AYELET SHAKED RÊVE D’ÊTRE LA NOUVELLE GOLDA MEÏR
Par Jacques BENILLOUCHE
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Les
rumeurs d’élections anticipées persistent à l’heure où une minorité pense que Benjamin Netanyahou a fait son temps. Avec les affaires judiciaires
et les appétits politiques, la classe politique songe à une nouvelle
gouvernance. C’est le moment où la ministre de la justice, Ayelet Shaked, se
prépare à engager le combat pour convaincre. Depuis Golda Meir, aucune femme
n’a atteint le poste de premier ministre. Elle est tellement convaincue d’y
arriver qu’elle a la prétention de pouvoir coiffer au poteau le leader de son
parti, le ministre de l’éducation Naftali Bennett que Benjamin
Netanyahou a placé à ce poste pour mieux le neutraliser. Elle n’a aucun
scrupule vis-à-vis de son leader de parti qui semble actuellement sur la touche. À
chacun sa chance. Un sondage du site Walla la place d’ailleurs en seconde
position des femmes, juste après Tsipi Livni.
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Ayelet Shaked à la Knesset |
L’ambition
de Shaked est immense et pour cela, tous les moyens sont bons, même s’il a
fallu, pour une laïque, militer au sein d’un parti religieux, certes sioniste.
Mais malgré sa popularité au sein des milieux d’extrême-droite, elle devra
surmonter de nombreux obstacles avant d’arriver au poste suprême. Il est
certain qu’elle n’avance pas masquée et qu’elle ne cache pas ses ambitions
politiques puisque le 6 mars 2017, à l’occasion d’une manifestation pour la
Journée internationale de la femme, elle avait ouvertement révélé son intérêt
pour le poste.
Dans
un article dans le journal Hashiloah, «Pathways to Governability»,
elle avait exposé son credo personnel, à savoir sa vision cohérente du monde
conservateur traduisant sa façon de renforcer le caractère juif d'Israël. Il
s’agissait d’un document presque académique dont le message paraissait
compliqué pour des politiciens de base peu évolués. En qualifiant ce document
de «manifeste thatchérien», elle avait déclenché une tempête politique
car elle écornait l'idée sioniste historique d'Israël concernant la notion d’État juif
et démocratique. Elle avait créé le débat car elle avait réussi à aborder toutes les questions civiles, judiciaires et politiques.
Shaked
est de la nouvelle race des politiques qui savent exploiter la force des
réseaux sociaux. Elle y est en permanence présente. Elle voudrait, sans aucun
complexe et en l'absence d'une Constitution formelle, que son document serve de
boussole morale, éthique et civile pour le pays. Mais pour elle, les notions «d’État juif et d'État démocratique» sont à égalité dans la
hiérarchie des valeurs. Elle a évolué au contact des sionistes religieux puisqu’elle
a adopté leur concept qu’Israël sera un État véritablement démocratique si
c’est un État juif : «Je crois que nous serons un État plus
démocratique, plus nous serons un État juif, et nous serons un État plus juif,
plus nous devenons démocratiques».
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Shaked et Livni côte à côte à la Knesset |
Shaked
se présente donc comme la pionnière d'une nouvelle vision de la droite qui
défie pour certains la démocratie israélienne. En cela elle se distingue de Tsipi Livni qui
estime impossible de préserver à la fois le caractère juif et démocratique
d'Israël sans avoir d'abord obtenu une solution diplomatique au conflit : «C'est pourquoi nous devons abandonner une partie de la terre et des moyens avec
les Palestiniens. Si nous ne le faisons pas, ils voteront aux élections à la
Knesset et deviendront la majorité».
Cette
jeune femme de 40 ans veut parvenir à convaincre avec ses idées, sans s’appuyer
sur les arrangements politiques. Mais paradoxalement
elle est qualifiée à la fois de femme politique la plus éminente mais aussi de femme
la plus intrigante. Certains la comparent à Tsipi Livni du temps où celle-ci
dirigeait Kadima d’une main de fer. Mais contrairement à Golda Meir et Tsipi
Livni positionnées au centre-gauche, Shaked se situe à l’extrême droite avec deux
obstacles à franchir. D’une part, en militant dans un parti nationaliste de
droite, elle réduit son espace politique aux membres d’un électorat pur et dur.
