ISRAËL COMPTE
SUR L’AVANCE TECHNOLOGIQUE DES F-35 POUR CONTRER LES SU-57 RUSSES
Par Jacques BENILLOUCHE
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Sukhoï SU-57 |
La question s’est posée sur la capacité des F-35 (baptisés Adir) à intervenir dans le ciel syrien ou libanais. Le nouveau chasseur, reçu à l’état «brut» par Tsahal, n’a pas encore atteint les capacités opérationnelles du F-15 amélioré par les services techniques israéliens, sauf sa furtivité qui lui permet d’échapper aux radars. Les monoplaces et biplaces F-15 sont une véritable machine de guerre, un bimoteur, de la quatrième génération avec des systèmes d’armement éprouvés, les uns connus et les autres secrets.
F15 |
Les
pilotes israéliens dominent complétement l’usage du F-15 dont la supériorité
aérienne est considérée la meilleure de la quatrième génération. Il est grand,
rapide, agile, et porte sous ses ailes beaucoup d'armes visibles ce qui le rend
dissuasif en mission d’interception des avions ennemis. Les pilotes ont eu le
temps de se familiariser avec ce chasseur introduit dans l’armée en 1982, après
la première guerre du Liban. Beaucoup de victoires dans le ciel sont à son
actif ainsi que de nombreuses missions de longue portée.
Le
F-15 avait été conçu pour des missions d'interception, de combat aérien, de
supériorité aérienne et de défense de l'espace aérien national. Mais, au cours
des 15 dernières années, l'avion a été adapté pour attaquer des cibles au sol après
avoir été équipé de capacités air-sol. Sa portée a été élargie avec une
capacité accrue de transporter de grandes quantités de munitions à de longues
distances, en volant à haute altitude. Ces transformations ont modifié totalement
les spécifications d’origine de l’avion.
En
revanche, le F-15 n’a aucune capacité de furtivité. Mais, selon les
professionnels, le F-35 n’a pas les mêmes avantages en combat aérien. Son armement
est caché l'intérieur des baies réservées aux bombes, pour optimiser sa
furtivité. Mais dans le cadre d’une interception ou d’un combat air-air, le
pilote semble gêné par un armement qu’il faut préparer avant son usage. En
d’autres termes, pour prendre l’exemple trivial d’un fusil, la balle est déjà
dans le canon pour le F-15 tandis que pour le F-35 il faut le préparer avant
d'affronter une cible. Mais il est vrai le combat air-air est plus rare. En revanche
pour violer un espace aérien ennemi, la furtivité permet d’atteindre des cibles
sans être détecté, contrairement au F-15. C’est d’ailleurs ce qui le rend plus
efficace de ce point de vue qu’un Rafale français.
Israël
est le premier pays étranger à mettre en service actif les avions furtifs, déjà
prêts pour des missions réelles de combat. La guerre aérienne avec la Syrie
crée une tension qui est poussée à son paroxysme depuis l’arrivée, le 24
février en Syrie, de deux chasseurs SU-57 russes, furtifs de cinquième génération qui portent
à quatre le nombre d’avions d’attaque de ce type dans la région. Ils représentent
un défi à la fois pour l’aviation israélienne mais aussi pour les Etats-Unis.
Cela accroît de manière sensible les capacités des forces aériennes russes en
Syrie en plus des avions déjà présents dans la base de Hmeimim, à savoir 4
avions de combat Su-35, 4 avions d'attaque Su-25 et une plate-forme de
commandement et de contrôle radar A-50U.
Chasseurs russes dans la base de Hmeimim |
Missile de croisière russe |
Le
SU-57 est aussi prévu pour transporter le nouveau missile de croisière X-50,
d’où l’inquiétude israélienne. La décision russe de gonfler l’armement en Syrie
intervient à la suite des bombardements de l’artillerie américaine et des
frappes aériennes qui ont fait des dizaines de morts russes, voire des centaines selon ceratines sources. Des combattants
de nationalité russe ont été tués, le 7 février à Deir Ez-Zor, par des forces
américaines déployées dans la région. Le général Jeffrey Harrigian, commandant
des forces aériennes au Moyen-Orient, avait estimé que la coalition avait agi «en
légitime défense».
