L’année 2016 marquera de façon
consternante l’empreinte de l’action diplomatique de la France dans le monde
arabe, au Proche-Orient comme aussi au Maghreb oriental. À la veille de quitter
le Quai d’Orsay pour le Conseil constitutionnel, Laurent Fabius a dévoilé le 29
janvier l’intention de la France d’organiser d’ici la fin de l’année à Paris
une conférence internationale pour la paix entre Israéliens et Palestiniens.
Il
n’aurait pas dû ignorer qu’un projet analogue avait été lancé par François
Mitterrand fin 1985 et obstinément défendu jusqu’à la guerre du Golfe. L’Europe
et la France mises «hors-jeu», comme me l’avait affirmé Rabin, ce fut la
piètre rencontre de Madrid organisée en octobre 1991 sous double parrainage des
États-Unis et d’une URSS en voie de décomposition avancée.
Madrid 30 octobre 1991 |
Après une réunion discrète à
Paris le 3 juin, on a rapidement oublié l’essentiel, la tenue de la conférence fixée
à la fin de l’année. Promettre la reconnaissance automatique d’un État
palestinien souverain en cas de «blocus» n’était évidemment pas fait
pour assurer le succès de la conférence. À l’approche du terme retenu, on n’en
parle plus.
En outre, proposant en avril et
adoptant le 13 octobre une résolution sur la «Palestine occupée»,
portant plus précisément sur Jérusalem, le Conseil exécutif de l’Unesco
(éducation, science, culture) a ignoré les deux plus anciennes religions
monothéistes et l’Histoire tout court. Ce faisant, elle a ainsi rejeté la
disposition contenue dans la résolution 181 votée aux Nations-Unies le 29
novembre 1947 qui mentionne explicitement et dans l’ordre chronologique de leur
manifestation à Jérusalem «les trois grandes croyances répandues
dans le monde entier».
Représentants palestiniens à l'Unesco |
L’abstention de la France sur
le texte définitif ne saurait effacer un choix partisan. Il est loin le temps
où, en conférence de presse le 17 novembre 1948, Charles de Gaulle déclarait à
propos des Israéliens qu’il serait «fort étonné qu’en définitive Jérusalem
ne fît pas partie de leur État, à la condition qu’il y ait pour Jérusalem un
régime international qui assure les droits de la chrétienté».
Il y eut certes les croisades
malheureuses lancées contre les mahométans pour reprendre et conserver la ville
sainte ou la campagne de Bonaparte en Égypte jusqu’à Saint-Jean d’Acre.
Néanmoins, cette décision de la France sape la place éminente qui fut sienne depuis
ce Gaulois bordelais venu en 333 en pèlerinage en Terre sainte.
Longtemps considérables
dans toute la région, le rôle et l’influence des congrégations catholiques et
de l’Alliance israélite universelle ont disparu de la pensée de nos dirigeants.
Ainsi, en octobre 1996, Jacques Chirac se faisait accompagner dans la vieille
ville de Jérusalem par la seule représentante de l’OLP à Paris. Quelques années
plus tard, il refusait la mention des racines chrétiennes de l’Europe dans la
future Constitution de l’UE.
Telle que comprise chez nous,
la laïcité a d’ailleurs conduit à de surprenantes orientations. Pendant
plusieurs décennies, notre diplomatie a ainsi choisi de favoriser nos relations
avec les dictateurs qui prétendaient écarter de leur politique officielle un
comportement religieux. Quels étaient ces États ? L’Irak, la Libye, la Syrie.
Nous en voyons aujourd’hui les effets.
Tente de Kadhafi dans les jardins de l'hôtel Marigny |
Avec le premier, une créance
faramineuse pour livraisons d’armements qui favorisèrent l’invasion du Koweït,
le président Mitterrand ayant en outre cherché à faire reporter au dernier
moment l’opération Desert Storm. En
deuxième lieu, notre intervention à Tripoli mise en œuvre à l’initiative du
président Sarkozy qui avait reçu avec honneurs Mouammar Kadhafi a eu pour
résultat de créer un désordre cyclonique dans tout le Sahel. Enfin, s’agissant
de la Syrie, Jean-Marc Ayrault vient de réclamer au Conseil de sécurité une
nouvelle résolution sur Alep. Après le veto opposé par la Russie au projet que
nous avions présenté le 8 octobre, considère-t-on à l’Élysée ou au Quai d’Orsay
que Moscou a changé ou changera d’attitude dans sa défense intransigeante du
régime syrien ?
Relax Barack, c'est juste une tenue de mardi-gras |
Tsariste ou soviétique comme
disait de Gaulle, la Russie poutinienne est l’héritière d’Alexandre Ier
le Grand qui, le premier, s’ouvrit sur la Méditerranée en confiant la formation
de sa flotte en Baltique à des marins venus du Monténégro. Des soldats russes
moururent pour ce petit royaume lors de son occupation par les troupes
napoléoniennes de Lauriston et Molitor. Au temps de Tito, qui tenait à distance
les héritiers de Staline, on voyait des navires soviétiques en carénage dans la
baie de Kotor. Après l’éclatement de l’URSS et à défaut de pouvoir se maintenir
sur le sol de l’Europe de l’Est méditerranéenne, les Russes ont cherché et
trouvé un point d’appui en Asie. Ils s’y trouvaient déjà lorsque, se rendant à
Haïfa sur invitation israélienne, un bâtiment de notre marine nationale fit
escale à Tartous à la demande du Quai d’Orsay.
La tente de Kadhafi |
Hussein l’Irakien et Kadhafi le
Libyen ont été assassinés. Jacques Chirac fut le seul chef d’État occidental à assister
aux funérailles de Hafez el-Assad à Damas. Que pouvons-nous attendre du départ
ou de l’élimination de son fils Bachar dont Laurent Fabius souhaitait qu’il ne
fût point né ? La diplomatie, malheureusement, n’est pas une affaire de
bons sentiments. D’autres intérêts, terre à terre, conduisent et paralysent
trop souvent la politique des États. Rien aujourd’hui ne fera lâcher prise au
pouvoir alaouite soutenu par des Russes intraitables, comme ils le sont aussi
sur la Crimée. Nous devons en tenir compte.
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