NETANYAHOU, QUI NE DIT MOT…
Par Jacques BENILLOUCHE
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Tous les observateurs politiques avertis ont
noté le silence troublant du premier ministre israélien après la signature de
l’accord entre Fatah et Hamas. Certains en viennent à se demander si Donald
Trump ne l’a pas empêché de manifester librement son sentiment face à cette
réunification palestinienne, afin de pouvoir imposer sa propre stratégie au Moyen-Orient.
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Sissi et Salmane |
Il semblerait en effet que, à travers cet accord téléguidé par
l’Égypte, le président américain ait opté pour un arrangement régional avec
l’égyptien Al-Sissi et le Saoudien Ben Salmane dans le cadre d’une alliance
contre l’Iran mais qui passe préalablement par une solution palestinienne.
Par ailleurs, Netanyahou rêve d’une «alliance sunnite» entre
l’Arabie saoudite, l’Égypte, les États du Golfe et Israël, et il ne pouvait donc s’opposer
à l’Égypte maître d’œuvre du projet.
On se souvient en effet que la réaction de Netanyahou avait
été totalement différente en 2011, après un accord mort-né entre le Fatah et le
Hamas, qui lui avait fait dire : «Comment peuvent-ils être pour
la paix avec Israël et être également pour la paix avec le Hamas, lequel veut
nous détruire ?». Il avait même menacé de sanctions les Palestiniens qui
s’étaient empressés d’envoyer des roquettes depuis Gaza. Ce fut alors le cycle des
représailles israéliennes qui avaient été interprétées à l’époque comme une
volonté de bloquer l’accord inter-palestinien.
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Accord 2014 |
Dans le cadre d’une nouvelle tentative de réunification
en 2014, le premier ministre avait considéré que «Mahmoud Abbas avait
choisi le Hamas et non la paix» et ordonné à nouveau des frappes de
missiles sur Gaza pour marquer sa désapprobation sachant que l’accord inter
palestinien n’était pas du goût des Israéliens.
La réaction du premier ministre à l’occasion de cette
dernière initiative d’octobre 2017 a semblé plus timorée. Il s’est uniquement déclaré
opposé à tout accord qui ne répondrait pas aux conditions fixées par le Quartet,
imposant la reconnaissance d’Israël et la fin du terrorisme. Mais cette fois,
aucune menace n’a été proférée comme s’il s’agissait de cautionner l’initiative. Il
s’est borné à préciser, de manière vague, que «Israël évaluera les
développements sur le terrain et agira en conséquence» mais il a exigé cependant
que les clans Fatah-Hamas rompent tout lien avec l’Iran et ne mettent plus en
danger l’existence d’Israël.
Benjamin Netanyahou a confirmé aux membres du Cabinet de sécurité
qu'Israël n'essaiera pas de contrecarrer le pacte de réconciliation, mais ne le
reconnaîtra pas non plus. Par ailleurs il s’est engagé à ne pas couper les
liens avec l'Autorité palestinienne à la suite de la signature de l'accord du Fatah avec le Hamas.
Plusieurs interprétations peuvent être données à ce silence
de Netanyahou. D’une part, il ne voulait pas s’opposer à Donald Trump qui prépare une médiation en Israël avec les pays arabes. D'autre part, il devait se consacrer pleinement à ses affaires judiciaires. La police
semble avoir clôturé son enquête et elle envisage très probablement une inculpation
du premier ministre.
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Amsalem et Bitan |
C’est d’ailleurs pourquoi le Likoud, sous l’impulsion des
députés David Amsalem et David Bitan, tente de modifier la loi fondamentale
d’Israël pour promouvoir une nouvelle législation, surnommée «projet
de loi français», visant à protéger le premier ministre israélien en exercice
contre toute enquête de corruption, de fraude ou d’abus de confiance. La loi ne
pouvant être rétroactive, il est prévu une démission de Netanyahou et de
nouvelles élections anticipées pour que la nouvelle loi s’applique à l’occasion
de sa réélection.
Mais Netanyahou a senti que les questions palestiniennes, avec leurs nombreux
rebondissements, ne passionnent plus les Israéliens qui sont lassés par leur déroulement stérile alors que, paradoxalement, l’affaire de l’Unesco a suscité plus de réactions.
Les gesticulations du Fatah et du Hamas sont sorties du radar israélien sachant d’ailleurs que cette scission est une aubaine pour Israël car elle affaiblit l’Autorité palestinienne, jugée
à l’étranger comme un frein à la réunification.
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New-York 18 septembre 2017 |
Une autre raison du silence volontaire de Netanyahou est liée
à la necessité de ne pas gêner l’initiative égyptienne alors qu’Al-Sissi s’est
pleinement engagé à résoudre, par petits pas, le conflit israélo-palestinien.
Les relations sécuritaires entre l’Égypte et Israël sont suffisamment solides
pour que le processus ne déraille pas par le fait des Israéliens. Une déclaration intempestive israélienne pouvait saboter l’initiative d’Al-Sissi qui avait fait
le geste, le 18 septembre 2017 aux Nations-Unies à New York, de rencontrer Netanyahou face aux caméras de la presse. Des indiscrétions font aussi état d’une intervention des Égyptiens auprès du
premier ministre israélien pour qu’il ne s’oppose pas ouvertement à cet accord afin de ne pas saboter les efforts d'Al-Sissi.
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L'Autorité palestinienne reprend le contrôle de Gaza |
L’expérience ratée des précédents accords a aussi convaincu les
Israéliens que cette réunification fera long feu car beaucoup d'obstacles bloquent le processus, et surtout le désarmement de la branche armée du Hamas. Il n’est donc pas nécessaire de s’opposer
frontalement aux négociateurs au risque de se déconsidérer vis-à-vis de l’opinion internationale
et des Américains. L'accord tombera de lui-même. Le silence de Netanyahou lui permet aussi de ne pas aborder ce
sujet épineux avec Naftali Bennett, leader de Habayit Hayehudi, qui n’attend que l’occasion
pour marquer son opposition à la politique suivie par le gouvernement de coalition. Il vient de qualifier l'Autorité palestinienne «d'entité terroriste». Il s’oppose à toute négociation avec les Palestiniens qui risquent d’inclure
des membres du Hamas dans leur délégation. Pour une fois en politique, contrairement à son habitude, Netanyahou est convaincu que le
silence est d’or.
1 commentaire:
Cher monsieur Benillouche,
"Netanyahou qui ne dit mot..", serait-il cet homme d'Etat - quels que soient ses défauts par ailleurs - dont Israël a besoin en ce moment précis, pour tenir la barre d'un esquif devant sans cesse louvoyer entre ses ennemis de l'extérieur et ses opposants de l'intérieur ?
C'est la question que vous semblez poser, et à laquelle vous semblez même répondre !
Très cordialement.
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