D’autre part, elle milite au sein d’un milieu d’hommes profondément religieux alors
qu’elle ne renie pas ses convictions laïques.
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Yigal Levinstein |
Elle
est à l’étroit chez Bayit Hayehudi qui n’a pas percé car sa «clientèle»
est limitée. Elle aura donc besoin de s’appuyer sur un parti fort qui lui
servira de tremplin. Elle avait fait ses classes au Likoud et rien ne l’empêche
d’y retourner bien que dans l’histoire du parti, aucune femme ne l’a dirigé.
Elle aura beaucoup à faire avec les rabbins misogynes à l’instar du rabbin
Yigal Levinstein, qui soutient ouvertement Habayit Hayehudi mais qui ne cesse
d’insulter les femmes soldates. Or elle doit ratisser large et ne peut se couper de l'électorat féminin. Il est
vrai qu’elle a l’expérience du combat politique puisqu’elle était parvenue en
tête de la liste Likoud aux élections primaires de 2015. Elle avait même supplanté
des candidats masculins de haut niveau, aux états de service militaires
élogieux.
Shaked
a montré qu’elle était déterminée puisqu’elle avait exigé de Benjamin Netanyahou
le ministère de la justice convoité par les politiques et généralement réservé
aux méritants. Elle savait que ce poste pouvait être un tremplin pour sa
carrière. Aujourd’hui, paradoxalement, cette bourgeoise laïque de Tel-Aviv,
issue des milieux du hightech, est admirée par les milieux religieux qui veulent
oublier qu’elle n’est pas des leurs et qu’elle ne se couvre pas la tête. Cette
proximité avec ce monde particulier a permis au parti de Bennett de ne pas
sombrer car elle a réussi à le transformer pour faire oublier son étiquette
orthodoxe. Elle sait qu’elle milite dans un parti modeste, qui ne joue pas dans
la cour des grands puisqu’il n’est pas arrivé à décoller ; les derniers sondages
lui attribuent 12 sièges. Il ne peut servir que d’appoint à une majorité de
droite.
Son identification comme personnalité d’extrême-droite
nuit à son image. Son avenir reste sa réintégration au Likoud où les manœuvres
ont commencé pour le leadership du parti. Elle n’avait jamais planifié d’entrer dans un
parti religieux si Naftali Bennett, qui dirigeait avec elle le cabinet de
Netanyahou, ne l’avait pas convaincue de le suivre à la conquête d’un parti
moribond. Shaked venait d’un autre monde, de la bourgeoisie du nord de
Tel-Aviv, de celui de la haute technologie où elle travaillait comme ingénieur
de haut niveau, bien rétribuée. Son époux, pilote de combat des forces aériennes de
Tsahal, dont la fonction est couverte par la censure, est sa caution sécuritaire. Elle aurait pu rester au Likoud si Sarah
Netanyahou n’avait pas pris ombrage de sa présence risquée pour l’avenir politique de
son époux. Sarah avait compris très vite qu’elle avait affaire à une concurrente
politique aux dents longues. Mais dans l’hypothèse du retrait de Netanyahou,
l’obstacle serait contourné et elle retrouvera ses marques dans un parti qui
lui sied le mieux.
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Séance de la Cour suprême |
Dans
son environnement elle n’a pas hésité à apparaître comme une féministe Mais
elle est surtout très controversée pour sa sémantique anti palestinienne et son
idéologie antidémocratique. En effet, ses propos racistes sur les Palestiniens
avaient choqué. Sur Facebook elle les avait qualifiés de «serpents et
d’ennemis» et avait appelé «à un génocide contre tous les
Palestiniens». Le post a depuis été supprimé mais il avait été
largement diffusé. Son combat contre la Cour suprême, dès sa prise de fonction,
avait été interprété comme une volonté de museler les politiques. Elle souhaite
que la Cour suprême s’ingère moins dans la définition de la loi mais en
revanche voudrait accroître le contrôle de la Knesset sur le gouvernement.
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Nouveaux juges |
Elle
fait preuve d’une capacité intelligente de convaincre et de réussite qui lui
ont permis de remporter une victoire lors de la désignation des nouveaux juges
à la Cour suprême. Deux juges religieux ont été nommés pour modifier
l’équilibre politique de la Cour. Cela a contribué à augmenter son aura auprès
de l’électorat de droite. Elle a surtout
montré une capacité d’adaptation puisque informaticienne professionnelle, elle
ne pouvait se prévaloir d’une formation juridique. Et pourtant, elle a obtenu le
poste de la Justice où elle fait preuve d’intransigeance et de militantisme extrémiste,
selon certains. En effet elle a réussi à interdire le financement des ONG de
gauche.
