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mardi 31 juillet 2018

Israël se coupe de ses minorités



ISRAËL SE COUPE DE SES MINORITÉS

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps



Après le vote de la Knesset définissant Israël comme «l'État-nation du peuple juif», pour les Juifs seulement, établissant notamment l'hébreu comme seule langue officielle, le pays s’est coupé de ses minorités. Cette loi fondamentale constitutionnelle conduit irrémédiablement à une discrimination raciale et religieuse et annule le statut de la langue arabe parlée par 20% de la population. 



Combattants druzes

Cette loi touche non seulement les Arabes chrétiens et musulmans mais les Bédouins, les Druzes et les Circassiens dont plusieurs de leurs enfants, 30%, sont mobilisés dans Tsahal, souvent dans des unités d’élite. Les Druzes sont les plus amers car ils ont lutté avec les Juifs durant la guerre d’indépendance et n’ont jamais pris le parti des pays arabes. Cette communauté discrète, très impliquée dans la vie israélienne, n’a jamais agi au nom d'une appartenance à une entité séparée mais en tant que nationaliste chargée de soutenir son pays.
Les minorités n’ont jamais voulu se distinguer politiquement de la population et se sont intégrées dans les structures existantes en militant à droite comme à gauche, en tant que citoyens israéliens. A part ceux qui militent pour une indépendance palestinienne dans des listes arabes spécifiques, la plupart agissent au sein des partis traditionnels juifs. 
Zouheir  Bahloul

Le choc a été rude pour ceux qui ont joué la carte sioniste. Ces minorités se demandent si elles ne devraient pas se séparer en créant des entités politiques communautaires distinctes pour morceler encore plus le spectre politique en Israël. Le député arabo israélien Zouheir Bahloul, qui milite au sein des Travaillistes, a décidé dans un acte de protestation de démissionner de son mandat car pour lui «la Knesset est devenue le domaine privé de Netanyahou et de ses cohortes. Il vaut mieux que je m'échappe avant que ce navire ne coule. Il peut encore rester au-dessus de l'eau, mais je ne serai pas dessus». Alors il a décidé de fonder un mouvement populaire d'Arabes. Tsipi Livni, cheffe de l’opposition, déplore «l'époque où la tyrannie de la majorité et le nationalisme extrémiste blessent les minorités dans la société démocratique au lieu d’unir nos forces».
Enterrement d'un soldat druze

Mais cette loi est surtout injuste pour les Druzes qui donnent leur sang à l’Etat. Les parents druzes endeuillés, dont les enfants sont morts au champ d’honneur, sont furieux. 30% des jeunes de leur communauté sont engagés volontaires dans l’armée au terme des trois ans de service militaire obligatoire. Ils crapahutent dans tous les régiments, dans les commandos, dans les troupes d’élite et dans la police militaire. Mais avec cette loi, ils sont devenus des citoyens à part, uniquement de la chair à canon Dans le seul petit village druze de Beit Jann,  soixante et un des meilleurs hommes du village ont sacrifié leur vie pour protéger l'État d'Israël.
Des parents druzes endeuillés manifestent 

Au moment où toute la population d’Israël doit s’unir contre le danger au nord et au sud, on vote une loi juive qui a pour effet de séparer les communautés et d’instiller une déception parmi ceux qui ont joué la carte d’Israël. Quelle était l’urgence d’une telle décision alors qu’il y a d’autres priorités ? On ne peut pas exiger des minorités israéliennes la loyauté quand l’Etat lui-même crée une discrimination.

Le premier ministre Netanyahou a demandé à rencontrer les leaders druzes, en particulier le député du Likoud Ayoub Kara, le cheik Moafaq Tarif, actuel chef spirituel de la communauté druze,  le général de brigade Amal Asad et l'ancien député travailliste Shakib Shanan, mais il n’avait rien à leur proposer. Seule l’abrogation de la loi pouvait permettre un accord. Or Netanyahou a confirmé que la loi ne sera pas changée.

Des militaires druzes israéliens dansent

Les Arabes israéliens savent eux qu’ils n’ont plus rien à attendre d’un gouvernement qui veut les distinguer. Depuis longtemps ils jouent la carte du pays en abandonnant leur langue pour l’hébreu afin de mieux s’assimiler. Ils intègrent des emplois dans les commerces, dans la médecine et dans les industries. Ils quittent leurs villages pour cohabiter avec les Juifs dans les grandes villes où ils ne dénotent pas. Ils n’ont certes pas la fibre sioniste mais ils collaborent et refusent la violence.
Kahlon - Bennett

Deux ministres ont critiqué cette loi. Le ministre des Finances Moshé Kahlon, chef du parti de centre droit Koulanou, a estimé que le texte «avait été passé dans la hâte et devait être amendé». Le chef des sionistes religieux, le ministre de l'Éducation Naftali Bennett, considère que «la loi dans sa forme actuelle était très préjudiciable pour les Druzes et quiconque a lié son destin à celui de l'État juif. Il s'agit de nos frères avec qui nous combattons coude à coude sur le champ de bataille. Nous avons la responsabilité de trouver un moyen de combler le fossé avec eux».

