LES PAYS
SUNNITES MISENT SUR ISRAËL POUR LEUR
SÉCURITÉ
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
L’inquiétude
des pays sunnites au Moyen-Orient atteint son paroxysme depuis le désengagement
des États-Unis. Les exemples ne manquent pas pour confirmer que la région a été
totalement abandonnée aux Iraniens et aux Russes. Le 24 février, l’Irak a mené
son attaque contre Daesh dans la région d’Abou Kamel en s’appuyant sur le
soutien tactique et sur les renseignements en provenance de la Russie et de
l’Iran ; les Américains avaient fait défaut. Ce fut aussi le cas de la
conquête de Raqqa, capitale du Califat, qui a été entreprise par les troupes
turques avec le soutien de la France, du Royaume-Uni, et de l’Allemagne.
La
nouvelle administration Trump confirme ainsi sa politique étrangère de retrait d’Europe, du Maghreb
et de l’Asie centrale. Même l’Union européenne se prépare à ce désengagement, donnant
ainsi le feu vert à la Russie et à la Chine pour le grand Eurasia à travers la
nouvelle route de la soie qui s’organisait depuis 2013. L’Arabie observe cette démobilisation américaine avec inquiétude ce qui la pousse à envisager un
partenariat avec Israël pour assurer sa sécurité.
Les 21 et 22 février 2017, le responsable des
services de renseignements saoudiens, Khalid bin Ali Al-Humaidan, avait fait une
visite secrète à Jérusalem et à Ramallah. Il venait de prendre ses nouvelles
fonctions qu’il doit à sa brillante carrière d’officier. Il ne fait pas partie du clan Sudairi, cette puissante
alliance de sept frères de la Maison des Saoud. Depuis le plus ancien Fahd,
ensuite Sultan, Abdul Rahman, Nayef, Turki, Ahmed et enfin le roi actuel Salman.
Khalid bin Ali Al-Humaidan |
Le
chef des renseignements tenait à communiquer aux Israéliens le projet «Ryad
d’abord» du «modéré» Rohani, appuyé par le guide
suprême Ali Khamenei. L’Iran a programmé d’élargir le champ d’action des Scud-C
et Scud-D de 100 kms pour permettre une portée des missiles à 800 kms afin d’atteindre
directement la capitale saoudienne. L’opération est menée depuis la base
Al-Ghadi à 48 kms de Téhéran et à quelques kilomètres de Hamadān. La base fut allouée
en août à la force aérienne russe puis abandonnée depuis par les Russes.
Les Saoudiens sont convaincus que les Iraniens
ont l’intention de lancer une salve de missiles pour neutraliser leurs centres
de décisions et porter un coup fatal à leur économie. Ils doivent leur conviction au fait que l’Iran est déjà très
actif dans la région en intervenant de manière indirecte au Yémen lorsque, le 4
février, les rebelles chiites Houthi ont frappé le camp saoudien
d’Al-Mazahimiyah, situé à 40 kms de Ryad à l’aide d’un missile Borkan. Le
Borkan-1 est un missile balistique tactique ayant une portée de 800kms, inspiré
de l’Elbrus R-17 soviétique et alimenté avec du propergol solide. Il semble
qu’il ait été lancé par des servants iraniens.
Missile borkhan-1 |
Le
chef des renseignements a exigé des Palestiniens qu’ils cessent leurs liens
avec l’Iran sachant déjà que le Hamas et son bras armé, les Brigades Azzedine
al-Qasem, ont des relations étroites avec l’Iran depuis 2014 alors qu’elles
avaient été rompues en 2012 à la suite des Printemps arabes. Le Hamas a choisi l’Iran plutôt que l’Arabie pour des raisons financières et militaires. L’Arabie
a évolué dans son soutien aux Palestiniens lorsqu’elle a été informée qu’une
réunion secrète s’était tenue en février 2017 à Bruxelles entre Iraniens et
Palestiniens. Le chef de la délégation iranienne avait été nommé par Rohani
lui-même tandis que Mahmoud Abbas avait mandaté Jibril Rajoub. Depuis, Rajoub
est persona non grata en Jordanie et en Égypte qui lui a interdit l’entrée de
son territoire.
Jibril Rajoub et les Iraniens |
S’agissant
des relations avec les monarchies du Golfe, il faut rappeler qu’Israël avait
envoyé une première mission diplomatique aux Émirats Arabes unis, à Abu Dhabi
le 27 novembre 2015. L’Arabie et les Émirats
sont persuadés que leurs relations avec Israël ont permis de contenir l’Iran
dans ses projets agressifs. Il faut aussi noter qu’ils ont d’autres
considérations stratégiques puisque ces pays songent déjà à l’après-pétrole
et que la diversification économique, vers la haute technologie en particulier,
est une obligation de survie économique. Le Qatar s’en était rendu compte et
avait cherché à établir des relations diplomatiques avec Israël mais les
guerres de Gaza l’ont contraint à retarder cette décision.
Tzipi Livni et le premier ministre qatari Hamad bin Jassim, |
De
nombreux pays sunnites recherchent à présent uniquement leurs intérêts et s'éloignent de la conception internationaliste arabe. Ils sont d’autre part lassés par l’absence
de projet réaliste palestinien à opposer aux Israéliens. Ils voudraient donc s’inspirer
du modèle de normalisation des relations avec la Jordanie pour l'appliquer aux autres pays de la Ligue Arabe. Pour eux, la coopération technologique avec
Israël devient une exigence face à des Américains de plus en plus frileux quand
il s’agit de s’impliquer dans la défense de la région.