Ses chances restent faibles pour être premier ministre car elle doit trouver un consensus pour rassembler et surtout adopter une politique plus lisse. Elle
n’est pas encore entrée dans le moule de la politique politicienne. Nul ne peut anticiper
qu’elle sera premier ministre, mais il est certain que le prochain titulaire du
poste devra compter avec elle pour réussir. Ayelet Shaked est une «gamine» de la
politique ; elle dispose de temps et d’un grand avenir pour réussir, peut-être, pour devenir la nouvelle Golda Meir de droite.
11 commentaires:
Ayelet Shaked peut rêver au Poste de Premier Ministre. Être une nouvelle Golda Meir est une autre paire de manches. Il n'y a eu qu'une Golda Meir et il n'y en aura pas d'autre.
La comparaison avec Golda Meir n'est pas pertinente. Golda Meir était une figure maternelle, voire grand-maternelle, figure icônique de la fonction de protéger. Ayelet Shaked n'appartient pas à la même classe d'âge. Elle incarne plutôt la femme vaillante, la echet 'hayil de la Bible, celle qui se bat aux côtés des son mari, anticipe les besoins et soutient ses actions. Une bonne partie des actifs israéliens de 30/45 ans se reconnaissent en elle. En plus, elle n'a pas de langue de bois sur le dossier palestinien. Elle a toutes ses chances.
D'accord, Ayelet Shaked ne sera peut-être jamais une nouvelle Golda Meir.
Mais son intelligence, sa capacité de convaincre, sa jeunesse et sa beauté, ne méritaient-elle pas plus que ce seul commentaire lapidaire ?
Je regrette de devoir le dire, mais cet article est peu flatteur de celui qui l'a écrit, qui se montre plus perspicace en d'autres circonstances.
Relevons trois anomalies de taille :
1. Ayelet Shaked est une personne fidèle à Bennett. Elle a demandé de voter pour lui lors des élections de ce printemps au sein du parti. Je ne pense pas qu'il y ait une idée de sa part de le supplanter. Elle a obtenu le ministère de Justice car Bennett a émis cette condition pour faire partie de la coalition.
2. Ayelet Shaked n'a pas mentionné vouloir être pour l'instant premier ministre. Si je traduis de l'anglais, elle a dit : "définitivement ce n'est pas une fonction que j'aimerais occuper l'année prochaine, car j'ai des enfants en bas âge, mais résolument c'est une option que je pourrais envisager le moment venu".
En attendant, elle travaille dur pour remettre de l'ordre au ministère de Justice qui semble avoir été délaissé par ses prédécesseurs (dont Tzipi Livni). Il est vrai qu'elle a entrepris un nombre incroyable de réformes en profondeur. Elle a d'ailleurs le respect de beaucoup de ses employés et du barreau des avocats car elle n'agit pas seulement en fonction de l'agenda de son parti, mais oeuvre pour le bien de tous les israéliens.
3. Ayelet Shaked n'a jamais mentionné un génocide contre tous les palestiniens, les traitant de serpents et d’ennemis. Relevons que ce post est un article écrit en 2002 par un journaliste qui depuis est décédé. Il se veut réflexionnel. En le postant tel quel, elle s’est demandée si en 2014, Israël ne vivait pas la même situation que 12 ans auparavant. Il est vrai que ce post a été largement diffusé. Et j’en ai fait l’analyse minutieuse. Beaucoup d’images d’Ayelet Shaked (par ex. certaine tout sourire, d’autres dans un uniforme de nazi) circulent sur le net avec des paraphrases de ce post dont le langage a été altéré et bien modifié.
Mais est-ce que des personnes seraient jalouses de son succès, surtout qu’elle vient d’être nommée par Forbès Israel : femme la plus influente de l’année ?
Or, n’est-elle pas digne de confiance et transparente ? Ne reste-elle pas humble malgré ses réussites et une personne sincère, avec de fortes et honnêtes valeurs intrinsèques ? N’exerce-elle pas sa fonction, dans un esprit biblique de bonté, de droiture mais avec justice ?
