PMA ET GPA : UN PROJET TRÈS ISRAÉLIEN
Par Jacques BENILLOUCHE
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Le Comité d’éthique français s'est montré, le 26 juin, favorable
à la PMA (procréation médicalement assistée) pour les couples lesbiens et les
célibataires. Pour l’instant la PMA était seulement réservée aux couples
hétérosexuels dont l’infertilité est médicalement constatée. C’est une petite
révolution. Le CCNE (Comité consultatif national d’éthique) est donc favorable à la
PMA pour les couples de femmes ou pour les femmes seules qui souhaitent
procréer sans partenaire masculin grâce à un don de sperme. Le problème des homosexuels masculins reste entier.
En revanche en France, la GPA
(gestation pour autrui), plus communément appelée gestation par mère porteuse, est interdite. Le drame vécu par les couples hétérosexuels stériles est éludé. Et pourtant, le problème des mères porteuses revient au cœur du débat tous
les ans en France sans trouver de solution légale. Pourtant ce système
fonctionne depuis plusieurs années en Israël parce qu’on n’a pas voulu y voir
uniquement le côté, sordide s’il en était ou mercantile, mais l’aspect
psychologique de femmes stériles dont le sort n’a pas été tendre avec elles. Il
est difficile de rester insensible aux appels de détresse de femmes qui ont
besoin d’enfants pour consolider leur couple et pour assurer l’avenir d’une
descendance.
D’ordinaire les Juifs orthodoxes,
conservateurs et fidèles à leur dogme figé depuis l’origine de leur religion,
n’acceptent aucun amendement aux lois datant de l'époque de Moïse. Tout essai
des Juifs libéraux de moderniser des pratiques anachroniques est assimilé à une
déviation religieuse, sinon à une profanation de la loi orale. Ils ont interdit
aux Juifs libéraux d’avoir droit de cité en Israël et rejettent en bloc toutes
leurs décisions cultuelles. Pourtant, dans le domaine du GPA, les orthodoxes font
preuve d’une ouverture d’esprit exceptionnelle qui les rend éclairés là où les
autres religions restent frileuses, sectaires, et anachroniques. Ils ont
redonné l’espoir là où il n’y avait plus.
En Israël les mères porteuses ont
une existence légale, encadrée par la loi civile et la loi religieuse, la
Halakha. Le judaïsme, tiraillé «entre le
commandement qui impose à l'homme de procréer et la règle selon laquelle la
mère est celle qui accouche» a définitivement tranché en faveur du GPA avec
une restriction cependant : le clonage reproductif n’est autorisé que quand il
peut aider à remédier à la stérilité d’une personne. Les couples homosexuels sont
ainsi éliminés de facto de cette technique.
La loi civile a été promulguée avec
l’imprimatur du Grand Rabbinat, nécessaire pour qualifier de juif le
nouveau-né, bien que la religion estime que le judaïsme ne se transmet que par
la mère. Le Tribunal Rabbinique, très attaché aux écritures, s’est tout
simplement appuyé sur les exemples puisés dans la Bible.
Agar, Saraï et Abraham |
D’une part, la femme d’Abraham,
Saraï, qui ne lui avait pas donné d’enfant, avait une servante égyptienne
nommée Agar. Elle proposa à Abraham : «Vois,
je te prie : Yahvé n’a pas permis que j’enfante. Va donc vers ma servante.
Peut-être obtiendrai-je par elle des enfants.» Et Abraham écouta la voix de
sa femme. (Genèse 16.1 & 16.2).
Par ailleurs Rachel, voyant
qu’elle-même ne donnait pas d’enfants à Jacob, devint jalouse de sa sœur et
elle lui dit : «Fais-moi avoir aussi des
enfants, ou je meurs !» Il s’emporta
en se défendant : «Est-ce que je tiens la
place de Dieu, qui t’a refusé la maternité?» Elle lui conseilla alors : «Voici ma servante Bilha. Va vers elle et
qu’elle enfante sur mes genoux : par elle j’aurai moi aussi des enfants !»
Jacob s’unit ainsi à sa servante Bilha qui enfanta à Jacob un fils. (Genèse
30.1 à 30.5)
À l’époque, il ne s’agissait pas de
voter des lois mais de se fier tout simplement au bon sens. Cette possibilité
donnée en Israël aux couples ayant des problèmes de conception a entraîné
l’installation de nombreux Français venant chercher sur place la possibilité de
procréer avec l’aide d’un tiers. Mais la loi encadre précisément le GPA et ne
permet pas d’ouvrir la porte au «tourisme
procréatif».
Centre de mères porteuses au Népal |
Pour éviter toute déviation des
textes, seuls les couples disposant de la nationalité israélienne ont droit à
bénéficier de cette loi ce qui entraîne de facto une alyah (immigration)
spécifique de candidats au bonheur. Les règles sont strictes et leur
application nécessite un délai de plusieurs mois avant que l’opération ne
puisse être effective.