Par
ailleurs, les Russes ne pouvaient pas rester passifs après la destruction le 10
février par l’aviation israélienne de quatre centres de commandement iraniens
en Syrie. Ils doivent aussi faire face aux F-35 en alignant des avions de
cinquième génération. Mais ils prennent délibérément le risque d’une escalade
guerrière. Il n’est pas certain que les Russes engagent un combat de front avec
Israël mais ils réduisent la liberté d’action des avions de Tsahal.
Israël
a reçu neuf F-35 au sein du 140e Escadron Golden Eagle, commandé par le lieutenant-colonel Yotam. Toute l’année écoulée a
servi à l’apprentissage des pilotes pour une formation sur l'avion, ses
systèmes, son fonctionnement et sa maintenance. Mais, comme pour tous les
autres avions, depuis le Mirage français, Tsahal et les industries militaires
apportent leur touche pour le rendre opérationnel selon les normes
israéliennes.
Le logiciel
ALIS (Autonomic Logistics Information System), chargé de gérer la chaîne
logistique de la maintenance de l’appareil, intègre une large gamme de
fonctionnalités, y compris les opérations, la maintenance, l’analyse
prédictive, la formation et les données techniques. Un environnement
d’information unique et sécurisé. En clair, ALIS, avec ses millions de lignes
de code, permet d’optimiser la maintenance des flottes de F-35. Or Israël met
en cause la sensibilité de ce programme au risque de cyber-attaques
et a donc décidé de déconnecter les F-35 israéliens du système ALIS ce qui risque de les clouer au sol. En effet, ce système informatique a pour rôle de collecter des informations
sensibles mais est donc vulnérable. Depuis
mai 2017, Tsahal a mis au banc d’essai son premier avion et a intégré ses propres nouveaux logiciels pour remplacer ALIS.
Les
industries militaires travaillent par ailleurs sur le développement de
réservoirs de carburant pour augmenter leur portée globale, tout en réduisant
la pression sur le ravitaillement en vol pour lequel Israël a encore des
lacunes et manque de ravitailleurs. L’Adir sera aussi capable d'utiliser de
l’armement air-air et air-sol spécifique à Israël tandis que certaines
informations venues de l’étranger font état de modifications pour contribuer à
la dissuasion nucléaire qui reste tacite mais non confirmée.
Shavit |
Israël
envisage de compléter la gamme déjà étendue de capteurs et de contre-mesures
électroniques avec ses propres systèmes conçus au niveau national, pour accroître
son potentiel déjà impressionnant en tant que plate-forme électronique de
collecte de renseignements. Tsahal a introduit les techniques pour que l’Adir puisse
partager des informations avec les avions d'alerte avancée Eitam et les
avions de renseignement électronique Shavit. Pour faire face aux menaces dans la région, l'armée de
l'air utilise actuellement deux variantes du Gulfstream G550, soit un modèle de
système d'alerte précoce et de contrôle aérien intitulé «Eitam» et une
version «Shavit» chargée des tâches de collecte de renseignements et
de communications électroniques.
Khorramchahr |
L’avion
furtif F-35 entre dans le cadre de l’optimisation de l'arsenal aérien israélien, devant faire face aux développements des capacités offensives de l’Iran qui déploie de
surcroît des réseaux de défense de plus en plus efficaces contre d’éventuelles
frappes préventives. En septembre 2017, les Iraniens avaient dévoilé leur
dernier missile balistique, le Khorramchahr à portée intermédiaire, capable d’atteindre
Israël. Mais les responsables israéliens s'inquiètent surtout du potentiel de
l’Iran de développer secrètement une arme nucléaire pour équiper ce missile.
Certes
les F-15 son plus maniables pour les pilotes israéliens chevronnés qui
détiennent une forte expérience de ces avions. Mais les nouveaux missiles
sol-air S-300 de fabrication russe représentent une menace sérieuse pour les
avions non-furtifs, d’où l’intérêt du F-35. Les Adir ont la capacité de se
déplacer dans un espace aérien hostile, avec une faible probabilité qu'un
adversaire les détecte. Ils peuvent survoler des pays dont le ciel leur est
interdit, sans avoir à contourner certains chemins.
