LA CORÉE DU NORD, MAUVAIS GÉNIE DE L’IRAN
Par Jacques BENILLOUCHE
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Défilé de missiles en Corée |
L’attention
de l’opinion internationale est actuellement mobilisée par les informations en
provenance de Corée du Nord. Cette dictature ne peut pas inquiéter directement Israël
car d’autres pays de sa région, plus proches, sont menacés par ses progrès en
matière d’expériences atomiques. En revanche, Israël est sensibilisé par la coopération
de ce pays avec l’Iran. Dans l’immédiat, la question de la bombe A ou H est
secondaire par rapport à la production en série du missile balistique Pukguksong-2 qui risque de se retrouver entre les
mains des Gardiens iraniens de la Révolution. On en parle moins car le monde
est sensibilisé par le nucléaire et pourtant il s’agit d’un fait ultra-sensible
pour l’Occident, et pour Israël en particulier.
Kim Jong-Un supervise le lancement du Pukguksong-2 |
Ainsi
le 20 mai, depuis sa base de Pukchang au sud du pays, la Corée a procédé au tir
d’un engin balistique de moyenne portée, lequel a volé sur 500 kms, avant de
terminer sa course en mer du Japon. Certes il s’agit pour l’instant d’une
portée courte mais les progrès sont rapides. Les premiers à réagir ont été les
Coréens du Sud qui ont parlé d’un acte «dangereux et irresponsable»
tandis que le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, qui se sent plus menacé,
estime que «Pyongyang lançait un défi au monde et piétinait les
efforts internationaux pour arriver à une solution pacifique». De leur
côté, les forces américaines refusent d’envenimer la situation et se bornent à
réitérer leur «engagement inébranlable à défendre leurs alliés dans la
région».
La
nouveauté qui inquiète Israël est l’alimentation de ce nouveau missile en
combustible solide qui remet en question sa stratégie de défense. Les Iraniens
ne disposent pas encore de cette technologie. Les moteurs à ergol liquide ne
peuvent pas être stockés dans des silos en raison de la volatilité du
combustible gaz qui peut exploser à tout moment sous l’effet de la chaleur. Les
missiles à combustibles liquides doivent être extraits de leurs silos,
longtemps avant, pour remplir les deux réservoirs de combustible et de
comburant. Non seulement cela augmente les délais de lancement mais le temps de
préparation de plusieurs heures les rend vulnérables car ils sont détectés par
les satellites israéliens avant leur lancement avec possibilité de les neutraliser avant toute
action.
Le
Pukguksong-2, alimenté en combustible solide, utilise la technique du lancement
à froid. L’engin est d’abord éjecté de son silo par une cartouche de gaz
comprimé avant que son moteur principal ne s’allume. Il s’agit du même principe
que les missiles balistiques emportés par les sous-marins avec la difficulté de
détecter leur site de lancement. La production en série de ce missile a été
décidé par Kim Jong-Un.
Hwasong-12 |
Ce
lancement vient après celui, le 13 mai, du missile Hwasong-12, à portée de
4.500 kms, susceptible donc d’atteindre les bases américaines implantées dans
le Pacifique. Après les tests de bombes nucléaires, Pyongyang est donc en
mesure de se doter d’un missile balistique intercontinental à capacité
nucléaire.
Or
depuis les années 1980, la Corée du Nord est l'un des importants fournisseurs
d'armes du gouvernement iranien. Les ventes d'armes nord-coréennes et de
blindés (T-54/55) à l'Iran ont littéralement explosé durant la guerre
Iran-Irak. Elles ont débouché par ailleurs sur une coopération nucléaire entre
les deux pays, impliquant également la Syrie. Dans les années 2000, 19 missiles
balistiques nord-coréens BM25 Musudan, d'une portée de 2.500 à 3.000 kms, ont
été vendus à l'Iran, en échange de pétrole. En décembre 2009, une cargaison
d'armes nord-coréennes contenant des lance-roquettes et des missiles sol-air
avait été interceptée en Thaïlande. L'armée nord-coréenne entraînerait par
ailleurs des agents iraniens avec des techniques de pointe.
Le
Shahab-4 (Étoile filante-4) est un missile balistique de moyenne portée
développé par l'Iran. Il est présenté par les autorités iraniennes comme un
engin lanceur spatial civil, et non comme un projet militaire. Or, selon des
experts occidentaux, il serait basé sur le missile soviétique SS-4 (dont il
reprendrait le propulseur RD-214), largement modifié par les technologies
iraniennes, ainsi que sur le missile nord-coréen Taepodong-1.
Taepodong-1 |
Il
en résulte que les progrès de la Corée du Nord en matière de missiles à
combustible solide et de miniaturisation de ses bombes nucléaires pourraient
être exploités par l’Iran. La taille des bombes nucléaires a été réduite pour
leur permettre d’être incorporées dans des ogives. La Corée du Nord n'est pas vraiment en mesure d'atteindre Israël car la distance de vol est de 8.042 kms avec en
temps de vol de 9 à 16 heures selon la vitesse. Mais ces mêmes missiles entre
des mains iraniennes pourraient facilement atteindre Israël situé à 2.300 kms de l'Iran.