Les couples candidats doivent
d’abord passer devant une commission médicale étatique qui s’assure de la
réalité de la stérilité et qui doit attester de l’impossibilité de procréer
naturellement. Une deuxième commission psychologique doit garantir l’état
d’esprit du couple stérile et celui de la mère porteuse dont l’analyse médicale
doit faire ressortir une santé irréprochable pour garantir une naissance dans
les meilleures conditions.
Afin d’éviter les dégâts collatéraux et
les conflits avec un éventuel conjoint, la mère porteuse doit être
officiellement divorcée, civilement et religieusement, ou veuve et doit avoir
au moins un enfant. Elle doit être juive selon la loi religieuse ce qui exclue
de fait les femmes immigrées russes ou les Arabes qui détiennent
une carte d'identité israélienne mais qui ne sont pas reconnues comme juives
par le Rabbinat.
Lorsque ces étapes ont été
franchies, un contrat est établi devant les tribunaux garantissant
l’impossibilité pour la mère porteuse de se rétracter et sa déchéance du droit
sur le bébé qui naîtra. De même, la famille commanditaire ne peut refuser la
naissance pour «non-conformité» du bébé. Le
sperme et les ovules sont impérativement en provenance de l’un des parents
commanditaires ce qui implique que le bébé naîtra avec les gènes de l'un des
vrais parents. La mère stérile suivra l’évolution de la grossesse pendant les
neuf mois de gestation pour s’imprégner au mieux de sa future condition et, au
moment de l’accouchement, elle recevra, la première, le bébé sur son corps, dès
son premier cri, de façon à ce que le premier contact du nouveau-né avec la vie
soit avec celle qui l’élèvera. Les règles psychologiques sont ainsi bien
établies.
L’État officialise la naissance par
un acte officiel délivré par les Tribunaux où la mère porteuse n’a aucune
existence légale. Les nouveaux vrais parents seront reconnus par toutes les
instances administratives et religieuses du pays sans aucune référence à la
mère porteuse. L’ambassade de France ne peut qu’entériner légalement cette
naissance sur la base d’un extrait de naissance certifié par les autorités israéliennes.
Certes le contrat mentionne une
indemnité financière qui est la contrepartie évidente de la GPA. Il ne faut pas
se voiler la face. Les mères porteuses trouvent un moyen d’améliorer leur
condition financière sans esprit de sacrifice. La solution est coûteuse et
n’est réservée qu’à quelques couples privilégiés puisque le montant global de
l’opération avoisine les 40 à 50.000 euros répartis entre les frais médicaux et
la mère porteuse. Cette somme est bloquée sous séquestre entre les mains d’un
avocat assermenté qui assure à la mère porteuse un revenu pendant la grossesse
et au couple stérile la garantie de bonne fin de l’opération. Il n’y a aucun
doute que l’argent, et uniquement l’argent, motive la mise à disposition d’un
ventre de pauvre. Mais certaines femmes défavorisées socialement trouvent là
une source de revenus représentant trois à quatre années de salaire. Elles
peuvent renouveler cette opération plusieurs fois avec les seules limites
médicales.
Sylviane Agacinski et Lionel Jospin |
Certes l’argent peut être
générateur de bonheur pour des couples dont la continuité de la lignée était de
facto interrompue. Certains qualifient de dure la réaction de la philosophe
Sylviane Agacinski qui estime «éprouver
un certain dégoût à devoir argumenter pour dire pourquoi il est indigne de
demander à une femme de mettre son ventre à la disposition d’autrui» et qui s’inquiète que «la gestation autorisée sera forcément rémunérée, faisant du ventre des
femmes un instrument de production et l'enfant lui-même une marchandise».
La
propension de certains philosophes à donner systématiquement leur avis comme
s’ils détenaient, seuls, les dogmes de la morale et la clef du savoir est jugée
indécente par les couples qui vivent un désespoir immense. Les banques,
réputées pour être frileuses quand on les sollicite, font dans ce seul cas
preuve d’un peu d’humanité puisqu’elles acceptent de financer à long terme ces
opérations au nom de la solidarité nationale et du bonheur du couple.
En Israël, la GPA est de plus en
plus courante et elle ne provoque aucun problème moral ou psychologique. Elle
donne du bonheur à ceux qui en manquaient.
Le bonheur est peut-être ailleurs que dans le ventre d'une mère porteuse. Combien d'enfants en manque d'amour, vieillis avant que d'être, humiliés, maltraités, abandonnés par leurs géniteurs feraient le bonheur de couples en mal d'enfant. Faut-il absolument pour être reconnu comme sien que la génétique prime sur toute autre considération ? Israël n'a peut-être pas d'état d'âme sur la question mais les raisons religieuses me semblent arbitraires, voire intolérables.
RépondreSupprimerL'amour donné à un enfant ne doit pas avoir de prise, ni dans le temporel ni dans le spirituel.
Bien cordialement