L'ARMÉE
LIBANAISE SE REBIFFE ET PART À L’OFFENSIVE
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Les
Libanais se rebiffent. Historiquement faible, divisée et mal équipée, l’armée
libanaise a décidé de partir à l’offensive contre Daesh dans un combat qu’elle
ne peut se permettre de perdre. Il s’agit d’une prise de conscience historique car, jusqu’à
présent, elle faisait de la figuration dans une région traversée par plusieurs
conflits, en laissant le Hezbollah maître des opérations et de son avenir.
Soutenue par les Etats-Unis, l’armée libanaise a lancé une offensive contre
Daesh au nord-est du Liban alors que simultanément, dans une offensive
distincte, le Hezbollah et l’armée syrienne manœuvraient à la frontière
libanaise.
Général Ali Konso |
Cette
offensive est la plus grande des forces libanaises qui veulent réaffirmer,
enfin, leur contrôle sur toutes leurs frontières. L'opération, approuvée par les
États-Unis, est lourde de conséquences politiques. Le Liban veut prouver qu'il peut s'affranchir de la tutelle du Hezbollah qui régente tout au Liban, à travers la Syrie et l'Iran. L’armée libanaise et le Hezbollah sont à la fois alliés et rivaux dans
un pays du Cèdre compliqué, alors que leurs sponsors respectifs, les États-Unis et
l’Iran, rivalisent aux deux extrémités de l’échiquier géopolitique. Mais il est difficile d'ignorer que le Hezbollah est un partenaire du gouvernement de coalition
libanais et qu’il a toujours donné ses ordres à l’armée libanaise. Le Liban veut changer la donne et il sait que l’échec ou la réussite de l’opération militaire conditionnera la stabilité du Liban. Ne voulant pas donner l’impression d’être
aux ordres du Hezbollah, le porte-parole de l’armée le général Ali Kanso a insisté pour affirmer qu’il n’existe aucune coordination avec les forces du
Hezbollah et de la Syrie, qui limitent leur action du côté syrien de la
frontière.
Général américain Votel au Liban |
Effectivement
le Liban, qui reçoit une aide conséquente des Américains, ne peut afficher sa
collaboration avec le Hezbollah considéré comme une organisation terroriste. Au
cours de la dernière décennie, le Liban a reçu près de deux milliards de
dollars d’aide militaire sous forme de chars, de transporteurs blindés de
personnel, des drones de surveillance, d’avions d'attaque et d’hélicoptères,
soit 80% des équipements militaires. Les Etats-Unis ont formé par ailleurs 32.030
soldats libanais. Huit véhicules de combat Bradley pour l’infanterie ont été
livrés une semaine avant l’offensive tandis que le général Joseph Votel, du
Commandement central, avait cautionné cette bataille à l’occasion de sa visite
en juin dans la région : «L'armée libanaise reste l'un de nos
partenaires les plus compétents et efficaces. Nous sommes fiers de notre
soutien en tant que seul défenseur du Liban».
Véhicule de combat Bradley |
Les
troupes de l'armée libanaise ont lancé leur attaque à l'aube du 19 août 2017, près
des villes de Ras Baalbek et Qaa, deux localités chrétiennes situées à la
frontière syrienne dans un terrain montagneux, sous contrôle de Daesh depuis
2014. L’État islamique ne dispose dans la région que de 600 miliciens aguerris qui
se cachent dans des réseaux de grottes creusées dans les montagnes. L'opération
militaire, baptisée «l'aube des jurd», a fait plusieurs
morts chez les islamistes radicaux. L’armée libanaise a réussi à libérer plus
de la moitié du territoire contrôlé par Daesh. Le porte-parole de l’armée a
précisé : «nous avons repris le contrôle des hauteurs de Wadi
Khechen, Kherbet el-Tine, Kornet Hokab al-Hamam et Ras al-Dalil. Nous avons
repris Dalil Om Jemaa, au nord-est des hauteurs de Douhour Khanzir, situé entre
les jurds de Ersal et de Ras Baalbeck. Les terroristes de l'EI sont pris en
étau à Wadi Martabia».
Les
pertes libanaises sont faibles pour l’instant, trois soldats ont été tués.
Selon le colonel Abou Eid : «Un véhicule
militaire a été visé par l'explosion d'une mine sur la route de Douwar Njasa,
dans le jurd de Ersal, tuant trois soldats et blessant grièvement un quatrième.
L'explosion est survenue en dehors du théâtre des opérations contre l'EI où la
situation évolue à l'avantage des troupes régulières. Nous sommes déterminés à
éradiquer la présence de l'EI en territoire libanais. Le commandement ne
coopère ni avec le Hezbollah, ni avec les troupes syriennes dans cette
opération».
Cette volonté de se distinguer du Hezbollah pourrait ne pas être du goût de la milice considérée au Liban comme une pestiférée. D’ailleurs, dès l’annonce de la bataille dans les Jurds, la milice n’a pas voulu être en reste et a aussitôt annoncé une opération parallèle avec l’armée syrienne régulière. Certes la coordination entre les deux entités est difficile sachant que les deux champs de bataille sont séparés par des montagnes peu accessibles en voiture. D'ailleurs on voit mal comment l’armée libanaise pouvait coordonner son action avec le Hezbollah alors qu’elle manifestait une volonté de se démarquer des chiites libanais qui ont senti le danger d’être marginalisés. C’est pourquoi, ces derniers insistent pour prouver qu'il existe une réelle coopération.