Mais
pour l’instant, l’aviation israélienne préfère utiliser les F-15 sur de petites
distances pour des frappes ponctuelles contre le Hezbollah libanais, allié de
l’Iran. En revanche les F-35 pourraient être plus efficaces et plus sécurisés
pour des missions lointaines comme celle de 1985 lorsque des avions israéliens
ont attaqué les bases de l’OLP en Tunisie, ou celle de 2009 dans la frappe des
cargaisons d'armes iraniennes au Soudan, destinées au Hamas.
Le
140ème escadron de F-35 est prêt pour des missions à longue distance mais il
pourrait exceptionnellement intervenir en Syrie lorsque l’environnement de
défense aérienne syrien deviendrait de plus en plus efficace avec les missiles russes
sol-air S-300 et S-400 et les missiles syriens sol-air SA-5, vieillis mais
encore efficaces. Les F-35 offrent une protection accrue aux pilotes israéliens
effectuant des missions dans les zones les plus densément défendues de la
Syrie, comme autour de Damas.
Cependant
Israël n’envisage pas dans l’immédiat d’utiliser l’Adir pour survoler la Syrie sauf
en cas d’urgence extrême. Ce serait prendre des risques inutiles pour les
chasseurs furtifs en cours de reconfiguration alors que les F-15 disposent d'armes
de sécurité et sont dotés de contre-mesures électroniques avancées à l’abri de la
guerre cybernétique. Les défenseurs aériens syriens n'ont pas été capables
d'abattre des avions israéliens au cours de plus de quatre années de frappes
sporadiques. La distance qui sépare Israël de la Syrie est telle que Tsahal peut
mener des frappes à l'aide de roquettes d'artillerie lancées depuis le sol, en
toute sécurité ou depuis la frontière libanaise sans affronter les forces
russes et la défense syrienne. Même si les F-35 sont mieux protégés contre les défenses aériennes
syriennes, il y a toujours la possibilité d'un tir chanceux des missiles
syriens ou d’un accident technique.
Lieutenant-colonel Yotam |
Tsahal
doit être sûr de toutes ses capacités techniques. Les retombées pratiques et
politiques d'une chute d’un F-35 en Syrie seraient incalculables, non seulement
pour Israël, mais pour les États-Unis. D’ailleurs, l'US Air Force n’a pas
encore engagé ses F-35 dans des opérations de combat mais dans des opérations
de renseignement. Le lieutenant-colonel Yotam est réaliste : «Nous n'avons pas
encore terminé notre connaissance de l'appareil. Nous avons encore des tests,
le développement de doctrines de combat et un apprentissage approfondi. Nous
n'avons pas cessé d'apprendre à penser et à développer après avoir été déclarés
opérationnels». Il est probable que l’Adir restera réservé pour attaquer
des cibles à longue portée, défendues par un système avancé de défense aérienne
intégrée.
Les rumeurs disent que ce serait les Russes qui auraient abattu le F-16 avec un S-200, histoire de montrer les lignes rouges à Tsahal. Si un vieux S-200 peut faire l'affaire, j'ose imaginer les S-400.
RépondreSupprimerIbrahim le fait de declencher peu de temps apres la chute du F16, une tres importante attaque utilisant 30 avions, pour aller detruire 12 cibles Syriennes et Iraniennes dont 4 batteries de missiles parmi les plus sophistiqees,n'est il pas une reponse a la question que vous vous posez?
RépondreSupprimerSi la Russie a commence a aider la Syrie et d'autres a abattre un F-15 au dessus du territoire exigu israélien, d'autres soutiens pourraient suivre.L'avion furtif échappe a la vigilance des radars, mais peut-être pas a l’œil des satellites en orbite.
RépondreSupprimerIsrael n'a pas choisi le F35, cet échec volant leur a été imposé. le F16 qui a assuré la suprématie aérienne depuis 3 décennies est maintenant obsolète. Forcé de constaté que si et en attendant que le F35 devienne opérationnel un jour.. Tsahal ne fait pas le choix d'un autre Chasseur omnirôle ou pas l'aviation va subir de grave revers en opération.
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