L’accord
nucléaire américano-iranien de 2015 impose aux Iraniens de conserver un
caractère civil à leur programme, en échange d’une levée sur dix ans des
sanctions internationales. Mais rien n’empêche l’Iran de collaborer avec la Corée
du Nord pour poursuivre ensemble leurs recherches nucléaires. L’Iran pourrait aider la
Corée à gonfler ses faibles stocks d’uranium et surtout de plutonium, nécessaires
à la fabrication d’un missile intercontinental. En effet, la Corée ne disposerait de
matière que pour une vingtaine de bombes nucléaires. La collaboration Iran-Corée est un élément
stratégique qui est à présent pris en compte par les stratèges israéliens. Mais le danger concerne tous les pays occidentaux, le Japon, la Corée du Sud et bien
sûr les Etats-Unis. Il n’est pas impossible qu’ils se liguent contre un danger
qui n’est plus virtuel.
Bombe H |
Mais
l’information qui a ébranlé la conscience occidentale, concerne la détention de
la bombe H par la Corée du Nord. Quelle différence ? La bombe H (à
hydrogène) est 100 fois plus puissante que la bombe A (atomique) avec un
encombrement réduit.
La
bombe A, qui a été lancée à Hiroshima et Nagasaki, a un combustible de base
constitué de gros noyaux d'atomes lourds et instables, de l'uranium 235 ou du
plutonium 239. Lorsqu'ils sont en quantité suffisante, la fission de l'un de
ces atomes va provoquer en cascade la fission d'autres atomes, en déclenchant
une réaction en chaîne qui dégage des quantités énormes d'énergie en un temps
très court.
Explication simple des bombes A et H
Dans
la bombe H, l'allumage de l'explosion est provoqué par une bombe A classique.
La réaction de fission initiale va servir à atteindre des températures
et des pressions énormes capables de déclencher la fusion de petits
noyaux d'atomes (l'hydrogène, deutérium ou tritium). La réaction nucléaire est encore
plus violente que la fission. Ces bombes sont aussi appelées thermonucléaires,
avec une différence de processus physique, la fusion provoquée par la fission. Seuls
cinq pays disposent certainement de la bombe H : les États-Unis, la Russie, la
Grande-Bretagne, la Chine et la France. La Corée du Nord pourrait l'avoir développée si l'on se fonde sur la déflagration, suite à l'essai de cette
semaine, qui a été ressentie jusqu'en Chine avec une secousse mesurée à 6,3 dans une sorte de tremblement de terre.
On
ignore tout du programme nucléaire israélien qui est soumis à une censure
militaire. Mais des rapports étrangers prétendent que la France a aidé Israël à
fabriquer sa première bombe A et les Etats-Unis sa première bombe H. Mais tout
ceci n’est que spéculation.
Entre ces 2 Pays, Iran et Corée du Nord, semble s'établir une Relation autre que Diplomatique.
RépondreSupprimerKim Jong-Un, alias "Le Soleil du XXIème Siècle" dispose de missiles à longue portée.
Et si pour contrecarrer l'embargo qui touche son Pays, Kim Jong-Un vendait des missiles à l'Iran ? Ce serait grave pour Israël.
Cher monsieur Benillouche,
RépondreSupprimerBoris Vian, en son temps, s'était déjà intéressé à cet épineux problème. Ni vous, ni moi, n'y pouvant rien, mieux vaut en rire avant que d'avoir à en pleurer :
https://www.youtube.com/watch?v=eryzp0Pklc8
Très cordialement.
Je connaissais le niveau qui me laissait pantois des chercheurs Iraniens, il y a c'est vrai déjà 35 ans. (S'ils n'aimaient pas le SHAH ils n'appréciaient pas non plus les ayatollah mais ils sont restés fidèles à leur pays). Il y a une dizaine d'années des stagiaires m'ont rapporté qu'ils avaient rencontré des étudiants Nord Coréens en Chine.
RépondreSupprimerBon en réunissant tous ces bonhommes; qu'il arrivent sur le papier à mettre au point un lanceur (comburant solide, alliages, composants, câblage permettant le pilotage du moteur dans des conditions thermiques extrêmes ...) possible. Mais mettre en œuvre les procédés industriels sans aide extérieure pour ces pays, ça me laisse très dubitatif...!
Pour l'ogive thermonucléaire mis à part le principe physique je n'y connais pas grand chose, mais j'ai entendu dire que ce n'était pas la "miniaturisation" le problème le plus complexe.
En ce qui concerne la matière fissible il se peut qu'il s'en égare en Corée du Nord un peut plus que ce qu'elle est sensée produire.(Certainement simples supputations délirantes d'un vieux).