Mais pour l’instant les extrémistes du Likoud se félicitent d’une telle loi et se congratulent dans un selfie ridicule. Ce sont les mauvais génies du premier ministre et pour satisfaire leur haine de l’Arabe, ils sont prêts à toutes les compromissions. Ils donnent des arguments aux ennemis d’Israël qui considèrent que le pays est un État d’apartheid. Il y a actuellement d’autres chats à fouetter avec les troubles à Gaza et le danger avec les Iraniens en Syrie. 


Cette loi n’apporte rien, divise et ne fait plaisir qu’aux extrémistes religieux orthodoxes qui continuent à imposer leurs diktats sous peine de faire tomber le gouvernement et qui veulent instituer un Etat messianique. Israël a été créé et reconnu comme État juif et aucun texte n’infirmera ou ne consolidera sa qualification.


8 commentaires:

  1. Toutes les minorites sont elles vraiment en symbiose amicale avec les juifs? Combien d'entre elles ne nourissent pas d'arriere-pensees quant au devenir d'un Etat juif qu'elles reveraient de devenir l'etat de tous les citoyens. Quant aux juifs de gauche qui les approuvent je n'ose imaginer ce que deviendrait la situation des juifs dans l'illusion europeenne du bien vivre ensemble une fois qu'ils auront perdu le pouvoir de coercition.

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  2. Emmanuel DOUBCHAK29 juillet 2018 à 19:48

    Je sens qu'Israël se coupe d'une très grande partie de ses Juifs et des Juifs de Diaspora, ils semblent préférer les colons aux Israéliens de tous bords.

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  3. Cher monsieur Benillouche,

    Je me souviens qu'en octobre 1981, au lendemain de l'élection de François Mitterrand, lors d'un débat houleux à l'Assemblée Nationale, André Laignel, député PS avait clôt le débat en assénant à son opposant du RPR : "Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaire."
    Dans un régime démocratique, que cela plaise ou non, c'est la loi de la majorité qui s'applique jusqu'à ce que ne survienne un changement de majorité.
    Nous avons déjà vécu ce genre de changement de majorité plusieurs fois, en France. En 1981 nous étions "passés de l'ombre à la lumière". Au bout de 14 ans de "lumière", le peuple a préféré retourner à "l'ombre" ! En 2017 nous sommes passés "de l'ancien monde au nouveau monde", mais déjà j'entends que beaucoup regrettent déjà leur "ancien monde" !
    Ainsi en va-t-il de la démocratie qui est "le pire des régimes à l'exception de tous les autres" !

    Très cordialement.

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  4. Netanyahou commet là sans doute sa plus grande faute politique qu'Israël devra payer tôt ou tard. Non seulement il donne des armes aux opposants du pays, mais en plus il se coupe d'une partie non négligeable de ce qui fait la diversité d'Israël. C'est tragique autant que lamentable

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    1. Israël,pourquoi l'appelle-t-on ainsi?parce que c'est son nom depuis plus de 3000 ans!
      Le pays de la Bible,écrite en hébreu!
      Ça vous étonne qu'on y parle cette langue?
      Les minorités y ont leurs droits!
      Un arabe israélien a les mêmes droits qu'un juif israélien!

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  5. c'est pourtant le sens de l résolution du vote de l'ONU me semble t il
    il y a 52 etats Musulmans il n'y a qu'un seul etat juif
    que la langue officielle soit l'hebreu ne me choque pas à condition que l'arabe soit aussi en vigueur
    on ne peut pas faire de Israél un état multinational

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  6. Prosper Youplaboum30 juillet 2018 à 13:25

    Une chose est sure, c'est que le vote (majoritaire) de cette loi - A bas la démocratie! - est l'occasion de lire et d'entendre beaucoup de sottises.

    Transposons la même question dans le contexte français : il y a en France actuellement environ 20% d'arabo ou d'afro musulmans (peut-être davantage).
    Exige-t-on que l'arabe (ou même le corse, le breton ou l'occitan) soit inscrit dans la constitution comme deuxième langue de la République ? Non !
    C'est ce que certains font en Israël au point que l'on peut se demander si tout n'est pas prétexte à faire feu de tout bois contre n'importe quelle initiative venant de Netanyahou.
    Est-ce que cette initiative risque de "couper Israël d'une très grande partie de ses Juifs et des Juifs de Diaspora" et est-ce que ces Juifs de diaspora parleraient tous arabe ?!
    Quant à l'allégation selon laquelle "Israël préférerait les colons aux Israéliens de tous bords." On atteint des sommets de stupidité !

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  7. Jean-Claude BENSOUSSAN30 juillet 2018 à 21:46

    Il est des moments où il faut revenir aux fondamentaux.
    Le sionisme est un mouvement religieux et politique visant à l’établissement d’un État juif en Palestine, peuplé par des juifs mais pas que par des juifs.
    Dans les fondements du judaïsme, dans ceux du sionisme, dans l’esprit des pères fondateurs d’Israel , tous sans exception désiraient ériger un État Juif pour rassembler les juifs.
    La Knesset n’a fait que répéter ce que tous les hommes épris de bonne volonté avaient compris hier et aujourd’hui.
    Les seuls à contester ont été et sont les arabes.

    Quant à la langue nationale ,de la même façon que la Constitution française affirme que la langue nationale est le français, la langue nationale d’Israel est l’hébreu, ni l’arabe , ni le russe , ni le français.
    Quoi d’anormal ?
    Pour ceux qui ont la tête dure , il est bon quelque fois de répéter les choses.

    Bien amicalement
    Jean-Claude Bensoussan

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