Voir mon post en anglais qui met les liens à quelques contributions de ma part https://www.facebook.com/vidoudez.pascal/posts/10211536294020323
A noter qu’en Suisse par exemple, les conseillers fédéraux ne sont pas forcément avec une connaissance professionnelle en adéquation avec le ministère qu’ils gèrent. C’est le cas du Ministère de la Justice et Police tenu par https://fr.wikipedia.org/wiki/Simonetta_Sommaruga
Mais il demeure évident : c'est une leader dont le monde ferait bien de s'y intéresser car elle pense en dehors de l'ordinaire, a des idées novatrices et audacieuses. Beaucoup la considèrent comme un bol d'air frais dans un monde politique corrompu ou chacun recherche l'aura de ses propres réussites. Elle, au contraire, les attribuent à qui de droit.
Un cordial shalom de Suisse.
Facile de faire de la propagande depuis la Suisse. Nous en Israel vivons le cauchemard de la droite insensée qu'elle represente. Une egerie voulant associer le sabre et le goupillon pour detruire la seule democratie du moyen orient et toute chance de paix pour Israel.
Max Herzberg. Qu'est-ce qu'il y a d'insensé dans cette droite réellement qui vous déplaît : est-ce l’idéologie sioniste ? le fait qu’il n’y ait guère de concessions, etc ? Au niveau du droit international, la Judée Samarie et Jérusalem dit Est appartient aux Juifs. Même un prince arabe l’a clairement mentionné dernièrement.
Ayelet Shaked consolide au contraire la seule démocratie du Moyen-Orient, mais effectivement si l’on est de « gauche » l’on ne va pas aimer ce que fait la « droite »
Quant au chance de paix pour Israël, ne faut-il pas être deux partenaires ? Mais peut-être vaut-il mieux concéder à se séparer de territoires pour arriver à une paix éphémère. Vous n'êtes pas sans savoir que l’esprit palestinien ne se contente ni du Mont du Temple, ni de Jérusalem, ni de la Judée Samarie (rebaptisée Cisjordanie lors que la Jordanie l’annexa illégalement en 1948).
@ Vidoudez Pascal
Ainsi il y a des Juifs heureux en Suisse ?
Je suis ravie de l'apprendre. Mon père n'a pas eu la chance d'être l'un des leurs. Pourtant il avait une épouse suisse et deux enfants suisses, mais il n'a pas obtenu l'autorisation d'entrer en Suisse en 1940 !
@ max herzberg
Je comprends votre amertume. Mais je suis absolument certaine que si la seule démocratie du Moyen-Orient devait être détruite - ce qu'à Dieu ne plaise - ce ne serait en aucun cas de la responsabilité d'Ayelet Shaked !
Shalom à tous,
En tout cas, c'est une très belle femme, et elle a l'air intelligente, tout pour plaire...et une femme Premier Ministre d'ISRAEL..une leçon pour le Monde entier...de la nouveauté, voilà ce qu'il faut pour l'avenir d'ISRAEL...
Et puis Max, elle "mettra de l'eau dans son vin", faut pas avoir peur systématiquement, sinon on avance pas..ISRAEL doit être dans les premiers pour innover , c'est une force pour vaincre la médiocrité des pays voisins...
Oui il y a des Juifs heureux en Suisse. Ils sont environ 18'000 et sont en bénédictions.
J'en connaîs de nombreux, me tenant moi et ma famille aux côtés de la communauté juive et d'Israel.
Je suis infiniment désolé pour votre cher père. Il y a certes des contrastes en Suisse mais sur les cantons de Vaud et Genève leur intégration est plutôt réussie dans le paysage éclésial, dans le tissu social civil civique et économique. Mais il n'y en a pas toujours été ainsi et l'insécurité gagne du chemin modérément à ma plus grande consternation et inquiètude.
Un cordial shalom
Elle n'est pas de capacite ni de maturiter pour un portefeuille qu'on lui a confie ,la gd majorite du peuple a perdu tt confiance en la justice ,ce qu'elle fait c'est tous simplement de proteger ses proches et son fauteuil helas.meme qu'on lui adresse par lettre une injustice par lettre pas de suite.
Malgré son absence de pragmatisme sur tous les sujets,
Mais étant aussi belle que redoutable : Cette déesse parviendra aisément à ses fins.
Elle sera autant appréciée par ses amis que crainte de ses ennemis!
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