ISRAËL :
QUERELLE AU SOMMET
Par Jacques BENILLOUCHE
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Le président Rivlin et le président de la Knesset |
Il n’y a aucun doute que Réouven Rivlin s’est bonifié avec le temps dans ses fonctions de président de l’État d’Israël. Un signe qui ne trompe pas, les députés de gauche et de nombreux citoyens trouvent qu’il remplit avec efficacité sa tâche d’arbitre du pays. Ce pur et dur du parti Likoud, qui faisait partie des «faucons», porte parfaitement ses habits de président intègre, impartial et profondément sioniste. En fait, il a étonné parce qu’il s’est substitué à une opposition inexistante et atone en donnant de la voix par un discours imprévisible, voire politiquement violent. C’est inhabituel à l’occasion de l'ouverture de la session d'hiver de la Knesset.
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Cour Suprême |
Il
a d’abord déploré la volonté de saper la Cour suprême dans
le cadre d’une «tentative continue d'affaiblir les gardiens de la
démocratie israélienne». Il a mis en garde les législateurs
israéliens contre la décision du gouvernement et de la Knesset de politiser les
institutions de l'État : «Nous sommes les témoins d’un vent de
changement ou d’une seconde révolution. La règle de la majorité est la seule
règle. Une nouvelle réalité est en train de se créer, dans laquelle tout est
politisé : les media, les institutions démocratiques, le contrôleur de l'État,
la Cour Suprême, les forces de sécurité. Il y a rupture entre le pouvoir
législatif et judiciaire puisqu’on veut modifier le mécanisme de nomination des
juges avec des tentatives de terroriser la Cour et de l'affaiblir, avec une
volonté de saper son autorité».
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Bennett et la ministre de la justice Shaked |
Il
faisait alors allusion à Naftali Bennett, leader de Bayit Hayehudi, qui avait
déclaré «qu'il y a des juges à Jérusalem qui ont oublié qu'il y a
aussi un gouvernement à Jérusalem». Bennett avait proposé des
amendements qui empêcheraient la Cour suprême d'intervenir sur les questions de
législation à la Knesset : «La Cour suprême n'est pas censée
intervenir et nous dire si elle aime ou n'aime pas une loi spécifique. C'est le
travail de la Knesset. La Cour suprême ne peut pas annuler la volonté de la
nation juste parce qu'elle n'aime pas cette loi». Or il veut modifier le rôle de la Cour suprême qui est de dire uniquement le droit et de juger si les lois
votées sont conformes aux Lois Fondamentales, à l’instar de la Conseil Constitutionnel en France.
Le
président de la Knesset, Yuli Edelstein, a lui aussi abordé la question avec
plus de doigté : «La séparation des pouvoirs en Israël est devenue un
mythe, une légende ; le rôle de la Knesset a été réduit à presque rien».
Le 23
octobre, le discours du président Réouven Rivlin, a été accueilli, fait exceptionnel,
par les applaudissements de tous les députés de l’opposition. Ils ont découvert un dirigeant qui pouvait le mieux exprimer leur désarroi face à l’omnipuissance
du gouvernement actuel. Ils ont apprécié son langage déterminé pour avertir les députés que le gouvernement actuel conduisait Israël vers une voie
dangereuse sur le plan démocratique or, selon lui, les institutions gouvernementales sont vitales
pour la préservation de la démocratie.
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Chef de l'opposition Herzog |
Certes,
le discours de Réouven Rivlin constituait une attaque en règle contre Benjamin
Netanyahou, comme aurait dû le faire l’opposition si elle était unie et dirigée
par un chef charismatique. Mais l’opposition est divisée avec des membres, à l'attitude ambiguë, qui évitent de critiquer le gouvernement quand ils n’envisagent pas de rejoindre
la coalition. Ses membres donnent l’impression qu’ils sont désarmés et résignés
puisqu’en interne, ils avouent que le gouvernement risque de durer encore
longtemps. Leur action consiste à fustiger le premier ministre accusé de
vouloir faire voter des lois antidémocratiques.
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Et merci au leader de l'opposition pour ce discours |
Réouven
Rivlin s’est porté au-dessus de la mêlée en garant des institutions. Il a défendu
le chef de la police, les juges de la Cour Suprême, les Forces de défense
israéliennes et le Shin Bet, qui ont tous été attaqués par des politiciens de
droite, y compris par le premier ministre. Sa position n’étonne pas car il
entretient depuis longtemps des relations difficiles avec Netanyahou qui
s’était opposé à sa nomination. Mais les
dirigeants du Likoud, ses anciens amis, l’ont lâché et ils sont montés au créneau
pour condamner son intervention : «C'était clairement un discours
politique et donc inapproprié».
Le président Rivlin est resté pourtant discret car il n’a pas
abordé, même à travers une quelconque allusion, les différentes enquêtes
concernant Benjamin Netanyahou ni les efforts des dirigeants du Likoud pour
faire adopter une loi visant à protéger le premier ministre contre d’autres
enquêtes durant son mandat. Mais fait exceptionnel, le procureur général
Avichai Mandelblit, qui s’est jusqu’à présent distingué en bloquant ou en ralentissant
les procédures, s’est opposé sans réserve à ce projet de loi.
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Le procureur Mandelblit |
Netanyahou
mène son combat juridique pour survivre politiquement et toutes les méthodes
sont bonnes. Il a consacré son discours à attaquer ses détracteurs. Il a
ridiculisé les media et ses opposants politiques pour créer une véritable
rupture entre la gauche et la droite, seule issue pour gagner les élections.
Alors que son discours d’ouverture devait porter sur son programme politique
pour le restant de la législature, il n’a parlé que de lui et de généralités
sur la vie en Israël : «Le pays connaît un essor diplomatique et
économique sans précédent : en matière de sécurité, nous sommes plus puissants
que jamais, nos fondations nationales sont solides. Dans dix ans, nous serons
un pays de 10 millions d’habitants avec un PNB d'un demi-milliard de dollars. Je
rencontre des douzaines de dirigeants mondiaux qui nous admirent pour notre
guerre ferme et déterminée contre le terrorisme, nos innovations technologiques
et notre empressement à envoyer des équipes de sauvetage dans le monde entier».
Il s’est en passant glorifié et en a profité pour critiquer l’industrie de la morosité en ciblant les «journalistes, les politiciens et les partisans de la gauche qui jouiraient de la vie facile et de l'abondance en Israël et s'envoleraient pour des vacances fréquentes à l'étranger mais ne reconnaîtraient pas la grandeur du Premier ministre» .
Il s’est en passant glorifié et en a profité pour critiquer l’industrie de la morosité en ciblant les «journalistes, les politiciens et les partisans de la gauche qui jouiraient de la vie facile et de l'abondance en Israël et s'envoleraient pour des vacances fréquentes à l'étranger mais ne reconnaîtraient pas la grandeur du Premier ministre» .
L’intervention de Netanyahou a été jugée sans haute tenue
politique car le programme du gouvernement a été éludé. Mais l’opposition n’a pas su
exploiter l’occasion qui lui était donnée pour contrer les choix politiques du
premier ministre. Cela prouve qu’il est inattaquable et qu’il est plus solide
que jamais au sein de son parti.
Il
n’est pas certain que les diatribes échangées à la tribune de la Knesset par
les deux hauts personnages de l’État puissent avoir un impact sur l'opinion
publique israélienne. Les critiques amères, violentes, le plus souvent sur
un ton injurieux, restent pour l’instant circonscrites au sein de la Knesset.
Une seule constatation cependant, l'opposition reste marginale.
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