LE CHOIX CRUCIAL D’UN OU DE DEUX ÉTATS
Par
Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
Des militants du kibboutz Tzuba (Merci à Muriel Sarrabia qui a pris cette photo) |
Les négociations sur le règlement du conflit
israélo-palestinien tournent toujours autour de la question d’un ou de deux
États à savoir, soit une entité binationale, soit un État palestinien aux côtés
d’Israël. Plusieurs partis et associations de gauche avaient organisé le 27 mai
2017 une manifestation massive dans la place Rabin de Tel Aviv pour «marquer
50 ans d'occupation et de contrôle israéliens des territoires». La
manifestation était organisée par Chalom Archav (La Paix maintenant)
avec le concours des partis travaillistes et Meretz : «C'est
notre temps de prendre la rue et de montrer au président Trump qu'il y a un grand
camp en Israël qui appuie la paix et appelle à la fin de l'occupation et du
conflit entre nous et les Palestiniens».
Au cours du rassemblement, les organisateurs
ont lu une lettre du président Mahmoud Abbas, dans laquelle il promettait la
paix sur la base de la solution à deux États : «Il est de notre devoir
pour les générations futures de mettre fin au conflit. Ensemble, nous allons
faire une paix courageuse».
Cette solution à deux entités
distinctes avait été agréée par le premier ministre Netanyahou lors de son
discours de juin 2009 à l’université Bar Ilan : «Si les
Palestiniens reconnaissent Israël comme l'État du peuple juif, nous serons
prêts dans un futur accord de paix à atteindre une solution où existe un État
palestinien démilitarisé à côté de l'État juif». Il semble
aujourd’hui que le gouvernement israélien ait abandonné cette idée, pourtant privilégiée
par la communauté internationale.
La solution d’un seul État
binational aurait beaucoup d’avantages pour les Palestiniens qui
bénéficieraient de la stabilité, de droits civils et sociaux, d’égalité et même
de sécurité militaire et économique. Mais à travers cette solution, la
démographie reste au cœur des préoccupations israéliennes car, en raison d’un
taux de natalité en faveur de la population arabe, l’identité juive d’Israël
serait à moyen terme menacée.
Cette option binationale
n’est pas nouvelle, seule l’identité de ceux qui la prônent a changé. Cette idée
de gauche, et à la base palestinienne, est devenue désormais une idée brandie par
l’extrême-droite israélienne. Jusqu’en 1974, l’option binationale avait été
soutenue officiellement par l’OLP et elle reste curieusement la position
officielle du Hamas pour que l’État de Palestine, laïc et démocratique, s’étende
de la Méditerranée au Jourdain dans le cadre d’une coexistence pacifique des
communautés.
À l’origine, cette option palestinienne fondée sur le
droit du sol, avait une vocation universaliste dans un État hétérogène. Cela explique
d’ailleurs l’appui des extrêmes-gauches occidentales pour la cause
palestinienne. Le FPLP (Front populaire de Libération de la Palestine), courant
marxiste-léniniste de l’OLP, avait été particulièrement engagé dans la défense
de ce modèle binational. Mais le processus d’Oslo de 1993 avait relancé, du côté
palestinien, la solution à deux États.
Du côté israélien, l'idée d’un État binational avait été
développée dans les années 1920 par Martin Buber et Judah Magnes au sein du Brith
Shalom (l’alliance pour la paix). Minoritaires au sein du mouvement sioniste,
ils avaient été rejoints par les sionistes marxistes du Mapam, ancêtre du parti
Meretz. Cette utopie de l’extrême-gauche n’avait pas eu de succès auprès des
Israéliens. Elle s’est depuis répandue dans la nouvelle société israélienne,
profondément droitisée, car ses partisans n’ont pour seul but que de rendre
irréversible la politique de développement des implantations, et leur survie.
Les partisans d’une entité unique se retrouvent dans tout
l’échiquier politique, en particulier parmi le président de l’État Réouven
Rivlin engagé dans un combat contre le racisme et pour l’égalité entre tous les
citoyens israéliens, Palestiniens compris. Le plan de désengagement
unilatéral d’Ariel Sharon a donné un coup à cette idée parce qu’elle a mis en
évidence la difficulté d’évacuer 8.000 habitants et donc a fortiori, rendait techniquement
impossible le déplacement des 450.000 habitants des implantations de Cisjordanie.
L’option binationale a été réactivée après la prise de
position inattendue de l’intellectuel israélien de gauche, Avraham B. Yehoshua,
qui en 2015 a renoncé à la solution à deux États qu’il privilégiait parce que
cette solution n’était plus envisageable selon lui. La solution à État unique a par la
suite été reprise et défendue par les sionistes religieux conduits par Naftali
Bennett, sans cependant expliciter le sort précis fait aux populations arabes
intégrées dans ce nouvel ensemble.
