GESTICULATIONS À DROITE POUR REMPLACER NETANYAHOU
Par Jacques BENILLOUCHE
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Netanyahou et le procureur général Mandelbit |
Les problèmes judiciaires de Netanyahou relancent les appétits pour le poste de
premier ministre. Les gesticulations autour de la Loi sur la Régulation montrent
que tous les moyens sont bons pour hypothéquer l’avenir de Netanyahou à la tête
du Likoud. L’ère du consensus est révolue. Jusqu’à présent le premier ministre
surfait sur sa notoriété politique qui faisait de lui un chef irremplaçable
face à des successeurs ternes mais, le temps judiciaire risque de prendre le
pas sur le temps politique.
La police arrive au bout de ses enquêtes qui
cernent de plus en plus le premier ministre. Benjamin Netanyahou est soupçonné
d’avoir reçu illégalement des cadeaux de la part de riches hommes d’affaires
américains et d’être impliqué dans des pots de vin pour l’achat de sous-marins
auprès des Allemands. Il n'est pas directement impliqué mais son cousin et avocat David Shimron est suspecté d'avoir organisé le versement de plusieurs millions de pots de vin distribués à des hauts fonctionnaires de la Défense et à des officiers supérieurs de la marine. L’éventualité d’une inculpation par les juges, que
certains croient déjà actée, risque d’anticiper la fin de sa vie politique.
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Avec les députés David Bitan et Amsellem |
Un
branle-bas de combat gagne toute la droite qui songe à préparer la relève mais
il faut se rendre à l’évidence que Netanyahou n’a pas organisé sa succession.
Au contraire, il a toujours fait le vide autour de lui pour neutraliser ceux qui
pensaient que leur heure était arrivée. Gidéon Sar, Naftali Bennett, Moshé
Kahlon et Moshé Yaalon, qui étaient arrivés au sommet du Likoud, ont été
éjectés de la gouvernance, malgré eux. Aujourd’hui, les rivaux se sont invités
au bal pour être prêts en cas de démission forcée du premier ministre. La
droite sait que la gauche est laminée avec un leader qui était une erreur de
casting et qui s’accroche à son fauteuil. Par ailleurs, la radicalisation à l’extrême-droite
de l’opinion tend à prouver que le pouvoir ne peut pas échapper à la droite.
Tout le monde veut aller à la soupe.
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Kahlon, Bennett et Erdan |
La
relève peut être envisagée à l’intérieur même du Likoud. Le «jeune»
Gilad Erdan, ministre de la sécurité publique et des affaires stratégiques,
piaffe d’impatience. Israël Katz, ministre des transports, avait échappé de
peu à la relégation en août 2016 pour avoir voulu supplanter Netanyahou en
s’appuyant sur le secrétariat du Likoud, l’instance suprême du parti, qu’il
dirige. Il était rentré dans le rang. Mais Erdan et Katz sont trop légalistes,
ou peu courageux, pour envisager un putsch contre le chef suprême. Ils font donc
preuve de patience jusqu’à une éventuelle décision judiciaire à leur profit.
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Yaalon, Lieberman et Netanyahou |
Cependant
à l’extérieur du parti, les prétendants fourbissent leurs armes. L’ancien
ministre de la défense Moshe Yaalon est sur le point de créer un nouveau parti
en attirant à lui l’ancien chef d’État-Major Gaby Ashkenazi qui ne se voit pas
croiser le fer avec les jeunes gauchistes du parti travailliste ni cohabiter
avec Yaïr Lapid qui l’étoufferait. Gidéon Sar, qui était arrivé au sommet du
Likoud, envisage son retour au sein du parti après sa période de purgatoire
imposée par Netanyahou.
Le
maire de Jérusalem, Nir Barkat, se prépare à postuler pour les instances du
Likoud car il envisage de briguer le poste de premier ministre, uniquement s'il se libère. Il ne veut surtout pas donner l’impression qu’il pousse Netanyahou
vers la sortie. Il pense cependant que ses chances sont grandes car il peut
s’appuyer sur son expérience à la Mairie où les orthodoxes font partie de sa
coalition, pour prouver qu’il sait ratisser large pour un éventuel gouvernement
de rassemblement.
