Dimanche
dernier, nous avons assisté, à l’annonce des résultats du premier tour de la
primaire de la droite, à un retournement de situation que ne laissait pas
prévoir les sondages. Les instituts
avaient bien laissé entendre que les résultats dépendraient d’un certain nombre
de paramètres, qu’ils ne maitrisaient pas, comme le taux de participation à
cette élection ; c’était une première pour l’électorat de droite. Les
pourcentages obtenus par chacun des candidats pouvaient varier, les écarts se
resserrer mais personne n’avait imaginé que François Fillon arriverait en tête
avec plus de 44% des suffrages, laissant loin derrière lui Alain Juppé. Quelles ont été les motivations de ceux
qui ont voté pour lui ?
En premier lieu, elles sont idéologiques ; des électeurs
appartenant à la droite catholique, conservatrice, provinciale dans son mode de
vie, sa manière de penser, homophobe, réactionnaire pour tout dire, à cette
vieille droite qu’on croyait, à tort, disparue alors qu’on l’avait vue
réapparaitre dans les manifestations contre l’égalité des droits devant le
mariage républicain.
Nous
les avions vus défiler par centaines de milliers, avec étonnement, mais sans
prendre au sérieux leur capacité d’organisation et de nuisance. Ils forment les
gros bataillons du vote Fillon en qui ils reconnaissent leur représentant.
N’est-il pas catholique pratiquant, père de famille nombreuse, opposé à titre «personnel»,
à l’interruption de grossesse, qu’il ne remettra pas en cause, mais quel
encouragement pour tous ces médecins qui évoquent la clause de conscience pour
ne pas en pratiquer, et condamnent les femmes dans les petites villes à effectuer
de longs trajets pour pouvoir se faire avorter. La principale association issue
des manifestations contre l’égalité des droits, «Sens commun», fut
invitée à participer au meeting de François Fillon, au cirque d’hiver à Paris
le 21 septembre 2016, pour mieux revendiquer la réécriture, avec laquelle le
candidat est d’accord, de la loi Taubira.
En deuxième lieu, la volonté de se débarrasser, définitivement, de
Nicolas Sarkozy. Beaucoup d’électeurs persuadés que Juppé arriverait de toute
façon en tête ont considéré que la lutte aurait lieu pour la seconde place et
que pour empêcher Sarkozy d’y accéder, leur vote serait plus utile s’il se
portait sur Fillon ! Ils ont réussi au-delà de leur espérance, mais ils
ont assuré une crédibilité plus importante à François Fillon, tant l’écart
entre les deux hommes est grand, et semble difficilement rattrapable. Les
suffrages des gens de gauche ou peut être du Front national, qui ont interféré
dans cette primaire, n’ont pas réussi à combler le déficit. Ce vote illustre bien le glissement vers une
droite dure de la société française qui laisse, en lice, face à face deux
candidats du même parti.
Ils
se réclament l’un d’un libéralisme modéré, l’autre d’un l’ultra libéralisme sur
le plan économique mais sont très éloignés sur le plan sociétal. Alain Juppé a
déclaré à Toulouse, mardi dernier : «Notre
vision de la société française n’est pas exactement la même. Moi je veux une
France résolument ouverte sur la participation citoyenne, sur l’avenir» il
a qualifié celle de François Fillon «d’extrêmement
traditionnaliste pour ne pas dire rétrograde».
Nicolas
Sarkozy a été éliminé ; son ombre a cessé de planer sur les deux candidats
qui ne l’oublions pas ont été pour l’un, Juppé, son ministre des affaires
étrangères, pour l’autre, Fillon, son premier ministre pendant toute la durée
de son quinquennat. Ils lui doivent une partie leur carrière, tous deux ont besoin
de prouver, semble-t-il, qu’ils sont capables de réussir à mener à bien des réformes
que, lui, n’avait pas réussi à faire adopter. Sinon comment comprendre qu’ils
veuillent nous faire rentrer dans le 21ème siècle, à reculons en
reprenant des réformes toujours promises mais jamais totalement appliquées
depuis 30 ans.
