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dimanche 30 juillet 2017

Jérusalem, l'esplanade sainte par Alain PIERRET



JÉRUSALEM, L’ESPLANADE SAINTE

Par Alain PIERRET
Ancien ambassadeur en Israël et auprès du Saint-Siège


            La «crise des portiques» est, une nouvelle fois, venue ranimer les tensions entre Israéliens et Palestiniens, provoquant une inquiétude justifiée bien au-delà du Proche-Orient. Mais, sans reprendre les formules anciennes, il ne faut pas simplifier l’évaluation du problème. Dans ses éditions des 23/24 et 25 juillet, Le Monde a employé l’expression d’«esplanade des Mosquées (mont du Temple pour les juifs)». Le 24, La Croix est allée plus loin encore. Ne reprenant que la seule qualification d’«esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l’islam», ce journal ignore le judaïsme, religion de «nos frères aînés» comme disait Jean-Paul II.



Saint Sépulcre

            C’est occulter le «premier lieu saint», le Temple des Hébreux, sans oublier le Saint-Sépulcre des chrétiens situé à peu de distance. Une autre erreur est d’écrire mosquée au pluriel, alors qu’il n’y en a qu’une, El Aqsa. Le dôme du Rocher ou «mosquée d’Omar» est en effet présenté à tort comme lieu de prière consacré au culte musulman communautaire. Sa célébrité vient de l’envol au ciel de Mahomet sur sa jument Bourak.
            Ces présentations tendent à entretenir l’illusion dangereuse que seul l’islam peut se prévaloir de droits en ce lieu, avec des conséquences politiques dont on voit aujourd’hui les effets. Le 16 juillet au cours de la commémoration de la tragédie du Vel’ d’Hiv’, le Président Macron assurait que «nous ne céderons rien à l’antisionisme car il est la forme réinventée de l’antisémitisme».
Arafat Elysée 2 mai 1989

            Alors, souvenons-nous de la réception de Yasser Arafat à l’Élysée le 2 mai 1989, journée de la Shoah, ou l’an dernier de notre acceptation par l’Unesco d’une résolution sur Jérusalem orientée en faveur des seuls musulmans et, par voie de conséquence, des Arabes. Les années récentes nous ont tragiquement montré à quels excès ce soutien politico-religieux peut pousser dans nos milieux radicalisés.

            Au lendemain de la première défaite des Arabes contre les Israéliens, on pouvait entendre ce propos : «Je serais fort étonné qu’en définitive Jérusalem ne fît pas partie de leur État, à la condition qu’il y ait pour Jérusalem un régime international qui assure les droits de la chrétienté». C’était Charles de Gaulle en conférence de presse le 17 novembre 1948…



Caricatures de la presse israélienne

9 commentaires:

  1. Excellent article. Hélas, il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre.

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  2. Je me permets de relever ce qui me semble être des coquilles, étonnantes sous la plume d'un observateur averti comme Alain Pierret :
    - conférence de presse du Général De Gaulle en novembre 1948 ? Il doit s'agir de 1967, De Gaulle n'ayant jamais évoqué, à ma connaissance,le conflit israélo-palestinienavant la Guerre des Six Jours.
    - "jour de la Shoah" en mai 1989 ? Cette commémoration fut instituée plus tard, et ne correspond pas au mois de mai (c'est juillet, en anniversaire de la rafle du Vel d'Hiv, ou janvier pour l'ONU).

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  3. Merci à monsieur l'Ambassadeur de rappeler que Jérusalem fait aussi partie des lieux saints de la chrétienté.
    Mais force est de constater, quel que soit le chagrin qu'on puisse en avoir, que ce que disait Charles De Gaulle n'a plus aucune importance dans la France d'Emmanuel Macron.
    Je n'en veux pour preuve que cet ultime tribune du Grand rabbin Haïm Korsia, publiée dans Le Figaro de ce 28 juillet, où il vient damer le pion à l'historien Paul Thibaud qui avait osé s'interroger sur le moralisme accusateur du Président Macron, à l'occasion de la commémoration de la Rafle du Vel' d'Hiv', faisant suite à celui des présidents Chirac et Hollande - et, à ce que j'en avais compris, partagé par monsieur l'Ambassadeur - en contradiction complète avec la position de De Gaulle.

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  4. Je prie les lecteurs de bien vouloir excuser une erreur apparue dans mon commentaire ci-dessus.

    Paul Thibaud que je mentionne, n'est pas historien.
    C'est un philosophe français qui a dirigé la revue "Esprit" de 1977 à 1989.
    Par ailleurs il est également ancien président de l'Amitié judéo-chrétienne de France, association qui, depuis 1948, a "pour tâche de faire en sorte qu'entre judaïsme et christianisme, la connaissance, la compréhension, le respect et l'amitié se substituent aux malentendus séculaires et aux traditions d'hostilité..." (article 2)

    J'ajouterai que lorsque deux personnes aussi éminentes et de la qualité du Grand Rabbin Korsia ou de Paul Thibaud s'impliquent sur un même sujet, il serait sans doute plus souhaitable que cela se fasse dans une discussion d'homme à homme en face et face, plus propice à faire émerger des terrains d'entente, plutôt que par tribunes de presse interposées.
    Avec mes excuses renouvelées.

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  5. @Corcos

    Charles de Gaulle : Discours et messages, tome 2 page 240

    Q : Mon Général, quelles devraient être, à votre avis, les bases de règlement du conflit qui oppose Israélites et Arabes en Palestine ?
    R : Monsieur, je crois que les bases de ce règlement sont en train de se décider par les armes. Je constate qu’il est désormais bien difficile de refuser aux Juifs le Negeb qu’ils ont pris ou la Galilée dont ils se sont emparés. Je serais fort étonné qu’en définitive Jérusalem ne fit pas partie de leur Etat, à la condition qu’il y ait pour Jerusalem un régime international qui assure les droits de la chrétienté. Le reste ce sont des questions d’occasion, d’opportunité

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  6. Il s'agissait de la conférence de presse du 17 novembre 1948.

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  7. @Corcos
    J’ai été invité par le Chaiman of the Directorate of Yad Vachem pour la cérémonie du jour du souvenir pour les héros et les martyrs de l’holocauste le 1er mai 1989, à Yad Vashem...

    Je détiens encore la carte d'invitation à votre disposition.

    En Israël, cette date de commémoration du 26 nissan est appelée, me semble-t-il, Yom HaShoah. Ignorant ce calendrier, le Président Mitterrand aurait été furieux du choix de cette date et l’aurait vigoureusement reproché à Roland Dumas.

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  8. @Corcos

    Les pièces justificatives ont été rajoutées à la fin de l'article.

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  9. Merci beaucoup, Monsieur Pierret, d'avoir pris la peine de publier les sources sur les passages qui m'avaient bien étonné !
    Pour le Yom HaShoah, je suis vraiment ... "trop français", en pensant aux cérémonies dans notre pays ; c'est vrai qu'en Israël il tombe au Printemps.
    Quant à la déclaration du général De Gaulle de 1948, je ne pouvais l'imaginer, ayant en tête une figure passée totalement dans l'ombre entre 1946 et 1958, du moins pour les questions internationales. Merci d'avoir illustré le contraire.

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