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jeudi 24 mai 2018

Les relations israélo-françaises dans la tourmente



LES RELATIONS ISRAÉLO-FRANÇAISES DANS LA TOURMENTE

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright ©  Temps et Contretemps

            

          La visite que devait effectuer le premier ministre Edouard Philippe en Israël, les 31 mai et 1er juin a été annulée par la France. L’alibi de «l'agenda intérieur chargé du chef du gouvernement», et notamment les dossiers de la SNCF et de l'audio-visuel public, est un alibi peu crédible. Cette décision a été certainement prise en raison du transfert de l'ambassade américaine à Jérusalem et des victimes palestiniennes de Gaza à l’occasion de la «grande marche du retour». Et cela étonne d’autant plus que la visite, ajournée sine die.



            Le président français avait critiqué la prise de position de son «ami Donald Trump», affirmant que son annonce avait été «une véritable erreur qui n’aidait pas à l’amélioration de la situation sécuritaire». La politique française est autonome et elle ne peut être calquée sur celle des Américains et encore moins sur celle des Israéliens qui ont du mal à assimiler cette notion de stratégie diplomatique.  Toutefois le gouvernement israélien souhaite une politique française équilibrée qui ne soit pas imposée par le seul Quai d'Orsay qui rappelle «les autorités israéliennes à leur devoir de protection des civils et leur demande d'agir avec la plus grande retenue» à la suite de la mort des Palestiniens à Gaza.
            Si Paris insiste sur le «droit des Palestiniens à manifester pacifiquement» et souhaite que «les deux parties fassent cesser la crise humanitaire que traverse la bande de Gaza», il tient à ignorer les arguments sécuritaires des Israéliens qui ne peuvent se laisser déborder par des manifestants prêts à envahir leur sol. Quand le Quai d'Orsay exige que le blocus instauré par les autorités israéliennes soit levé, il ne soulève pas le problème que le point de passage de Rafah avec l’Égypte n’a été ouvert que pendant 29 jours en 2017 alors que de manière quotidienne des centaines de camions livrent des marchandises et des produits industriels à Gaza.
            L’ambassade de France à Tel-Aviv n’avait pas apprécié mon article publié chez Slate en février 2018 qui justement soulevait l’état des relations : «Depuis les votes négatifs à l’Unesco et après le vote de la France en faveur de la résolution condamnant la décision américaine de transférer son ambassade à Jérusalem, les relations entre Israël et la France sont –c’est un euphémisme– très froides». Les nombreuses visites de ministres et hauts personnages français en Israël ne peuvent camoufler le fait que les relations restent extrêmement conflictuelles.
            Le gouvernement français est maître de ses choix politiques et de sa politique étrangère qui ne doivent pas être soumis à l’imprimatur d’Israël. Mais il semble évident que le Quai d’Orsay pousse à des relations privilégiées avec les potentats arabes et iraniens. Toute la politique de la France est fondée sur un pragmatisme économique dans lequel Israël a peu de place. Le Quai d’Orsay est dans son rôle quand il publie son opinion à l’occasion des événements meurtriers de Gaza. Mais le déséquilibre de sa déclaration affaiblit son influence en Israël et lui enlève toute possibilité de se poser en arbitre dans le dialogue israélo-arabe, n’en déplaise aux diplomates de l’ambassade dont le rôle est de gommer les aspérités. Pourtant, les Israéliens considèrent la France comme un partenaire indispensable dans le processus de paix.

            Le Quai n’a pas mis en garde le Comité de coordination pour la Grande marche du Retour sur les risques d’un débordement des émeutiers chauffés à blanc par des discours nationalistes inefficaces : «Le Comité de coordination a identifié un certain nombre d'événements populaires pour faire face à l'occupation et briser l'arrogance de la sécurité israélienne qui a essayé d'être imposée à notre peuple et l'empêcher d'approcher des frontières artificielles entre la bande de Gaza et nos terres historiques occupées». En n’imposant pas de faire respecter les frontières, les manifestants ont été encouragés à les détruire pour envahir le territoire israélien.
            La France souffre des factions islamiques et djihadistes autant qu’Israël mais se voile la face devant les déclarations du chef du bureau politique du Hamas, Ismail Haniyeh, qui avait prévenu à l’avance que la «marche du retour ne s'arrêtera pas forcément à la frontière d'Israël». Mais cela n’empêche pas Emmanuel Macron de condamner aujourd'hui les «actes odieux commis par Israël contre des manifestants palestiniens». C’est une affirmation unilatérale qui peut être difficilement acceptée par le gouvernement israélien.