Tu es assis sur ma chaise! |
En revanche, la création d’un État indépendant palestinien
le long des frontières de 1967 poserait un problème pour les 450.000 habitants
des implantations et pour l’avenir même des trois blocs principaux de
Cisjordanie qui assurent la sécurité du ventre mou au centre d’Israël. Jérusalem
reste toujours une ville, trois fois sainte, déchirée par les tensions
communautaires mais son avenir posera le moins de problème car un consensus religieux existe.
La solution de la séparation et des éventuelles concessions existe et figure dans l'esprit de tous les politiques ; elle ne bute
pas sur le contenu du projet mais elle implique un changement de logiciel
politique fondé sur la confiance réciproque. L'exemple dramatique du désengagement de
Gaza a mis en doute la volonté pacifique des Palestiniens. La confiance a été
rompue et l’on craint que tout accord, même viable, ne transforme la
Cisjordanie en une base de lancement de missiles. La différence c’est qu’à Gaza
on n’a pas négocié ; l’évacuation a été unilatérale sans texte signé ni agréé. Mais le point fondamental reste que les deux peuples n’arrivent pas à
s’entremêler. Même en Israël les Arabes israéliens, qui bénéficient de tous les
droits sans restriction, vivent certes en paix mais à l’écart de leurs voisins
Juifs. Le melting pot a été créé pour les Juifs venus de différentes contrées. La suspicion gère les
interactions personnelles avec les Arabes parce qu’ils sont toujours qualifiés
de terroristes en puissance.
Travailleurs palestiniens |
Mais la confiance avec les Palestiniens est écornée
puisque le gouvernement restreint le nombre de ceux qui peuvent venir travailler
en Israël, préférant les Chinois ou les ouvriers célibataires de l’Est qui
peuplent les bas-fonds des villes israéliennes. Et pourtant la paix ne se fera que par
l’économie, par les échanges qui maintiendront les populations palestiniennes
en dehors du champ d’action des islamistes. Moins on emploiera de Palestiniens
et plus, par désespoir, on les poussera vers l’extrémisme. On multiplie les
points de contrôle pour des pères de famille qui recherchent de quoi nourrir
leurs familles alors que le trop sécuritaire exacerbe les tensions. Le Hamas
est certes responsable des attaques de fusées et de
mortiers mais il ne fait aucun doute que la coopération de sécurité existante
entre Israël et l'Autorité palestinienne en Cisjordanie permet la
neutralisation, voire l’éradication, de la menace terroriste contre Israël.
La séparation unilatérale de Gaza n’a pas permis de
signer des accords avec le Hamas. Mais un accord en bonne et due forme avec
l’Autorité palestinienne, actant ses nouvelles responsabilités dans un État
indépendant, permettra de mettre Israël à l’abri d’attaques stériles. Les
Palestiniens de Cisjordanie ont tout à gagner d’un échange économique permanent avec Israël.
Ils aspirent à présent à la paix et à la tranquillité si une structure
indépendante leur est fournie. Encouragés par les Jordaniens, les Égyptiens et
à présent par les Saoudiens, ils ont compris qu’Israël est trop puissant pour
être détruit et que leur intérêt réside dans une collaboration commune.
L’exemple du
Hamas intoxiqué par les Iraniens et le Hezbollah libanais n’est certes pas un bon
exemple. Les Palestiniens de Cisjordanie ont une autre philosophie parce qu’ils
côtoient les Juifs et les Occidentaux tous les jours, suffisamment pour ne pas
adopter les rigueurs de la charia. En revanche, le Hamas bafoue les Droits de l’homme et n’est
plus un modèle de paix israélo-arabe. D’ailleurs l’Autorité palestinienne
reconnaît à présent que Gaza est devenu une entité indépendante qui ne peut
plus évoluer vers une politique nationale constructive, et pour preuve, Gaza
organise progressivement sa séparation. Le Hamas a nommé un vice-ministre de la
Justice pour un ministère spécial en violation avec la loi palestinienne.
Cela
entérine la scission entre le Hamas et le Fatah et rend caduc le gouvernement
d’union envisagé par un accord de 2015 qui n’a jamais reçu un début de
réalisation. La réconciliation inter-palestinienne n’a duré que le temps
d’une rose. Le Hamas continue sa politique
de séparation de l'AP, tout en s'efforçant de renforcer son influence en Cisjordanie.
Le moment est peut-être venu pour Israël de profiter de cette scission pour
prendre des initiatives concrètes en ignorant Gaza avant que l’imprévisible Donald Trump ne décide d’une
solution imposée aux deux parties.
Jacques, votre phrase conclusive est probablement la meilleure de toutes vos explications. Sans une pression americaine adequate, ni Israel, ni les Palestiniens n'iront sur le chemin d'un aggiornamento quelconque.