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Nir Barkat |
Le
ministre de la défense Avigdor Lieberman multiplie les réunions avec les
Israéliens pour diffuser la bonne parole mais sans jamais attaquer de front
Netanyahou. Il se verrait bien en recours quitte à fusionner son parti Israël
Beitenou avec le Likoud. Toutes les ouvertures sont bonnes pour lui. Pour
cela, il drague les Francophones, orphelins de leader, en s’appuyant sur un ancien
porte-parole de l’armée et sur un ancien délégué de l’Agence juive à Paris qui
peuvent rameuter des troupes. Il veut surtout échapper à sa clientèle purement
russophone qui lui limite son champ d’action.
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Lieberman, Netanyahou et Bennett |
Le
ministre de l'Éducation Naftali Bennett a toujours fait preuve d’indépendance
vis-à-vis de Netanyahou jusqu’à s’opposer ouvertement à lui parce qu’il sait que
son groupe est indispensable à la coalition. Il a de grandes prétentions mais
il se trouve à l’étroit chez Habayit Hayehudi qui n’arrive pas à
décoller dans les sondages ni à dépasser Yesh Atid de Yaïr Lapid. Son
parti est devenu l’auberge espagnole qui rassemble les déçus du Likoud et du
Shass, les sympathisants kahanistes qui voient leur étoile monter et les
anciens membres du parti national religieux. Il est arrivé à la conclusion
qu’il ne parviendra jamais au sommet hors du Likoud.
C’est pourquoi il s’agite ; il accule le premier ministre en lui imposant son propre agenda et sort de ses seules prérogatives de ministre de l’Éducation. Mais il est conscient que ses nouveaux amis activistes, Uri Ariel, Bezalel Smotrich ou Moti Yogev lui infligent une image d’extrémiste de droite, proche des milieux controversés des implantations, ce qui constitue pour lui un handicap sérieux qui peut l’empêcher de rassembler. Ses prétentions et ses racines le poussent aussi à rêver à un grand parti républicain de type américain dont il prendrait le leadership. Alors il occupe à tout prix le terrain quitte à entreprendre une guérilla contre le premier ministre.
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Uri Ariel et Bennett |
C’est pourquoi il s’agite ; il accule le premier ministre en lui imposant son propre agenda et sort de ses seules prérogatives de ministre de l’Éducation. Mais il est conscient que ses nouveaux amis activistes, Uri Ariel, Bezalel Smotrich ou Moti Yogev lui infligent une image d’extrémiste de droite, proche des milieux controversés des implantations, ce qui constitue pour lui un handicap sérieux qui peut l’empêcher de rassembler. Ses prétentions et ses racines le poussent aussi à rêver à un grand parti républicain de type américain dont il prendrait le leadership. Alors il occupe à tout prix le terrain quitte à entreprendre une guérilla contre le premier ministre.
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Conseil des ministres |
Il
pense qu’il a la légitimité du poste de premier ministre pour en avoir été proche
en tant que directeur de cabinet de Netanyahou, de 2006 à 2008. Il ne cache pas
que sa trajectoire politique lui impose de faire tomber le gouvernement. Ses
gesticulations lors du vote de la Loi sur la Régulation prouvent que sa
stratégie passe par l’élimination politique de Netanyahou. Il joue sur le fait
que son influence est encore grande au Likoud puisqu’un sondage le désigne
comme le candidat préféré des militants de son ancien parti. Pour battre le
centriste Yaïr Lapid que les sondages placent en tête, il n’a pas d’autre
solution que de réintégrer le Likoud en y apportant un souffle nouveau et des
changements structurels qui lui permettront de noyauter le parti avec l'apport de nouveaux militants qui le suivraient. Il est
évident qu’il n’aura pas la même liberté d’action qu’à Habayit Hayehudi dont
les statuts ont été taillés à sa mesure. Par ailleurs il n’est surtout pas
certain que les prétendants du Likoud lui laisseraient la place alors qu’il
s’est mis en concurrence avec le parti en le quittant.
Enfin
la lassitude gagne dans le camp de Netanyahou qui est à la tête du gouvernement
depuis 2009, après un premier mandat entre 1996 et 1999. Dix ans de pouvoir
gênent les ambitions de ceux qui trouvent le temps long. Ils souhaitent que des
événements nouveaux leur permettront de ne pas attendre la fin de cette
législature dont le terme est fixé à novembre 2019. La guerre des droites est
déclarée.
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