            Et pourtant les langues se délient du côté palestinien pour admettre que plus de 75% des morts sont des militants du Hamas et non des manifestants civils. Rien n’y fait. En d’autres lieux et en d’autres temps, lorsque 40.000 émeutiers s’attaquent aux forces de l’ordre, des centaines de morts, voire des milliers auraient dû être dénombrés. Les soldats israéliens, des tireurs d’élite, ont eu des consignes fermes de ne tirer qu’au coup par coup après avoir ciblé les meneurs armés. Le nombre d’une centaine de morts, selon Israël, était incompressible.

            On avait déjà senti la gêne du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, venu à Jérusalem le 25 mars, pour la première fois en Israël. Il était uniquement venu pour clarifier la position de la France vis-à-vis de l’Iran.  Le résultat de la rencontre fut faible.Le ministre français avait insisté auprès de Netanyahou sur la défense de l'accord avec l’Iran. Il avait constaté que les divergences avec la France sur la question iranienne étaient croissantes. La conférence de presse conjointe avait été réduite à sa plus simple expression lorsque Netanyahou avait exprimé sa position ferme : «Nous devons nous unir contre ce terrorisme qui afflige notre monde. Nous devons combattre les terroristes où qu'ils soient. Et nous devons combattre les régimes parrains du terrorisme, où qu'ils soient. Le principal régime de parrainage de terroristes dans le monde, dans notre région et au-delà est l'Iran. Nous devons faire reculer son agression, et c'est vaste, et nous devons nous assurer que l'Iran n'acquiert pas d'armes nucléaires».



            Mais Israël a besoin de la France car la politique étrangère européenne est façonnée par Emmanuel Macron, en particulier sur le dossier iranien. Alors les observateurs scruteront les conséquences de l’annulation de la visite d’Édouard Philippe. L'Ambassade d'Israël en France et la Chambre de Commerce France-Israël organisent, du 5 au 8 juin, dans le Salon d'Honneur du Grand Palais, une exposition présentant 70 ans d'innovations israéliennes. Cette exposition sera inaugurée le 5 juin par le Président de la République Française et par le Premier Ministre Israélien, si Netanyahou n’annule pas son déplacement... en raison d'un agenda chargé.



4 commentaires:

  1. Israel se passera de la visite insignifiante du Premier Ministre Français !
    les Français et les "Européens" sont d'une nullité, ils ne pensent qu'à faire du fric avec une dictature de mollah: l'Iran et à trahir !
    La France a vu son taux de chômage augmenter à nouveau, bref, cette crise depuis 40 ans est toujours là et des générations ont été sacrifiées, mais tant que ça ne touche pas "Auteuil,Neuilly,Passy", ...
    Excellente émission hier soir sur la 2 : Casch Investigation d'Elise Lucet sur les magouilles de " l'erre Sarkosy "avec la libye de Kadhafi..
    Et la France la ramène..?!!

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  2. Marianne ARNAUD23 mai 2018 à 20:20

    Cher monsieur Benillouche,

    Tout ce que vous écrivez sur le traitement que le Président Macron fait subir à Israël serait audible s'il était un homme d'état ou un politicien comme l'ont été tous les présidents de la Vème République, de De Gaulle à Hollande. Mais vous semblez oublier qu'Emmanuel Macron est un banquier. Qu'il a pris le pouvoir, par un concours de circonstances et grâce à ce que ses propres amis présentent comme "Le Casse du siècle". Il exerce donc le pouvoir seul, et aucune décision, d'aucun de ses ministres, n'est prise sans son aval. C'est donc à lui, et à lui seul, que revient la responsabilité de toutes ses décisions, bonnes ou mauvaises.

    Très cordialement.

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  3. Jacques BUSSEUIL23 mai 2018 à 20:23

    Je me suis mis en réserve du mouvement en marche. La position française sur les manifs à Gaza est inadmissible et impardonnable

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  4. lorsque l'armée française au Mali( donc pas chez elle) a du faire face à une "foule en colère", elle a tiré à balles réelles sur la foule et personne n'a rien eu à redire plus de 60 morts, de vrais civils dans ce cas...
    on ne peut comprendre la politique de la France et celle de l'UE que par le fait que l'existence même d'Israél pose probléme à des pays qui veulent la fin des nationalismes pour créer à l'image de l'ex-URSS une Europe sans nations multiculturelle.
    cela dit Israél est un VRAI pays multiculturel
    essayes de comparer l'URSS et L'UE, nombreuses similitudes...

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