Baisser
les dépenses publiques, augmenter la TVA de 1% pour l’un, de 2% pour
l’autre, supprimer l’impôt sur la fortune, abroger les 35 heures,
augmenter la durée du travail, supprimer 600.000 postes de fonctionnaires pour
Fillon, 200 à 300.000 pour Juppé, reporter l’âge légal de départ à la retraite
à 65ans etc. etc. J’ai cité les mesures les plus emblématiques. Des réformes
sont nécessaires dans la France d’aujourd’hui, tout le monde en convient, même
à gauche, mais pourquoi infliger à nos concitoyens un traitement aussi
drastique qui va peser sur les plus faibles d’entre eux, alors que nous savons
que l’austérité, quand elle est trop forte, alimente le populisme.
François
Fillon se montre le plus radical. Il veut appliquer en France les réformes qui
ont réussi à Mme Thatcher entre les années 79 et 90 mais nous serons très
bientôt en 2017. Ignore-t-il que Theresa May, qui a succédé au très Thatchérien
David Cameron, insiste désormais sur le rôle de l’État dans la politique
industrielle et la lutte contre les inégalités ? Alain Juppé demeure plus
mesuré, d’autant que le FMI et même Bruxelles se montrent, maintenant plus
réservés sur les bienfaits de l’austérité. L’heure est la relance, l’État retrouve
son rôle directeur. Je vous ai cité des points communs, des nuances mais il y a
aussi entre les deux hommes des divergences sur le plan international.
La
divergence le plus important porte sur la relation avec la Russie, François
Fillon veut que la France se rapproche de la Russie de son ami Poutine ; il
réclame l’abandon des sanctions prises par l’Union Européenne contre Moscou
après l’annexion de la Crimée. Juppé est contre. La conduite à tenir en Syrie
les oppose ; Juppé condamne Bachar El Assad, responsable de la mort d’au moins
300.000 de ses compatriotes et refuse toute alliance avec lui. François Fillon accepte, lui, de s’allier avec
Bachar El Assad au nom de la lutte contre Daesh et de passer, pour pertes et
profit, toutes les victimes du boucher de Damas car ce dernier est le
protecteur des Chrétiens d’orient, du moins de ceux qui résident en pays
alaouite !!!!
Ce
soir a lieu le dernier débat de ces primaires à la télévision : Le face à
face Juppé/ Fillon. Alain Juppé va essayer de regrouper autour de son nom pour
dimanche les électeurs modérés de la droite et du centre, les femmes de tout
bord et des électeurs de gauche qui veulent éliminer Fillon de la bataille
présidentielle.
Il manque un peu de panache, François Fillon.
RépondreSupprimerJacques ATTALI a dit que le prochain président serait "quelqu'un de nouveau".
Je ne suis ni catholique ni homophobe ni réac et encore moins contre la loi Veil, et pourtant je penche pour Fillon. Tous ses électeurs ne sont pas forcément ceux que vous décrivez.
RépondreSupprimerUne remarque sur les chiffres: Fillon veut supprimer 500000 postes de fonctionnaires et non pas 600000.
Sur les retraites trouvez-vous normal par exemple qu'un conducteur de TGV y soit à 50 ans?? Sommes-nous encore au train à vapeur??
A propos des 39 heures que Fillon veut courageusement remettre en place, faites-moi le plaisir d'être de bonne foi en reconnaissant que les 4 heures supplémentaires seront payées en conséquence et redonneront du pouvoir d'achat aux salariés.
Dimanche les électeurs de gauche auront beau trahir leurs idées en votant pour un candidat de droite qui sera Juppé, cela ne sera pas suffisant pour qu'il soit élu.
En définitive, il n'y a pas d'autres motivations dans ce vote que le désir des français à redresser leur pays presque en faillite après un quinquennat désastreux de Hollande.
Cordialement
"Alain Juppé va essayer de regrouper autour de son nom" tous ceux "qui veulent éliminer Fillon de la bataille présidentielle."
RépondreSupprimerEt pour ce faire, il a convoqué : l'IVG, le Mariage pour tous, l'ultralibéralisme, le thatchérisme, l'homophobie, l'islamophobie, le poutinisme, les traditionalistes catholiques, et jusqu'au pape François !
Sera-ce suffisant ? Réponse dimanche au soir !
Un des grands non-dits dans cette campagne et qui explique le score de Fillon, c'est que c'est le plus anti arabe.
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