BOUTEFLIKA JOUE AVEC LE FEU AVEC SES MILITAIRES
Par Jacques BENILLOUCHE
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Général Abdelghami Hamel |
Le
président algérien Abdelaziz Bouteflika a dû préparer ses arrières pour limoger
deux hauts personnages des services sécuritaires alors qu’il tient son pouvoir
de l’armée, omniprésente dans les rouages de l’État. Le 26 juin, il a signé un
décret limogeant Abdelghani Hamel, le chef de la police. Il s’agit d’une
décision surprenante et risquée car l'homme déchu était à la tête à la tête de
la puissante DGSN (Direction générale de la sureté nationale) et était
considéré comme le successeur putatif du président aux élections de 2019.
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Palais al Mouradia |
Cette mise à l’écart surprend car Abdelghani
Hamel représentait la loyauté au président. Ce proche du palais d’El Mouradia
et confident du président, né le 3 juillet 1955, est titulaire d’un diplôme
d'ingénieur en informatique et d’un magistère en études stratégiques et relations
internationales. Il a suivi plusieurs formations militaires, dont le cours d’État-major
et l’école de guerre en Égypte et en Union soviétique. Il a passé 37 ans dans
le corps de la Gendarmerie nationale où il a occupé plusieurs commandements. En
2008, Abdelaziz Bouteflika avait fait appel à lui comme chef de la Garde
républicaine. Promu général-major, il est nommé le 7 juillet 2010 chef de la
police alors qu’il envisageait de prendre sa retraite. Il a alors adopté une
politique moins radicale que son prédécesseur Ali Tounsi, assassiné dans son
bureau par l’un de ses collaborateurs. Il était considéré comme un intouchable.
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Général Menad Nouba |
Mais Bouteflika ne s’est pas arrêté là. Il a
ensuite limogé le 4 juillet le patron de la gendarmerie nationale, le
général-major Menad Nouba. Chef d’État-major depuis quatre ans au Commandement
de la Gendarmerie nationale (CGN), âgé de 63 ans, il a été plusieurs fois
diplômé des instituts d’études supérieures de la Gendarmerie nationale (GN) en
France dans les années 1990. Il occupa plusieurs postes de commandement en tant
que fin connaisseur des frontières, notamment les spécificités du Sahel et des
zones frontalières où règne la grande contrebande et les groupes de djihadistes.
A ce titre, il était chargé de la coopération avec les pays du Mali et du
Tchad. Très connu également dans la lutte antiterroriste, Menad a longtemps
géré les unités d’intervention et fait partie de la génération émergente des
compétences sécuritaires du pays.
On ignore les réelles raisons de sa
destitution. Il a sans doute été une victime collatérale dans l’affaire
des 701 kilos de cocaïne saisis le 26 mai dernier à Oran. Un importateur connu
sur la place d’Alger, des magistrats ainsi que des pontes dans l’administration
font l’objet de plusieurs enquêtes par la gendarmerie et la justice.
Le général Hamel paie
certainement sa déclaration publique du 26 juin devant des caméras de
télévision. Pourtant réputé homme pondéré, il avait accusé la gendarmerie, chargée
de l’enquête sur la saisie de la cocaïne, de violations dans la procédure judiciaire
autour de ce dossier. Il avait aussi attaqué les responsables de ce corps de
sécurité en déclarant que «celui qui veut lutter contre la corruption doit
être propre».
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Bouteflika et ses généraux |
Au moment où la santé de
Bouteflika décline et où les frontières avec le Maroc s’échauffent,
l’armée algérienne ne peut se permettre d’afficher des troubles en son
sein. Elle est classée à la 23e place
mondiale et en deuxième position en Afrique, derrière l'armée égyptienne qui
occupe, quant à elle, le 12e rang mondial. Ces limogeages préfigurent peut-être
la lutte des clans pour le pouvoir, après le départ de Bouteflika.
Cette affaire de cocaïne semble
cacher des conflits au sein du régime. Si les militaires se parlent, ils ne sont plus
d’accord entre eux. L’institution militaire est profondément divisée entre
clans en raison des dérégulations dans les partages de commissions
considérables. Les turbulences au sommet de l’État sont encore d’actualité. En
août 2017, le premier ministre algérien, Abdelmadjid Tebboune, avait été limogé
trois mois à peine après sa nomination pour être remplacé par Ahmed Ouyahia,
chef de cabinet de Bouteflika, et son homme de confiance.
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Bouteflika et son frère Saïd |
En raison des liens entre le pouvoir et les
oligarques, tout dirigeant qui décide de s’attaquer à ces liens est éliminé. Plusieurs
grandes entreprises algériennes, adjudicataires d’importants marchés publics
d’infrastructure, sont dans le collimateur de ceux qui veulent s’attaquer à la
corruption. L’Entreprise des travaux routiers, hydrauliques et bâtiments
(ETHB), propriété d’Ali Haddad, puissant chef du Forum des chefs d’entreprise
(FCE, l’organisation patronale algérienne) et ami revendiqué de Saïd
Bouteflika, frère influent du chef de l’État.
Abdelmadjid Tebboune avait essayé
de toucher aux intérêts de certains oligarques qui appartiennent au clan
présidentiel comme Ali Haddad. Dans le cadre de la lutte des clans, le groupe
présidentiel, composé de Saïd Bouteflika et du patron de la centrale syndicale
UGTA (Union générale des travailleurs algériens- syndicat officiel) Abdelmadjid
Sidi Saïd, a défié le Premier ministre qui avait fini par être écarté.
La compétition politique pour le
pouvoir, en dehors du cadre démocratique, génère des luttes futiles et
destructrices du pays, de ses capacités, de sa souveraineté, rendant les
institutions otages des luttes de clans. La bonne gouvernance doit plutôt
préserver la souveraineté du pays en assurant la sécurité et la stabilité à
travers l’État de droit, la liberté, la justice, la citoyenneté et la
réalisation du développement économique. Or tous les indicateurs économiques
montrent que le pays s’enfonce davantage dans la crise. Il est risqué d’ajouter
à cela une crise avec les militaires qui pourraient constituer un groupe actif de
généraux factieux.
2 commentaires:
Allons, allons, monsieur Benillouche, vous savez bien que Bouteflika est sub-claquant et que donc il ne peut plus "jouer" à rien !
Quant au reste... inch' Allah !
Lorsqu'un pays en faillite fonctionne sur le mode de la corruption, il ne faut oublier personne !
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