Menahem Begin, mais il avait aussi compris qu'en s'y opposant il risquait de se retrouver coupe de sa base. C'est ce qui etait arrive aux anciens revisionnistes, comme le pere de Bibi, qui n'eut d'autre choix que de quitter Israel. Eitan Lini ne s'est jamais resout a une pareille solution, mais il a tres certainent influence sa fille Tsippi. Et un dernier mot en faveur de Tsippi. Comparez la a l'egerie actuelle du Likoud, Miri Reguev et vous pourrez tous constater que le Likoud d'aujourd'hui n'a pas grande chose a voir avec le Likoud de 1977.
Son seul probleme est son ego surdimensionne qui fera sa perte. Je ne serais pas tress etonne de savoir que Tsippi Livi aura quitter la vie politique en 2019.
J’aime votre analyse, je peux vous lire souvent MR Kabi à travers les articles de Mr Benillouche. Cependant j’ai pu noter dans vos interventions une certaine nuance pessimiste légitime parfois, exagérée a d’autres occasions. Sur le cas de Livni ici en est une belle occasion, je vois en elle un bon chef d’opposition elle aura mon soutient malgré mon attachement à l’encouragement des implantations. Son discours est clair et concis et D.ieu merci, il ne vole pas au ras des pâquerettes comme c’est tristement le cas aujourd’hui dans ce pays, un bol dair.
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