Le Qatar et l’Arabie sont aussi déçus des revirements du Hamas qui gâche toutes leurs aides dans des dépenses militaires stériles au lieu de satisfaire les besoins primaires de la population. Ils ont tendance à regarder cette organisation avec des yeux moins indulgents surtout lorsqu’aucun effort n’est fait pour réduire la corruption dans les territoires. À présent, l’Arabie lorgne de plus en plus vers l’Égypte qui pointe ses armes contre les Frères musulmans, ses anciens alliés idéologiques, mais aujourd’hui alliés naturels des terroristes opérant dans le nord-Sinaï à travers la branche armées du Hamas.
Le Qatar et l’Arabie sont aussi déçus des revirements du Hamas qui gâche toutes leurs aides dans des dépenses militaires stériles au lieu de satisfaire les besoins primaires de la population. Ils ont tendance à regarder cette organisation avec des yeux moins indulgents surtout lorsqu’aucun effort n’est fait pour réduire la corruption dans les territoires. À présent, l’Arabie lorgne de plus en plus vers l’Égypte qui pointe ses armes contre les Frères musulmans, ses anciens alliés idéologiques, mais aujourd’hui alliés naturels des terroristes opérant dans le nord-Sinaï à travers la branche armées du Hamas.
Ligue Arabe en Mauritanie le 26 juillet 2016 |
Le
soutien apporté aux Palestiniens avait pour but de verrouiller la région aux
Iraniens qui sont tentés d’obtenir le soutien actif des forces militaires de
l’Autorité palestinienne. L’Arabie a aujourd’hui évolué et exclue toute guerre
contre Israël. Elle l’a démontré puisque le roi Salman a refusé de se rendre à
la réunion de la Ligue Arabe en Mauritanie le 26 juillet 2016, où devait
précisément se discuter la question palestinienne. Le Royaume ne se cache plus
puisqu’il a autorisé l’entrée des produits israéliens de haute technologie, à
l’instar des produits de pointe pour l’irrigation.
L'émir du Koweit, le roi d'Arabie et le président d'Egypte |
Les
Émirats ont acheté de leur côté en 2011 pour 300 millions d’armement militaire israélien tandis
que les pays du Golfe ont confié la sécurité de leurs puits de pétrole à des
sociétés de l'Etat juif. En 2009, l’Arabie
avait donné son accord pour une attaque contre l’Iran à partir de son
territoire et de son espace aérien. Israël avait validé la cession à l’Arabie
des deux îles égyptiennes de la mer Rouge, Tiran et Sanafir. Aujourd’hui les services de
renseignements israéliens ont autorisé plusieurs de leurs membres à se charger
de la cyber sécurité de l’Arabie et des Émirats qui, à eux seuls, ont versé six
milliards de dollars à des sociétés israéliennes pour se charger de
l’infrastructure de sécurité.
Ayoub Kara et Netanyahou |
Un
homme d’État israélien joue le rôle officiel d’intermédiaire, le ministre
israélien druze Ayoub Kara, membre du Likoud. Il n’est certes pas convaincu
de la durée de cette amitié nouvelle mais il pense que les affaires font
reculer tout risque de guerre. Il est ambitieux et a beaucoup de projets pour
développer les relations économiques. Il a mis tout son poids pour la
construction d’un canal reliant la Mer Morte à la Mer rouge. Ce projet de «canal des deux
mers», dont la construction est prévue à partir de 2018, a pour but de
fournir de l’eau potable à la Jordanie, aux Territoires palestiniens et par
là-même à Israël. Pour éviter tout conflit de propriété juridique, le canal
sera entièrement construit en territoire jordanien avec l’aide de donateurs
internationaux intéressés à stabiliser la région.
Ayoub Kara songe aussi à Israël puisqu’il veut réaménager le port de Haïfa au nord d’Israël pour doubler le transport de marchandises vers l’Union européenne et la Turquie et servir aussi de relais aux marchandises saoudiennes et jordaniennes. Il voit loin. Il veut ranimer un autre projet enfoui dans les mémoires des politiques, consistant à construire un pipeline depuis Eilat dans la Mer Rouge jusqu’à Ashkelon en Méditerranée pour réduire les coûts du passage par le Canal de Suez.
Dans tous ces projets, les États-Unis sont exclus mais la Russie deviendra la référence de la puissance militaire de la région, donc la nouvelle garante de la sécurité du Moyen-Orient. Mais dans ce nouveau canevas, l’Europe fait figure d’absente de marque. Après le départ des Américains, Israël et la Russie deviennent les parrains de la recomposition politique au Moyen-Orient.
Ayoub Kara songe aussi à Israël puisqu’il veut réaménager le port de Haïfa au nord d’Israël pour doubler le transport de marchandises vers l’Union européenne et la Turquie et servir aussi de relais aux marchandises saoudiennes et jordaniennes. Il voit loin. Il veut ranimer un autre projet enfoui dans les mémoires des politiques, consistant à construire un pipeline depuis Eilat dans la Mer Rouge jusqu’à Ashkelon en Méditerranée pour réduire les coûts du passage par le Canal de Suez.
Dans tous ces projets, les États-Unis sont exclus mais la Russie deviendra la référence de la puissance militaire de la région, donc la nouvelle garante de la sécurité du Moyen-Orient. Mais dans ce nouveau canevas, l’Europe fait figure d’absente de marque. Après le départ des Américains, Israël et la Russie deviennent les parrains de la recomposition politique au Moyen-Orient.
Un aspect me semble donc etre que D Trump est un soutien d'Israel en échange de la délégation de sécurité régionale
RépondreSupprimerIl semblerait que les Etats Unis veulent conserver le contrôle du Kurdistan et de l'Est Syrien, de nouvelles zones d'influence feront les frontières de demain.
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