Obsèques des militaires libanais |
Cette volonté de se distinguer du Hezbollah pourrait ne pas être du goût de la milice considérée au Liban comme une pestiférée. D’ailleurs, dès l’annonce de la bataille dans les Jurds, la milice n’a pas voulu être en reste et a aussitôt annoncé une opération parallèle avec l’armée syrienne régulière. Certes la coordination entre les deux entités est difficile sachant que les deux champs de bataille sont séparés par des montagnes peu accessibles en voiture. D'ailleurs on voit mal comment l’armée libanaise pouvait coordonner son action avec le Hezbollah alors qu’elle manifestait une volonté de se démarquer des chiites libanais qui ont senti le danger d’être marginalisés. C’est pourquoi, ces derniers insistent pour prouver qu'il existe une réelle coopération.
Khalil Helou |
Il
est certain que l’armée libanaise étonne et qu’elle n’était pas susceptible à
faire preuve de prouesses inédites. Selon le général à la retraite Khalil
Hélou : «l’armée a su manier des bombes aériennes lourdes qu'elle
a utilisées pour la première fois ; elle détient une provision de
munitions très importante ; elle a fait preuve d'une précision du tir
remarquable et surtout d'une coordination rarement aussi efficace entre ses
différentes unités. L'armée n'a eu besoin d'aucun soutien. Et le Hezbollah n'a
aidé en rien».
Armée libanaise |
Mais le
Hezbollah semble vouloir jouer un double-jeu. Il diffuse l'information qu’il
détient des prisonniers de Daesh qui, selon lui, préfèrent être livrés au Hezbollah qu'à
l'armée libanaise sachant qu’ils pourraient plus facilement faire l’objet
d'échanges éventuels de prisonniers de guerre. Il veut profiter du fait que l’offensive contre Daesh, derrière les frontières syriennes, est à double tranchant. Le Hezbollah peut
empêcher l’arrivée de renforts de Daesh de la Syrie vers le Liban. Mais il peut
aussi favoriser le transfert de troupes de Daesh vers le côté libanais. Il
détient donc des cartes pour compliquer la tâche de l’armée libanaise dont il
veut démonter qu'elle n'est pas si autonome qu'elle le pense, tandis que le Hezbollah cherche à la désavouer aux
yeux de la communauté internationale et des Américains.
Mohammad Raad |
Les soutiens du Hezbollah montent sur le front politique. Le député Mohammad Raad, idéologue
du parti et député libanais, s’attribue le monopole de la résistance : «La bataille de l'armée dans le jurd est la nôtre. Nous sommes les yeux et les
mains de l'armée et nous ne la laisserons pas se battre indépendamment de
l'aide dont elle a besoin. C’est nous qui avons préservé la souveraineté de ce
pays, nous qui avons libéré cette terre». En écho, le cheikh Nabil Kaouk, membre
du conseil exécutif du Hezbollah, renchérit : «N'étaient les sacrifices de
la résistance en Syrie, le Liban aurait été livré à tous les dangers».
Le
Hezbollah a donc la possibilité de compromettre l’offensive militaire de l’armée
libanaise mais il prendrait le risque de laisser alors des terroristes s’infiltrer
dans les villages libanais chiites limitrophes, comme Laboué et Nabi Osman.
Le chef
des Forces libanaises, Samir Geagea, s’est élevé contre ceux qui veulent ternir
l'image de l'armée libanaise, au moment où celle-ci combat les djihadistes du
groupe État islamique : «A certaines plumes et certaines bouches
nous disons, laissez l'armée tranquille, et arrêtez d'essayer de la dépeindre
comme une faction parmi d'autres au service du régime syrien de Bachar el-Assad».
Dès lors que les Américains ont compris qu’il fallait s’impliquer ouvertement dans le conflit libanais en finançant et en équipant l’armée libanaise laissée à l’abandon par les Occidentaux, alors les Libanais ont repris confiance en eux pour démontrer qu’ils n’étaient pas des bras cassés. En fait les Libanais se rebiffent et ils veulent reprendre leur liberté après avoir été sous le joug des Syriens, des Iraniens et du Hezbollah. Ils ne leur restent plus qu’à réévaluer leurs intérêts internationaux pour envisager un rapprochement avec Israël au moment où l’Arabie saoudite envisage sérieusement de nouer des relations diplomatiques. La réussite du combat contre l'extrémisme djihadiste est à ce prix.
Dès lors que les Américains ont compris qu’il fallait s’impliquer ouvertement dans le conflit libanais en finançant et en équipant l’armée libanaise laissée à l’abandon par les Occidentaux, alors les Libanais ont repris confiance en eux pour démontrer qu’ils n’étaient pas des bras cassés. En fait les Libanais se rebiffent et ils veulent reprendre leur liberté après avoir été sous le joug des Syriens, des Iraniens et du Hezbollah. Ils ne leur restent plus qu’à réévaluer leurs intérêts internationaux pour envisager un rapprochement avec Israël au moment où l’Arabie saoudite envisage sérieusement de nouer des relations diplomatiques. La réussite du combat contre l'extrémisme djihadiste est à ce prix.
C'EST LA REAPPROPRIATION progressive de la liberté du Liban et peut-être le futur clin d'oeil d'un rapprochement avec l'Etat d'Israel.
RépondreSupprimerIl faut que l'armée libanaise de souche tienne le coup toute seule et arrive à exclure progressivement le Hezbollah.
De toutes les manières il faudra attendre la cessation des faits militaires pour commencer la partie politique et diplomatique.
(Modification Régionale en ligne de mire)
Vous avez oublié un acteur important de la scène libanaise
RépondreSupprimerL'Arabie saoudite qui arme le Liban avec du matériel français....
Si seulement cela pouvait être un retour du Liban indépendant pensant aux intérêts des libanais !
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