RépondreSupprimerIl y aurait pourtant des solutions territoriales originales: Israel se retrecirait au nord et au sud, et s'elargirait au centre. Apres tout, ni le Nord ni le Sud n'ont jamais appartenu a une quelconque souverainete juive.
Il y a peut être une 3e solution:
RépondreSupprimer3 états (Gaza, Israël et la cisjordanie) démocratiques et laïques. Une monnaie unique, une politique fiscale commune, liberté de circulation, d'installation (les implantations peuvent ainsi rester en place et les palestiniens qui veulent vivre en Israel le pourront) de culte. Israël aurait seul en charge la défense des 3 états. Jérusalem aurait un statut spécial (capitale d'aucun état) et les lieux saints seraient intouchables.
Je sais, je rêve
Pauvres juifs ! Toujours en retard d'une opportunité ! Il fallait annexer la Judée-Samarie quand elle a été reconquise... Cher Jacques, il y a un bel article à écrire sur les atermoiements de l'establishment politico-militaire à cette époque. Ce refus de capitaliser une victoire ne date pas d'aujourd'hui. On pourrait même avancer qu'il fait partie de l'ADN juif. En effet, dès l'époque de la conquête de la terre par Josué, les Hébreux ont manifesté une certaine hésitation à prendre possession du pays. Ce n'est pas moi qui l'avance, c'est Josué (pardon : Yéhoshoua) lui même qui le dit. Regardez ce qui est écrit dans les premiers versets du chapitre 18 du livre qui a pour titre le nom de ce prophète : "Le pays était conquis et à leur disposition.... Yéhoshoua leur dit : "Combien de temps encore négligerez-vous de prendre possession du pays que vous a donné le D.ieu de vos pères ?" Cette interpellation, formulée il y a plus de 3000 ans est d'une criante actualité.
RépondreSupprimerPauvres juifs ! Toujours en retard d'une opportunité ! Il fallait annexer la Judée-Samarie quand elle a été reconquise... Cher Jacques, il y a un bel article à écrire sur les atermoiements de l'establishment politico-militaire à cette époque. Ce refus de capitaliser une victoire ne date pas d'aujourd'hui. On pourrait même avancer qu'il fait partie de l'ADN juif. En effet, dès l'époque de la conquête de la terre par Josué, les Hébreux ont manifesté une certaine hésitation à prendre possession du pays. Ce n'est pas moi qui l'avance, c'est Josué (pardon : Yéhoshoua) lui même qui le dit. Regardez ce qui est écrit dans les premiers versets du chapitre 18 du livre qui a pour titre le nom de ce prophète : "Le pays était conquis et à leur disposition.... Yéhoshoua leur dit : "Combien de temps encore négligerez-vous de prendre possession du pays que vous a donné le D.ieu de vos pères ?" Cette interpellation, formulée il y a plus de 3000 ans est d'une criante actualité.
RépondreSupprimerSi nous optons pour une solution à deux états , il faut absolument que les palestiniens israéliens rejoignent l'état palestinien, ça j'en doute très fort , donc impossible à réaliser vu les sondages , 75 % des palestiniens israélien refusent de renoncer à cette nationalité
RépondreSupprimerje serai favorable à la solution de Anonyme
RépondreSupprimerle problème est pour moi la démographie qui ne joue pas en faveur d'Israél alors surtout pas d'etat binational!!
quant aux arabes d'israel il faut leur donner droit de regagner l'etat palestinien si ils le veulent...
La demographie est desormais en faveur d'Israel!
RépondreSupprimerInutile de ressasser des vieilles statistiques
Pour les anglophones,lisez le blog de Yoram Ettinger Sur ce sujet:
www.theettingerreport.com/Demographic-Scare.aspx
@Trumpeldor
RépondreSupprimerA chacun ses statistiques !
http://www.courrierinternational.com/article/2010/09/30/la-verite-des-chiffres
Desole mais meme l' institut israelien de la statistique reconnait le phenomene unique dans le monde "occidental"
RépondreSupprimerYoram Ettinger, ancien ambassadeur aux USA etudie le sujet depuis des annees.
Le prof. Delapergola lui meme a revu see chiffres
Ainsi, a Jerusalem ou l on redoutait une defaite demographique dans les 20 ans,les chiffres ont ete revises en notre faveur.
Cerise sur le gateau: cette incongruite est due au dynamisme renouvele des couples laics,meme les descendant des olims russes s' y mettent.
Gaza reste un cas a part,comme le Yemen out l' Iraq....
RépondreSupprimer@Yaakov Neeman
RépondreSupprimerVotre commentaire historique nous éclaire et confirme qu'une décision reportée rend la solution insoluble.
Bernard Meyer